L'Ecosse ne votera pas son indépendance

OPINION. Titre provocateur ? Jugement volontairement à l'opposé des commentaires après l'élection du Parlement écossais le 6 mai ? Absolument pas. Après tout scrutin, il s'agit d'analyser, de comparer, de déterminer une tendance. La synthèse qui en découle n'est pas favorable au SNP, parti leader et nationaliste. Il peut réussir à obtenir de Londres un nouveau scrutin sur l'indépendance de l'Ecosse, mais le gagner est très incertain. Par Gérard Vespierre (*) Président de Strategic Conseils.
Gérard Vespierre.
Gérard Vespierre. (Crédits : Valérie Semensatis)

La lecture des résultats de l'élection du Parlement Ecossais le 6 mai s'est principalement concentrée sur le nombre de sièges remportés par le SNP « Scottish National Party ». Tous les regards ont été fixés sur la barre des 65 sièges de la majorité absolue. En ayant obtenu à lui seul 64 sièges, les médias se sont focalisés sur ce « presque succès absolu », et la tendance apparente qui s'en dégageait, c'est-à-dire le chemin de l'Ecosse vers l'indépendance.

Mais, tout résultat mérite une analyse plus approfondie, surtout dans le domaine politique, et encore plus particulièrement quand un tel enjeu se dessine.

Il convient aussi de bien différencier les scrutins. Un vote pour l'élection des membres d'un parlement n'est pas un référendum, les enjeux ne sont absolument pas comparables. Pour percevoir la tendance dans laquelle se positionne le SNP, il convint donc de se pencher sur l'analyse du même type de scrutin. Celui désignant les membres du Parlement Écossais est particulièrement intéressant car, il offre aux électeurs un choix ouvert, et la possibilité d'observer sur une longue période, en l'occurrence les 3 dernières élections de 2011, 2016 et 2021, l'évolution des résultats.

Mobilisation de l'électorat, impact sur le vote SNP

La première question à se poser concerne la mobilisation de l'électorat, et en deuxième lieu de discerner l'impact de cette évolution sur le résultat. La réponse est contenue dans le graphique ci-dessous. Il montre que la participation a été très moyenne il y a 10 ans, avec seulement 50% de votants parmi les inscrits. Mais la mobilisation a augmenté de pratiquement 35% en 2021 par rapport à 2011. Cette mobilisation profondément accrue s'explique par la politisation de l'électorat liée au double référendum, indépendance en 2014, et Brexit en 2016.

Ecosse Score

Il est étonnant de constater que la mobilisation croissante de l'électorat écossais (courbe bleue) ne profite nullement, en termes de voix, au parti indépendantiste SNP. Ce graphique comparatif permet en effet de mettre en évidence que le pourcentage de voix obtenues par le SNP (courbe orange) baisse régulièrement alors que le taux de participation augmente!

L'enseignement politique est clair. Les indépendantistes, fortement motivés par leur choix, se mobilisent et se déplacent les premiers vers les bureaux de vote. Mais au fur et à mesure que les électeurs se mobilisent, on constate que ces nouveaux votants sont moins motivés par l'indépendance, et portent donc moins leurs voix sur les candidats indépendantistes!

Mais cette tendance a-t-elle également un impact sur l'évolution du nombre de sièges obtenus depuis 10 ans par le parti indépendantiste ?

L'évolution du nombre de sièges du SNP

Ecosse

Comme précédemment évoqué les regards se sont portés lors de l'élection du 6 Mai, sur les résultats en sièges, obtenus lors de ce scrutin, mais non sur la tendance de la représentativité du SNP.

On constate à nouveau, que le nombre de sièges du SNP (courbe orange) a diminué depuis 10 ans à l'image du pourcentage de voix. De 69 sièges en 2011, le SNP a obtenu respectivement 63 et 64 sièges en 2016 et 2021.

Certes le SNP est à un siège de la majorité absolue, mais il avait obtenu cette dernière en 2011 (69 sièges) avec... 25% de votants en moins.

La conclusion est claire, plus les électeurs écossais se mobilisent, plus le poids électoral du SNP s'effrite, tant en voix qu'en siège.

Quelles conclusions tirer pour le futur ?

Les projections à moyen terme

Le SNP et son allié, les Verts (Scottish Green Party) soutenant activement la sortie de l'Ecosse du Royaume-Uni, mettront tout en œuvre pour obtenir de Londres la tenue d'un nouveau référendum sur l'indépendance.

Mais si cette étape est fondamentale, et qu'un second référendum se déroule dans un délai raisonnable de quelques années, un résultat favorable à l'indépendance, dépassant donc le seuil des 50% est loin d'être obtenu.

