L'abject terrorisme nous tend un piège.

Les stratégies de communication face au terrorisme sont partie intégrante de la lutte contre celui-ci. Par Florian Silnicki, expert en stratégies de communication de crise

Le terrorisme mondial a muté. Il n'a plus rien d'une question politique. Le terrorisme est aujourd'hui une menace à notre sécurité.
Nous sommes tous les victimes potentielles. Nous ne devons pas avoir peur. Décrypter lucidement la communication de ces lâches permet de comprendre leurs objectifs. La récente attaque terroriste sans discernement a frappé des civils sans défense. Avant nous déjà, les sœurs de notre Capitale, New York, Bali, Londres, Madrid, avaient eu à subir ces actes barbares.

Attirer l'attention du public

Une attaque terroriste est un sujet qui reçoit toute l'attention de tous les médias. Les terroristes utilisent des attaques violentes que pour attirer l'attention du public. Ils accompagnent d'ailleurs chacune de leurs attaques avec un dispositif de communication toujours plus fort. Les terroristes utilisent délibérément l'onde de choc diffusée par les médias pour amplifier et propager la peur et l'insécurité dans la population. De cette façon, ils tentent de saper les systèmes sociaux et politiques qu'ils ont attaqués.

Nos institutions ont été immédiatement impactées par cette attaque terroriste. Chacune a été soudainement confrontée à un énorme intérêt des médias, stimulé par la violence visuelle des images et son association immédiate avec le phénomène du terrorisme mondial. Un déferlement de questions difficiles s'est abattu dans les médias à propos de notre niveau de préparation, de nos procédures de sécurité, ....

 Adopter une stratégie de communication

Afin de faire face à la suite des attaques terroristes, nos institutions ont besoin d'une stratégie de communication contre le terrorisme afin de sécuriser et réconforter la population. La communication doit permettre de réduire l'impact potentiel d'une attaque et de prévenir la perte de confiance et de l'image pour les autorités publiques. Les stratégies de communication face au terrorisme sont une partie intégrante de la lutte contre le terrorisme.

Une stratégie spéciale de communication de crise doit être préparée et répétée avant que ne se produise une attaque. La communication stratégique de crise doit jouer son rôle clé pour contenir les conséquences psychologiques collectives d'une attaque terroriste.

 Saper la confiance dans les responsables politiques

Bien que les attaques terroristes sèment la peur dans la population, leur véritable objectif est de détruire la sécurité et l'ordre public.
Les attaques terroristes visent à saper la confiance dans les responsables de nos systèmes politiques, religieux ou sociaux. Les groupes terroristes utilisent ces attaques comme une stratégie de communication, puisque leurs attaques nécessitent d'avoir l'attention du public pour développer leur puissance destructrice.

Les caractéristiques des attentats terroristes sont triples. Ils viennent comme une surprise, ciblant souvent des endroits inattendus.
Ils sont conçus pour provoquer le maximum de dégâts possible en termes de vie humaine et d'infrastructures pour attirer le plus l'attention du public. Ils visent des cibles qui n'ont souvent aucun lien direct avec les objectifs politiques des terroristes.

 Terroristes=professionnels de la communication

Du strict point de vue de la stratégie, la sélection de cibles pour l'attaque se fait sur la base de considérations symboliques, idéologiques ou purement médiatiques. Le terroriste cherchera toujours le spectaculaire. Voilà pourquoi la Tour Eiffel est depuis des années la cible de tentatives d'attentats. Voilà pourquoi aujourd'hui ils ont visé ce public, plutôt jeune et hédoniste.

Les groupes terroristes sont désormais des professionnels de la communication qui font usage de tous les outils les plus sophistiqués pour capter l'attention des médias. On voit ainsi comment l'impact de la communication de l'attaque de Paris est prolongée par des lettres, des vidéos, des infographies, des sons alimentant en continue les reportages des médias. Les groupes terroristes utilisent même désormais leurs stations de télévision pour répandre leur haine de la vie humaine comme ils utilisent depuis plusieurs années les Internets pour répandre la panique à l'échelle internationale quand ce n'est pas pour recruter les plus jeunes ou enrôler les plus sensibles.

 De profondes cicatrices sur notre conscience collective

L'utilisation systématique de la violence et de la communication constituent d'ailleurs l'une des différences majeures entre les attaques terroristes et les catastrophes naturelles en gestion de crise.

La stratégie du terroriste repose toujours sur la maximalisation de la propagation de la peur, de l'anxiété liée à la probabilité de la répétition des attaques et à l'impuissance, ce sentiment d'être sous une menace contre laquelle on peut difficilement agir. Les attaques laisseront de profondes cicatrices sur notre conscience collective. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées et blessés.
Les stations de télévision du monde entier ont interrompu leur programmation pour montrer ces images insoutenables montées dans des éditions spéciales.

