L'impact des "taux zéro" sur les stratégies d'épargne

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l'impact des "taux zéro" sur les stratégies d'épargne.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Cela fait partie des réflexes quasi pavloviens d'un conjoncturiste. La baisse des taux d'intérêt agit positivement  sur le crédit, sur la richesse mobilière ou immobilière et donc sur  la consommation et l'investissement.

Pourquoi alors, avec un coût de l'argent quasi gratuit, ne voit-on pas plus de trace de la baisse des taux sur l'activité réelle ? Pourquoi les agents privés ne profitent-t-ils pas plus de l'aubaine ? Pourquoi les taux d'épargnes français ou allemands par exemple sont-ils plutôt orientés à la hausse depuis 2 à 3 ans ?

Je vais me focaliser ici sur cet arbitrage entre consommation et épargne, pour montrer que ce qui fait figure d'anomalie, ne l'est pas tant que ça. La relation entre le mouvement des taux d'intérêt et l'activité réelle est complexe... et cela ne date pas d'aujourd'hui. Une baisse des taux combine en fait plusieurs effets : des effets de substitutions, des effets de richesse et des effets revenus.

Plusieurs types d'arbitrages

Le premier arbitrage c'est entre consommer aujourd'hui versus consommer demain, conformément à la version néoclassique pour qui, le taux d'intérêt rémunère la renonciation à la consommation immédiate et donc l'épargne.  Une baisse des taux devrait donc diminuer l'appétence pour l'épargne. Sauf à supposer que la population pour des raisons structurelles, son vieillissement notamment, est obsédée par la préparation de l'avenir. Dans ce cas, la baisse des taux ne fait alors que refléter la préférence des agents privés pour le futur... il nous faut alors renverser la causalité.. c'est la préférence pour l'épargne des populations vieillissantes qui affaisse les taux un peu partout dans le monde développé. Les banques centrales ne seraient que la chambre d'enregistrement de cette tendance forte.

Epargne liquide ou non liquide

La baisse de taux affecte en effet la structure de l'épargne plus que son niveau. Elle va orienter les placements vers les supports les plus liquides et non rémunérés, au détriment de placements plus longs ou plus risqués qui ne rapportent pas ou peu et dont le risque de dépréciation est fort en cas de remontée des taux. C'est précisément ce que nous dit l'approche keynésienne : le taux d'épargne, est peu manipulable. Il dépend de facteurs sociologiques et psychologiques. Et cette préférence pour la liquidité ou pour le faible risque est bien perceptible aujourd'hui en France :  il y a eu dans les premiers temps de la crise en grand repli de l'assurance vie vers les comptes d'épargne administrés... et maintenant un grand repli vers les comptes à vue, et un retour en grâce de l'assurance vie qui offre les moins mauvais rendements, au détriment de la détention directe de titres et comptes sur livret qui ne rapportent presque plus.

Epargne financière ou épargne pierre

La baisse des taux devrait là encore agir sur la structure de l'épargne plus que sur son montant global, en favorisant le second compartiment. Sauf que là, les choses ne se passent pas comme prévu. Car il ne suffit pas d'avoir des taux faibles : les perspectives de prix futurs et les rendements locatifs sont aussi des paramètres clés. Or avec des taux très faibles, les prix sont élevés, leur trajectoire future incertaine et les rendements locatifs tirés vers le bas... Les ménages préfèrent de la sorte la liquidité.

Les effets de richesse et les effets de revenus

Ces derniers n'ont joué que pour restaurer ou maintenir la valeur des actifs de leurs cours d'avant crise.  Et ils sont sujet à une forte volatilité dans un contexte de taux zéro... peu de choses à attendre donc sur la consommation ou l'investissement de ce point de vue.

Les revenus de la propriété, autrement dit les intérêts, mais aussi les dividendes ou les loyers, qui sont en partie indexés sur ces derniers, constituent une composante importante du revenu des ménages. Une baisse des taux et des rendements opère certes un transfert de revenu entre ménages créanciers et ménages endettés, entre bailleurs et locataires aussi. Plutôt des riches vers les pauvres donc, qui pourrait être favorable à la consommation. A cela près que les ménages sont globalement créanciers sur le reste de l'économie, et que la baisse rendements financiers pèse négativement sur le revenu disponible. Notamment dans les pays qui ont des systèmes de retraite par capitalisation.  A cela près aussi, que pour les ménages vieillissants, l'affaissement des rendements les incite à épargner  davantage pour maintenir leur cible de revenu futur. Et cet élément, de plus en plus prégnant dans des sociétés avancées.

Une façon de souligner, et même de surligner, le danger de s'en remettre trop exclusivement aux banquiers centraux pour relancer la croissance.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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