Inventer le capitalisme collaboratif d'Etat

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l'invention du capitalisme collaboratif d'Etat
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Que signifie pour la France de vivre dans un monde et une Europe durablement en excès d'épargne ?

D'être piégée notamment, au cœur d'un espace de vieillissement et de déclin démographique que forment l'Allemagne, mais aussi la péninsule ibérique et l'Italie.

Cette configuration a des implications sur la manière de penser nos ajustements sur le long terme. Elle nous conduit notamment à penser des politiques structurelles ne se réduisant pas au moins disant social et salarial.

Un contexte de taux zéro à haut risque

Une conséquence importante de cette forte propension à épargner et de faible dynamique de la demande régionale, sera très probablement le maintien de taux d'intérêts à des niveaux très faibles. Et ce contexte de taux zéro comporte de gros risques de mauvaise sélection des investissements et de dégradation de la rentabilité économique du capital à long terme.

Avec une fuite en avant dans les infrastructures, le bâtiment, les activités de services liées à la dépendance et au confort des populations vieillissantes, au rendement faible mais certain, au détriment d'arbitrages plus risqués. Elle peut conduire aussi au maintien en vie artificielle d'activités qui auraient perdu leur utilité sociale.

A l'instar des banques grecques, qui ne doivent plus leur survie qu'à la transformation de la liquidité à taux zéro de la BCE en bons publics à court terme, et qui ont perdu leur fonction première d'intermédiation entre les agents privés et d'irrigation de l'activité réelle. Et c'est là que la confiance aveugle dans les arbitrages de marché peut se révéler désastreuse.

L'Etat peut jouer un rôle clé à travers ses choix d'investissements, le cofinancement et les incitations fiscales pour drainer le capital vers les activités stratégiques à forte intensité intellectuelle. Je ne plaide pas ici pour une planification à la papa. Il faut que l'État lui-même se réforme, et se réinvente, pour être en pointe de la révolution numérique. La modernité ne viendra pas d'un mammouth.

Une seconde conséquence forte

Que la France soit attractive ou non, nos groupes auront toujours plus intérêt à jouer le grand large plutôt que le territoire. Cela aussi a des implications. Une proportion toujours plus forte des chiffres d'affaire et des profits sera dégagée hors Europe. Il y a là un risque d'évaporation de l'assiette fiscale et des talents manifestes. La tentation première est de taxer les groupes sur une base consolidée.

Mais il faut alors un consensus et une synchronisation internationale pour le faire. Le faire isolément serait désastreux. En attendant l'improbable, il faut au contraire mettre toutes les incitations en œuvre pour qu'une part maximale de ces profits soient réinvestis en France, sur les fonctions stratégiques qui sont au cœur du contrôle. Faire en sorte aussi, que cette ressource irrigue le terreau de nos startups.

 L'enjeu de l'attractivité du capital

Enfin, et je m'arrêterai là, il va falloir gérer dans le long terme notre décalage potentiel de demande, pour qu'il ne dégénère pas en déséquilibres (commerciaux et publics) insoutenables ou en baisse du PIB par habitant par effet de lestage par notre environnement. Cela veut dire que moins que jamais, il nous sera possible de penser nos revenus comme si nous vivions en économie fermée. Dans un environnement d'épargne abondante, l'enjeu est celui de l'attractivité du capital. Il n'y a pas d'autre issue que d'augmenter le capital par tête.

Mais attention, qui dit entrée de capitaux, dit aussi risque de déséquilibre des paiements important et d'alourdissement de notre dette extérieure. La France doit donc être en mesure d'exporter hors Europe. Cela nous renvoie au premier point.

Ce ne sera pas par le déversement des personnes sur des services à faible qualification et productivité et par le seul détricotage du droit social que l'économie s'insérera dans les chaînes de valeur mondiale. Et c'est bien un nouveau capitalisme collaboratif d'Etat qu'il va nous falloir inventer.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaire 1
à écrit le 21/05/2015 à 10:35
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Quand le but du capitalisme est de supprimer l’État afin d'avoir les coudés franches mais qu'il oublie que sans législation, ce capitalisme n'a aucune protection!

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