L'économie britannique se porte bien mieux que l'UE ne voudrait le penser

OPINION. « L'économie du Royaume-Uni finalement nettement plus solide qu'annoncé », titrait Le Monde du 4 septembre 2023. L'Office national des statistiques a fortement revu à la hausse la croissance de 2021, situant finalement l'économie du pays près de la moyenne occidentale. Par Thierry Martin, écrivain, essayiste et Membre de la direction de l'association France-Grande-Bretagne
Rishi Sunak, Premier ministre conservateur du Royaume-Uni
Rishi Sunak, Premier ministre conservateur du Royaume-Uni (Crédits : POOL)

« Peut-être que le Royaume-Uni ne va pas si mal, après tout. » En titrant leur note, vendredi 1er septembre, les économistes du groupe de services financiers Nomura n'ont pas caché leur énorme surprise, écrit Eric Albert, le correspondant à Londres du Monde. L'Office national des statistiques (ONS), l'équivalent britannique de l'Insee, a revu de façon très significative la croissance du pays pour l'année 2021 et, dans une moindre mesure, pour 2020.

« La révision des chiffres du PIB place le Royaume-Uni parmi les meilleurs élèves en Europe », titrait Les Échos dès le 1er septembre, suite à la révision à la hausse du PIB sur l'année 2021 par L'Office National Statistique (ONS) britannique. L'économie britannique est désormais parmi l'une des plus performantes du G7 post-Covid, après une révision des statistiques sur l'année 2021. Ceci contredit le narratif d' « homme malade de l'Europe » véhiculé jusqu'ici. Au lieu du bonnet d'âne, écrit Ingrid Feuerstein, l'économie britannique pourrait finalement se voir décerner des lauriers pour la rapidité avec laquelle elle s'est relevée du Covid en 2021.

Alors qu'en février dernier L'Express titrait avec gourmandise « Brexit : trois ans après, les cinq chiffres qui montrent que l'économie britannique souffre ». -0,6% de PIB ; +10,5% d'inflation ; le coût du Brexit ? 113 milliards d'euros... par an ; les investissements des entreprises, en baisse de 20 % par rapport aux autres pays du G7 ; 370 000 travailleurs européens en moins. Alors que les grèves se multiplient au Royaume-Uni, l'exécutif défend toujours les vertus du Brexit, en dépit de trois années particulièrement moroses. Qu'importent ces mauvais résultats, aux conséquences désastreuses sur les Britanniques, se gausse A.B. (signataire de l'article), l'ancien Premier ministre Boris Johnson a lui aussi tenu à faire de cette date une fête. « Happy Brexit Day », a-t-il posté sur ses réseaux sociaux.

Rappelant plein d'ironie qu'à lire l'actuel Premier ministre britannique cette fois-ci, le troisième anniversaire de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le Brexit, serait une fête. « Une immense opportunité », même. Dans un communiqué publié le 31 janvier, au 100e jour de sa prise de fonction, Rishi Sunak trinque à la « croissance de l'économie britannique » à venir, libérée du joug de la vieille Europe et de ses règles jugées trop contraignantes et défavorables pour le développement économique.
L'Usine Nouvelle, titrait le 10 février «Trois ans après le Brexit, l'économie britannique à la peine ». « Le Royaume-Uni devrait être le seul pays du G7 à entrer en récession en 2023, selon le FMI. La faute au Brexit ».

L'économie britannique attendue en récession en 2023 se montre résiliente

Mais voilà, c'est maintenant la direction générale française du trésor qui le dit dans une note du 6 octobre 2023. Avec un PIB de 3 071 milliards de dollars, le Royaume-Uni est en 2022 la sixième économie mondiale et la deuxième économie européenne, derrière l'Allemagne (4 075 milliards de dollars) et devant la France (2 785 milliards de dollars), selon le FMI. Le PIB par habitant du Royaume-Uni s'élève à 45 295 dollars, se classant 23e mondial, devançant d'un rang la France (42 409 dollars). La nette contraction du PIB observée pendant la pandémie (-10,4% en 2020) a été suivie d'une reprise économique dynamique en 2021 (8,7%) et prolongée en 2022 (4,1%). En milieu d'année 2023, selon l'institut national britannique de statistiques, le Royaume-Uni avait dépassé son niveau d'activité prépandémie de 1,8%.

