L'impôt, une chance pour nos territoires

OPINION. Depuis quelques années, de plus en plus de Français se disent prêts à voir leurs impôts augmenter si ceux-ci visent à améliorer leurs services publics locaux. Face à un Etat de plus en plus désincarné, les contribuables aspirent à investir dans une vie territoriale dynamique et solidaire. Après des siècles d'« impôt-bashing », la tendance serait-elle à une plus forte adhésion aux prélèvements obligatoires ? Par Philippe Laurent, vice-président de l’AMF
(Crédits : DR)

Cette évolution, encore discrète, se dessine depuis la crise sanitaire. Face au dévouement des agents publics - hospitaliers en première ligne - et aux dépenses historiques engagées pour tenter de protéger les Français des conséquences d'une économie à l'arrêt, la contribution à l'impôt a pris un sens nouveau dans tout le pays. Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour « Le Monde » et la Fondafip, le nombre de personnes considérant que le maintien des services publics dans des domaines comme la santé et l'éducation justifie des prélèvements élevés est en nette hausse. Il a atteint 47% des sondés en 2023 alors qui ne dépassait pas 38% entre 2010 et 2020.

Cette tendance traduit l'attachement des Français à notre modèle de société. Depuis des décennies, nos concitoyens souhaitent faire assurer les fonctions collectives et la mutualisation des risques de la vie par le secteur public, qui est garant de l'équité et de l'accessibilité pour tous. Mais désormais les Français se disent aussi, en toute cohérence, de plus en plus prêts à voir les impôts augmenter pour préserver ce modèle.

Plus précisément, une étude Kantar de 2023 révèle que depuis plusieurs années consécutives, la demande d'amélioration des services publics locaux reste plus forte que celle de voir les impôts diminuer. Une tendance en hausse, toutes orientations politiques confondues.

Les services publics territoriaux sont plébiscités par les Français parce qu'au quotidien, leur utilité fait l'unanimité. Ils restent l'un des vecteurs les plus efficaces de la cohésion sociale et du vivre-ensemble, mettant en contact direct usagers et agents territoriaux, au plus près de leurs lieux de vie. En règle générale, plus le service est local et de proximité, meilleure est son image.

L'utilité de l'impôt n'est jamais aussi fortement incarnée que dans ce contact avec les agents publics

Il n'y aura jamais de crèche digitale, jamais de ramassage des déchets virtuel. Si la dématérialisation ou le travail à distance sont possibles pour de nombreux services de l'État, les agents publics territoriaux demeurent souvent les seuls interlocuteurs « en chair et en os » auxquels ont accès les usagers.

À ce titre, la modernisation du service public, ce n'est pas seulement rationaliser les coûts et les fonctionnements, mais d'abord répondre le mieux possible aux attentes des citoyens. Et la première d'entre elle est la demande d'un contact humain, le besoin d'avoir des interlocuteurs joignables par téléphone ou en face-à-face qui puissent faciliter les démarches en ligne, réduisant ainsi la fracture numérique qui maintient encore de nombreux Français dans l'isolement.

Ce travail des agents de terrain - essentiel - est trop peu valorisé. L'attractivité de la fonction publique territoriale est en souffrance : celle-ci rassemble près de 2 millions d'agents, soit environ 7% des actifs français. Leur rémunération est en moyenne bien en deçà de celle des autres agents de la fonction publique (d'État ou hospitalière) et du secteur privé.

Or la marge d'amélioration est faible, car dans le même temps, on observe la lente érosion de l'autonomie fiscale des collectivités. Entamée avec la suppression de la taxe professionnelle en 2010, elle s'est poursuivie plus récemment avec la disparition de la taxe d'habitation sur les résidences principales ou de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Résultat : un impôt local affaibli et complexifié, car moins connecté avec le territoire.

À ce jour, les réformes fiscales n'ont jamais eu pour finalité d'être au service des services publics locaux. Elles sont largement conçues et surtout utilisées comme un outil de politique nationale. À la clé, une difficulté de plus en plus grande pour l'État à appréhender les résultats concrets de son action et une moins bonne prise en compte des attentes des ménages.

La fiscalité doit être aussi conçue comme un outil de soutien privilégié au dynamisme des territoires, de responsabilisation du citoyen dans la Cité, de pilotage le plus juste et le plus efficace possible des services publics. À rebours de l'image impopulaire qu'il véhicule depuis des siècles, l'impôt est en réalité le fondement de notre modèle social, protecteur et fédérateur.

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Commentaires 6
à écrit le 07/04/2024 à 8:01
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Impôts et taxes, cela suffit. Il faut optimiser

à écrit le 06/04/2024 à 16:33
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"prêts à voir leurs impôts augmenter si ceux-ci visent à améliorer leurs services publics locaux" on paie déjà pour eux, pourquoi vouloir augmenter les impôts divers & variés (le seul ayant droit à ce nom c'est l'IRPP (ouverture du service de déclara...

à écrit le 06/04/2024 à 12:54
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Les gens qui vivent de l'impôt aiment l'mpôt. En France on peut faire enormement plus de services publics avec bcp moins de prélèvements. Nous avons des services moyens avec des prélèvements plus èlevés. Ce qu'il nous faut c'est des Tavarez à la plac...

à écrit le 06/04/2024 à 10:51
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48% du pib de prélèvement obligatoire. 53% du pib ce sont des dépenses publics. La France est le dernier pays communiste. On peut discuter de la répartition des prélèvements et de leur utilisation pratique. Mais augmenter la pression fiscale et la dé...

à écrit le 06/04/2024 à 9:55
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L'impôt, ressemble de plus en plus à un prélévement sur "les sujets de sa majesté", que de la participation d'homme libre à une socièté affranchie (libre) dans notre pays franc qu'est... La France ! ;-)

à écrit le 06/04/2024 à 8:50
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"Après des siècles d'« impôt-bashing », la tendance serait-elle à une plus forte adhésion aux prélèvements obligatoires ?" L'impôt bashing ne vient que des médias de masse qui appartiennent à des gens qui ne payent pas d'impôts car nos riches sont te...

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