L'engagement individuel des jeunes, un nouveau levier de « soft power » pour le changement sociétal

OPINION. Véronique Chabourine* aborde l'importance croissante de l'engagement individuel des jeunes dans la société, soulignant leur influence par le biais des réseaux sociaux et des technologies. Elle met en lumière le rôle des jeunes dans la promotion de causes telles que l'environnement et la justice sociale, et examine la façon dont les structures gouvernementales actuelles pourraient mieux intégrer la voix des jeunes dans la prise de décision politique.
(Crédits : DR)

Le 9 janvier dernier, l'ascension de Gabriel Attal au poste de Premier ministre, à seulement 34 ans, marque une nouvelle ère dans le paysage politique français, le plus jeune duo Président - Premier ministre avec un âge moyen de 40 ans et 5 mois à la prise de fonction de Gabriel Attal. Cette nomination souligne une réévaluation de la perception de l'expérience, de la compétence et de la crédibilité, s'éloignant de la traditionnelle valorisation de l'ancienneté. Cet exemple illustre l'influence croissante des jeunes générations dans le domaine politique et dans la société. Le manque d'expérience reste encore une des principales causes du chômage chez les jeunes, plus touchés que leurs ainés.  Au troisième semestre 2023, selon l'Insee, le taux de chômage a augmenté de 0,7 point, atteignant 17,6% en comparaison de 0,2 point pour les 25-49 ans avec 6,7% .

Historiquement, la jeunesse a joué un rôle de premier plan dans les mouvements sociaux et politiques. En 2023, cette dynamique s'est renforcée : 44% des jeunes se sont engagés dans une association, en nette progression par rapport à 2022. Cette tendance s'est amplifiée avec l'utilisation des réseaux sociaux, permettant une mobilisation accrue autour de causes variées, notamment via des plateformes citoyennes telles que Youth for Climate France. En 2023, le baromètre DJEPVA fait état d'une augmentation de la participation des jeunes avec différentes formes d'engagement telles que les pétitions, la défense des causes sur internet et la participation à des manifestations et grèves.

D'un engagement associatif vers un engagement individuel

L'engagement des jeunes ne se limite pas à la sphère associative ; il se manifeste aussi dans des actions concrètes comme le boycott de marques pour des raisons éthiques et le choix d'une consommation responsable. En 2023, le mouvement Youth for Climate compte 130 groupes locaux en France et mobilise plus de 200.000 jeunes pour l'environnement et la justice sociale, il existe d'autres mouvements citoyens similaires, témoignant de la position des jeunes en leader dans la lutte pour un avenir durable et équitable.  Leur engagement individuel dépasse celui des générations plus âgées.

En 2023, bien que sous-représentée démographiquement,  la jeunesse déploie une influence disproportionnée, grâce à son engagement individuel et numérique, bien au-delà des audiences jeunes. Cette influence se traduit par un soft power, catalysant des changements sociétaux majeurs, notamment en matière d'environnement et de justice sociale. Leur impact se ressent également dans les pratiques des entreprises, poussant la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à devenir un impératif. En 2018, l'exemple de la militante suédoise Greta Thunberg et de son mouvement Friday for Future , initiant une grève scolaire qui a galvanisé des millions de jeunes à travers le monde pour des actions climatiques, illustre parfaitement la capacité de la jeunesse à initier des changements sociaux significatifs.

Le gouvernement manifeste une volonté d'intégrer les perspectives de la jeunesse, comme en témoigne le 30 janvier, l'annonce par le Premier ministre de la mise en place d'un service civique écologique ou en septembre 2022, la création du Conseil National de la Refondation (CNR), mais l'efficacité est sujette au débat. Le CNR, ayant consulté moins de 0,043% de la jeunesse française, suscite des interrogations sur sa capacité à représenter les jeunesses. Parallèlement, des entités telles que le Conseil National de la Jeunesse (CNJ) et le Conseil d'Orientation des Politiques de Jeunesse (COJ) tentent de promouvoir une participation active, similaire au rôle du Forum Européen de la Jeunesse.

Cependant Les structures verticales et hiérarchiques de ces organisations limitent l'accessibilité et la représentativité, laissant entrevoir la nécessité d'intégrer davantage les réseaux sociaux et des technologies numériques pour garantir une diversité et une inclusivité accrues dans la représentation.

Bien que les 18-30 ans jouent un rôle essentiel dans l'évolution de notre société, leurs voix semblent négligées par les institutions gouvernementales actuelles. Le ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des jeux olympiques et paralympiques centré sur l'éducation et l'engagement civique (réserve civique, service national universel et service civique) ne parvient pas à saisir pleinement les défis spécifiques de cette tranche d'âge. Par ailleurs, l'ancien Secrétariat d'État à l'Économie sociale et solidaire et la Vie associative, a disparu et a été en partie réintégré au ministère de l'Éducation nationale ; bien qu'important le scope de la Vie associative se limite aux structures formelles, omettant les autres formes d'engagement individuel des jeunes.   Certains pays comme le Royaume-Uni, avec le Youth UK Parliament implique activement les jeunes dans les décisions parlementaires sur des sujets d'emploi, d'opportunités économiques, droits à la jeunesse, environnement et éducation. Le Canada dispose également de plusieurs parlements de la jeunesse, et le Danemark avec le Conseil national de la jeunesse (DUF) favorise la participation des jeunes dans la démocratie et intègre leurs voix dans les processus de prise de décision.

L'engagement individuel et le soft power des jeunes, significatifs offrent un potentiel important pour impulser des changements sociétaux. Il est crucial pour la France de reconnaître et de valoriser cet engagement non seulement dans le débat public, mais également dans la prise de décision politique et sociale en les intégrant dans les processus de décision, par exemple parlementaire. En intégrant plus efficacement la voix des jeunes dans les mécanismes de gouvernance, la France pourrait revitaliser la participation électorale des jeunes et répondre à la crise de la représentativité politique.

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(*) Véronique Chabourine, membre du bureau de l'association pour Renew Europe France Paris, déléguée chargée de la communication.

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Commentaires 2
à écrit le 07/02/2024 à 12:41
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Sauf que les jeunes générations s'engagent sur les réseaux sociaux mais beaucoup moins dans l'action et pour s'en convaincre il suffit de regarder l'âge des bénévoles dans l'associatif et cela quel qu'en soit le but : social, culturel, sportif , hum...

à écrit le 07/02/2024 à 12:31
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Il y aura engagement des jeunes qu'a la condition qu'il n'y ai pas d'intermédiaire numérique !

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