Le secteur tertiaire représente près de 80% de la valeur ajoutée produite en 2022 et 82% des emplois. La place financière de Londres étant, après le Brexit, toujours l'une des plus importantes au monde, le poids des services financiers et du secteur des assurances dans l'économie britannique est particulièrement élevé (8,3% de la VA et 4,3% de la main-d'œuvre en 2022). L'industrie manufacturière reste néanmoins significative, représentant 9,5% de la valeur ajoutée et 8% des emplois. La production du secteur de l'énergie est importante, grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz naturel en Mer du Nord. Le Royaume-Uni entend poursuivre le développement de l'énergie nucléaire. Pour la première fois depuis plus de deux décennies, deux réacteurs EPR sont en cours de construction, à Hinkley Point.

Le Royaume-Uni reste caractérisé par une intervention mesurée de l'État dans l'économie. Le système juridique et fiscal britannique est perçu comme étant favorable aux entreprises. Le droit du travail flexible fait également partie des facteurs d'attractivité. Selon l'OCDE, en 2022, le Royaume-Uni était le 4e pays le plus attractif pour les fondateurs de start-ups grâce à une culture entrepreneuriale très puissante et de nombreuses licornes créées au cours de la dernière décennie.

Le pays fait néanmoins face à un déficit de productivité, avec une productivité par heure travaillée inférieure de 7% à la moyenne observée dans les pays du G7 en 2022, d'après l'OCDE. Cette situation résulte notamment d'un investissement privé faible et de dépenses en R&D inférieures à la moyenne européenne. En freinant les investissements, les incertitudes du Brexit auraient aussi limité les gains de productivité du pays.

Cela étant alors que l'économie britannique était attendue en récession en 2023 en raison d'un taux d'inflation élevé, celle-ci se montre résiliente. Fortement affectés par la hausse des prix, l'inflation ayant avoisiné 10% entre juillet 2022 et mars 2023 et s'établissant à 6,7% en août, les revenus réels du travail ont baissé de 2,25% en 2022, et devraient rester stables en 2023 (0%), selon la Banque d'Angleterre en août 2023. Le commerce extérieur soutient légèrement l'expansion économique enregistrée en 2023, les exportations subissant une contraction de plus faible ampleur (-2,0%) que les importations (-3,5%).

En cette année pré-électorale, les cinq priorités du Premier ministre sont la réduction de l'inflation de moitié d'ici la fin de l'année ; la croissance économique afin de créer des emplois fournissant de meilleures rémunérations ; la réduction de la dette publique, celle-ci ayant dépassé 100% du PIB au cours de l'été 2023 ; la réduction des listes d'attentes permettant d'accéder aux soins fournis par le secteur médical public (NHS) et l'adoption d'une loi afin de mettre fin à la traversée illégale de la mer de la Manche via les « small boats ».

Les mains enfin libres, les Britanniques ont très vite conclu un accord de libre-échange avec l'Australie. Relation qui leur était interdite depuis l'entrée dans le marché commun en 1973 vécu comme une catastrophe économique par les agriculteurs australiens. Depuis, le gouvernement britannique a annoncé son adhésion au partenariat de libre-échange transpacifique (CPTPP). Le Royaume-Uni est le premier pays européen à rejoindre le CPTPP, qui comptera ainsi 12 pays (dont le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Canada, le Chili, la Malaisie, le Mexique, Singapour) pour un PIB (Produit intérieur brut) de 12.000 milliards de livres sterling (14.000 milliards d'euros), selon un communiqué du ministère britannique du Commerce.

Résolument tourné vers le libre-échange, la Global Britain prend le large quand l'UE recroquevillée dans son protectionnisme frileux vient de créer une nouvelle taxe aux frontières.

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Commentaires 2
à écrit le 19/10/2023 à 10:18
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le UK est franchement mal en point. elle est tout en bas de tableau en matière d'investissement public et des entreprises (think tank anglais IPPR, 20/06/2023). il y a deux fois moins de robots dans les entreprises qu'en France (fédération internatio...

à écrit le 19/10/2023 à 8:36
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Merci beaucoup mais quand vous savez que nos journalistes sont récompensés financièrement s'ils disent du bien de 'LUE vous savez que nous allons avoir une vague de propagande médiatique subjective pro-union européenne et donc anti-brexit par ricoche...

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