Les endroits à forte concentration de personnes tels que les aéroports, les centres commerciaux et les restaurants ne sont en rien symboliques mais ils figurent systématiquement comme des cibles privilégiées des terroristes parce que les attaques sur les citoyens, y compris celles qui ciblent les enfants et les jeunes, génèrent d'énorme attention du public ce qui maximise l'onde de choc. Le premier résultat recherché de ces attaques est de déclencher la peur parmi la population qui pourrait elle-même devenir victime.

 D'autres cibles plus symboliques

A côté, évidemment, d'autres cibles sont plus symboliques. Les attaques contre les institutions religieuses leur permettent alors de communiquer simultanément un message de destruction des valeurs culturelles, religieuses et sociales. Une attention particulière doit désormais être accordée par nos pouvoirs publics à la peur collective et au sentiment d'insécurité de notre population. Ce sentiment s'est matérialisé dimanche dans la soirée.  Après l'explosion d'une lampe sur la terrasse d'un café, un mouvement de foule s'est propagé dans l'est de Paris, aux abords de la place de la République où des milliers de personnes étaient rassemblées en hommage aux victimes des attentats.

 Le rôle complexe des medias

Les médias jouent un rôle complexe dans la naissance et la propagation de la peur. Aucune TV ni même aucune station de radio et aucun titre de presse ne peut se permettre d'ignorer une attaque comme celle qu'a connu Paris. Chacun voit bien qu'il y a une ligne très mince entre l'information, le voyeurisme et le sensationnalisme (ce qui fait vendre).

Nul besoin d'être expert en communication de crise pour constater qu'au cours des dernières années, la pression de la concurrence sur le marché des médias a abouti à la "trashisation" des méthodes de journalistes. Les médias ne sont pas seulement des conteurs. Ils utilisent aussi leur espace médiatique pour illustrer de plus en plus rapidement les événements avec des images et des vidéos, de plus en plus hard s'approchant chaque fois de la ligne jaune de la décence. Travaillant sous la pression du temps, les journalistes affichent leur besoin d'informations et d'images rapide pour répondre aux échéances de plus en plus courtes fixées par les rédactions toujours en quête de scoops, d'exclus et d'informations différenciantes.

 Internet, la grande  piscine de l'information

Cependant, les médias ne sont clairement plus la seule force de dissémination de la peur sur laquelle les terroristes s'appuient. Les internets sont devenus la plus grande piscine de l'information. Une piscine dans laquelle beaucoup de nos concitoyens peuvent aisément se noyer. Les attentats subis par Paris démontrent comment, sur internet, l'information de fond est submergée par la spéculation et l'émotion. L'Internet et les médias sociaux en particulier, sont devenus un espace public indépendant caractérisé par l'anonymat, la rapidité et l'éphémère. Ils sont structurellement des foyers de rumeurs et de plates-formes qui façonnent l'opinion publique.

 En outre, ce sont systématiquement les extrémistes qui façonnent souvent la communication sur internet, en particulier en temps de crise. Ils sont extrêmement sujets à l'indignation. On l'a vu ici avec la mobilisation immédiate et massive des militants du Front National et de la droite la plus radicale, diffusant des clichés indignes de l'intérieur de l'une des scènes de crime.

Rien "de plus servile, de plus méprisable...qu'un terroriste"

 François René de Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe nous a appris qu'il n'y avait rien de "plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste."

Il est vrai que le terrorisme est une crise de type chaotique dont la communication. Elle doit être combattue pied à pied. La « psychose » étant l'un des résultats possibles d'une telle crise. C'est le niveau atteint lorsque l'inquiétude, née de l'ampleur médiatique de la crise, conduit les acteurs à changer de comportement.

 Un emballent difficilement contrôlable

Le propre d'une psychose est qu'aucun argument rationnel ne peut résister à la vague émotionnelle. Le pire devient probable et l'improbable devient possible. L'emballement devient difficilement contrôlable. La fin d'une psychose vient soit par lassitude des médias et de l'opinion publique, soit parce qu'elle est chassée par une actualité. On constate aujourd'hui une soif considérable d'information : tout le monde veut tout savoir. Il convient pourtant de trouver le bon niveau de l'information et les chaînes de télévision ont bien fait de ne pas retransmettre en direct l'assaut du Bataclan, ne répétant ici pas l'erreur considérable commise lors de l'attaque de l'Hyper Cacher.

Comprendre la stratégie de communication de ce terrorisme permet au final de comprendre leurs objectifs. In fine, cela permet de mieux anticiper leur mode opératoire.

 Quoiqu'il arrive le 13 novembre 2015 est une date maudite qui marquera tragiquement notre histoire. 129 morts. 352 blessés. Je pense à chacun d'eux et me remémore Charles Péguy "parce qu'ils n'aiment personne, ils croient qu'ils aiment Dieu".

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Commentaire 1
à écrit le 16/11/2015 à 15:51
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Cela fait du bien de lire des propos aussi censés. L'article a trouvé les bons mots pour décrire cette ignoble situation.

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