L'avenir des grandes entreprises se joue dans les excubateurs !

Les grandes entreprises doivent savoir séparer activité traditionnelle et innovation de rupture. La technique de l'excubateur, qui se développe aux Etats-Unis, est une bonne réponse. Par Marie Vorgan le Barzic, CEO de NUMA et Charles-Edouard Bouée, CEO de Roland Berger

De quoi Nokia, Kodak, Britannica et tant d'autres sont -ils le nom? De quoi ces grandes entreprises, toutes victimes de la "disruption" numérique, parlent-elles? En 2008 Nokia acquiert Navteq pour plus de 8 millions de dollars, afin de faire barrage aux géants du numérique sur le marché de l'information trafic en temps réel. Pendant ce temps, la startup israélienne Waze faisait le choix de "crowdsourcer" la collecte de données via le smartphone des automobilistes. Quatre ans plus tard, Waze a dix fois plus de sources que Navteq n'a de capteurs. Et en 2013, Google rachète Waze pour 1,1 milliard de dollars, tandis que Nokia poursuit son inexorable déclin.

Quant à Kodak, il représente un cas d'école, celui de la grande entreprise vaincue par sa propre invention. Pionnière avec la mise au point dès 1975 du premier appareil photo numérique, elle décide pourtant de ne pas parier dessus. En 2012, quand Kodak se déclarait en faillite, Instagram, jeune startup de 3 ans, était rachetée par Facebook pour un milliard de dollars, alors même que Kodak détenait encore le brevet pour la photographie numérique.

Une stratégie désastreuse... mais rationnelle

Il y a là comme un paradoxe. Ces entreprises étaient a priori les mieux placées pour innover et faire prendre à leur marché le tournant qui allait se jouer : elles en avaient les moyens technologiques et financiers, elles avaient des marques fortes, et  des équipes qui avaient fait preuve de savoir innover sur des dizaines de produits. Mais, au moment où elles auraient dû engager la décision stratégique qui leur aurait permis de rester leaders, ces grands groupes n'y avaient tout simplement pas intérêt. Proches de leurs clients, elles s'attachaient à répondre à leurs besoins du moment, pas à anticiper des besoins qui n'existaient pas encore. Attentives à leurs marges, elles étaient réticentes à faire des investissements dont elles ne savaient pas s'ils contribueraient à la croissance future. Leur stratégie s'est révélée désastreuse. Elle n'en était pas moins rationnelle.

Séparer activité traditionnelle et innovation

De ces mésaventures, un constat essentiel doit être tiré : la capacité d'innovation et l'agilité sont certes devenues incontournables pour les entreprises. Mais il est difficile de mener au sein de la même organisation l'activité traditionnelle qui assure les revenus courants d'une part, et l'innovation de rupture qui assurera les marchés futurs d'autre part.

Des initiatives de soutien aux innovateurs internes comme les programmes d'intrapreneuriat existent doivent être encouragés, mais il leur manque souvent une vraie zone d'autonomie qui leur permette de ne pas se limiter à améliorer l'existant, mais explorer des opportunités de croissance qui s'éloignent de l'activité "cœur". A l'inverse, en externe, l'investissement direct dans des startups prometteuses se développe. Mais cette approche ne s'appuie pas sur les atouts de l'entreprise. En outre elle comporte le risque de contribuer à financer ses futurs concurrents.

Allier "lab" et logique d'investissement

Il manque aujourd'hui un dispositif souple qui libérerait les grands groupes de leurs contraintes pour financer l'innovation de rupture (difficulté à changer rapidement d'offre et de modèle économique, manque d'habitude à travailler en écosystème...), tout en gardant ces innovations "à portée de main". L'excubateur permet cela. Cette formule se développe aux Etats-Unis, il faut aujourd'hui la faire connaître auprès des grands groupes européens. Elle allie le dispositif opérationnel d'un lab ou d'un incubateur avec une véritable logique d'investissement tourné vers l'extérieur, qui permet de tester rapidement les innovations sur le marché. En associant largement les équipes, et les communautés digitales, l'excubateur contribue à la révolution culturelle de l'innovation, et la pérennise dans les grands groupes. Il permet à ces derniers de créer leur propre startup, et ce faisant de faire émerger de nouveaux modèles disruptifs, tout en s'assurant que ces derniers contribueront à la croissance future de l'entreprise.

L'époque de l'opposition frontale entre les modèles Startup et Corporate est dépassée. Pour grandir, les deux ont besoin d'alliés et concurrents de qualité. C'est en créant un écosystème d'innovation dans lequel startups et acteurs traditionnels trouvent les ressources pour se développer que l'Europe restera compétitive, à l'heure numérique.

Marie Vorgan le Barzic est CEO de NUMA

Charles-Edouard Bouée est CEO de Roland Berger

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Commentaires 6
à écrit le 08/01/2016 à 18:01
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Dans un autre journal, Marie VLB dit à propos de ce projet d'excubateur NUMA-RB: "Il faut que nous validions la pertinence de notre alliance". Sage précaution.

à écrit le 08/01/2016 à 16:01
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N'est-il pas troublant que les auteurs soient incapables de fournir le moindre exemple appuyant leur dires...? Si vraiment "cette formule se développe aux états-unis" comme ils l'affirment, pourquoi ne peuvent-ils pas citer au moins un nom de grand g...

à écrit le 08/01/2016 à 9:44
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Même si Kodak avait fait des APN à partir de 1975, rien ne prouve qu'ils n'auraient pas fait faillite de toute manière, comme la plupart des fabricants d'APN d'ailleurs, eux-mêmes laminés par... Apple.

à écrit le 04/01/2016 à 14:44
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Chers amis rédacteurs, merci de votre article, je vous laisse découvrir En Mode UP ! www.enmodeup.com qui oeuvre désormais depuis 1an pour faire entrer au coeur des entreprises l'innovation et les clés portées par les StartUP et leur écosystème. ...

à écrit le 04/01/2016 à 12:28
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Analyse abstraite, bien trop abstraite, destinée surtout à vendre les services des deux auteurs (incubation pour l'une, conseil pour l'autre) mais superficielle et finalement stupide pour qui a un jour créé une startup, ce qui n'est visiblement le ca...

le 05/01/2016 à 11:05
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Recherché par curiosité plus d'infos sur le patron de RB sur le web. La première impression se confirme, hélas. L'homme se présente comme ayant visité plus de 60 pays "y compris Téhéran", se moque des ingénieurs allemands qui ne seraient pas capables...

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