L'Europe a-t-elle besoin de Taylor Swift pour le prochain scrutin ?

OPINION. Quel serai l'impact potentiel de l'engagement des célébrités, comme Taylor Swift, sur la participation politique en Europe, en écho à des stratégies similaires observées dans le contexte politique américain ? Véronique Chabourine (*) met en lumière la fragmentation politique en Europe, l'émergence de l'euroscepticisme et l'importance de mobiliser l'électorat jeune pour contrer le désengagement.
(Crédits : DR)

Le 10 février le Vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas a sollicité publiquement Taylor Swift, l'artiste ayant accumulé le plus de premières places dans les classements des ventes, dans le cadre d'une interview.

Cette démarche résonne avec les informations révélées par un article du quotidien américain New York Times, selon lesquelles l'équipe de l'actuel président Joe Biden chercherait à regagner le soutien de la chanteuse. En effet, en Octobre 2020, Taylor Swift avait déjà marqué son appui au candidat Joe Biden lors d'un entretien accordé à V magazine publié avant l'élection présidentielle américaine. De son côté, Donald Trump, potentiel concurrent pour l'élection à venir, a prétendu avoir œuvré grandement en faveur des intérêts de l'artiste en évoquant une législation sur les droits d'auteur signée en 2018.

La concurrence pour le soutien de Taylor Swift s'explique par son influence dans l'arène politique, illustrée en 2023 lorsque son appel à s'inscrire sur  les listes électorales via le site non partisan Vote.org  a conduit à 35.000 nouvelles inscriptions. Le soutien de Taylor Swift est un game changer lors d'une élection. Les campagnes électorales américaines ont toujours été marquées par l'engagement  de célébrités soulignant l'importance du Soft power de la société civile, nécessaire à la crise de la démocratie représentative, en particulier  à l'ère des réseaux sociaux.

L'implication des célébrités dans les campagnes électorales vise principalement à susciter l'intérêt, en particulier chez les jeunes, une stratégie que le Vice-président de la Commission européenne espère adopter pour stimuler l'engagement politique en Europe. Les sujets européens manquent de notoriété, et sont encore sous représentés dans les médias, et assez impopulaire particulièrement chez les jeunes : en 2019, selon une étude Ifop 23% des jeunes s'étaient abstenus.

Face à une défiance croissante envers les institutions traditionnelles et à l'émergence de partis radicaux à travers l'Europe, le paysage politique s'est considérablement fragmenté : les partis traditionnels sont en perte d'influence rendant nécessaire l'augmentation du nombre de partis nationaux pour former des coalitions gouvernementales solides. Cette fragmentation, qui contraste fortement avec l'idéal d'unité européenne, pourrait favoriser une augmentation de l'euroscepticisme, phénomène caractérisé par le scepticisme envers l'Union européenne comme  unité politique, économique.

Dans ce contexte complexe, les partis d'extrême droite et d'extrême gauche, souvent porteurs d'idées eurosceptiques cherchent à se distinguer pour attirer des électeurs en exploitant des arguments simplifiés et émotionnels pour capter l'attention.

L'Europe a une opportunité avec son électorat jeune

Selon une enquête Eurobaromètre du Parlement européen, en 2019, ce sont les jeunes électeurs européens et les primo-votants qui ont contribué à augmenter le taux de participation globale aux élections à 50,6%. La promotion du vote à travers des plateformes citoyennes non partisanes et le soutien de personnalités publiques ont prouvé leur efficacité, en particulier auprès des jeunes comme le montrent depuis 2018 When we all vote ou I vote. Les résultats des dernières élections américaines mid-terms ont révélé une hausse significative de la participation soulignant l'efficacité des messages politiques portés par des célébrités. Le pouvoir d'influence des célébrités lorsqu'il est orienté vers des causes politiques plutôt qu'à destination de candidats est plus authentique et efficace  ; il est un atout indéniable face à l'abstention et au désengagement politique.

Ce Soft power peut également contribuer indirectement à atténuer l'impact de l'euroscepticisme lors des scrutins. Toutefois, pour que cet impact soit réellement positif, il est impératif qu'il s'inscrive dans un contexte d'unité européenne, particulièrement face aux défis sécuritaires représentés par la Russie. Le 16 janvier, l'appel du président ukrainien à l'unité lors du Forum économique de Davos souligne l'urgence de cette solidarité occidentale.

L'enjeu des prochaines élections européennes sera de mesurer la capacité de l'Union européenne à rassembler les différents partis politiques autour d'un projet commun favorisant la paix et la stabilité, au-delà des clivages partisans et des récupérations par les mouvements populistes. Les initiatives diplomatiques récentes, telles que l'accord bilatéral signé le 17 janvier par Emmanuel Macron avec l'Ukraine ou les initiatives du Royaume-Uni  et de l'Allemagne viennent  concrétiser la promesse d'aide faite lors du sommet du G7 à Vilnius, montrant une voie vers une Europe plus unie.

Les grands défis européens auxquels l'Europe est confrontée 𐆑 emploi et pouvoir d'achat 𐆑 environnement 𐆑 et migration exigent une réponse qui allie unité et justice sociale. Cultiver le Soft power européen implique non seulement de valoriser le rôle des célébrités dans la mobilisation citoyenne mais aussi de structurer un projet politique européen autour de valeurs d'unité et de justice sociale pour répondre efficacement aux aspirations des citoyens à vivre ensemble dans une Europe forte et juste.

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(*) Véronique Chabourine, membre du bureau de l'association Renew Europe France Paris, déléguée chargée de la communication.



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Commentaires 2
à écrit le 22/02/2024 à 9:40
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Le fait de signaler "l'émergence de l'euroscepticisme" c'est avoir "du retard à l'allumage" ! Pourquoi pensez vous que les populations soient si peu "consulté" sur la construction européenne ?

à écrit le 22/02/2024 à 8:44
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Non c'est pas une femme en plus dont nous avons besoin pour nous motiver, c'est une femme en moins à savoir madame Van Layen accusé de corruption avec Pfyzer mais qui reste en place. Je ne vous dis pas l'image honteuse que nous avons vis à vis du mon...

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