En 2014, les indépendantistes ont obtenu 45% des voix, et en 2016 les Écossais ont rejeté le « Brexit » à 62%. Si le rapprochement est tentant, il ne convient pas de substituer un résultat à un autre, car le peuple écossais, dans le calme et de bon sens, répond de façon très adaptée et très précise à la question qui lui est posée. Il continuera de soupeser les avantages, et les inconvénients, économiques, sociaux et politiques, pour une population de seulement 5,5 millions de personnes de proclamer son indépendance. Nulle différence culturelle ou religieuse, à l'opposé de l'Irlande, ne vient amplifier une dynamique de séparation.

Le gouvernement britannique s'il ne parvient pas à s'opposer à la tenue du référendum saura mettre en avant les contre-feux, soit en orientant le processus électoral vers un « vote indicatif » soit en « intensifiant » habilement le débat intérieur.

Il n'est pas sûr que Bruxelles considère, au fond, d'un très bon œil une indépendance de l'Ecosse. En conséquence, il ne faudra certainement pas attendre une aide venant de l'autre côté du Channel. Dans un tel contexte de dynamique indépendantiste décroissante, malgré une participation croissante, et des éléments extérieurs défavorables, le peuple écossais se dirigera vers la prudence. Ne nous attendons donc pas à une indépendance de l'Écosse.

Il reste au SNP à utiliser habillement cette situation pour obtenir de Londres plus de moyens en faveur de l'économie écossaise.

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(*) Gérard Vespierre, diplômé de l'ISC Paris, maîtrise de gestion, DEA de finances, Paris Dauphine, fondateur et rédacteur du site : www.le-monde-decrypte.com

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Commentaires 10
à écrit le 27/05/2021 à 16:30
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Le vote sera serré car les Ecossais reconnaissent que Londres à fait beaucoup d'efforts pour développer l'autonomie et l'économie du royaume (bon c'est vrai surtout depuis les velléités d'indépendances). Si indépendance, l'Ecosse fera toujours parti ...

le 28/05/2021 à 10:17
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Une analyse intelligente et une option parfaitement crédible et solide mais il faudrait que l'UE pousse le RU dans ses derniers retranchements pour qu'elle en arrive à une telle stratégie ce qui serait étonnant étant donné que ce n'est qu'un ventre m...

à écrit le 27/05/2021 à 10:13
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L'Ecosse ne votera pas pour son indépendance c'est sûr et certain mais parce qu'elle est intégrée au RU depuis 1707 tandis qu'elle n'est entrée dans l'UE que depuis 1973, or si les médias de masse sous la coupe d'une dictature financière incapable de...

à écrit le 26/05/2021 à 19:04
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L'argumentaire et les graphiques de l'auteur auraient été plus convaincants si il avait intégré les voix et sièges obtenus par les verts, également favorables à l'indépendance....

à écrit le 26/05/2021 à 17:46
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L'indépendance de l'Ecosse reste une évidence, c'est un état dilué dans une communauté d'états le RU, donc dilué dans l'europe se sentait tout à fait à l'aise, et dans une nation celte virtuelle, culturelle, de la Gallice à l'Irlande, l'Irlande du no...

à écrit le 26/05/2021 à 13:54
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L'Acte d'Union de 1707 a été obtenu par un vote conjoint des Parlements de Westminster et d'Holyrood ( acheté par l'or de la City ), pas par un referendum ! Pour retrouver son indépendance , le royaume millénaire d'Ecosse, n'a qu'a faire invalider le...

à écrit le 26/05/2021 à 10:21
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Au delà des accords sur le Brexit signés par l'UE et l'Angleterre, l'Ecosse, comme pays à part entière ne pourrait-elle pas faire acte de candidature pour revenir dans l'UE ? Une autre manière d'affirmer son indépendance sans quitter le RU dans un p...

à écrit le 26/05/2021 à 5:40
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je ne comprends pas cette analyse. quel etait le nombre de siege des ecologistes aux elections precedentes? quel est le nombre de siege des independantiste (vert + SNP) maintenant ? .... Comme d'habitude, on peut faire dire tout et son contraire aux ...

à écrit le 25/05/2021 à 21:15
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Les Ecossais ne voteront pas leur indépendance : ça, mon bonhomme, tu n'en sais rien. Après tous les Engliches ont bien voté le Brexit. Mais, de toute façon, ce débat est totalement bidon : il faut une armée, et une bonne, pour être un Etat indépen...

à écrit le 25/05/2021 à 17:11
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oui oui le snp a un gros pb, c'est sturgeon faudra juste etre un peu patient, et l'independance va vite revenir sur la table, histoire de se defaire ' des technocrates eloignes qui votent des lois loin du peuple' ( euh non cette fois ci on ne parle...

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