L'usine autonome, une solution émergente pour s'adapter au monde de demain

OPINION. Diversité des produits, ultra-flexibilité, rotation accrue des compétences, réduction de l'empreinte carbone... Pour réussir sa transformation face à un monde de plus en plus complexe, l'industrie va devoir rapidement s'engager dans un développement accéléré de l'usine autonome. Par Max Blanchet et Nicolas Moreau
Max Blanchet et Nicolas Moreau (de g à d)
Max Blanchet et Nicolas Moreau (de g à d) (Crédits : DR)

Près de 500 milliards de dollars du méga plan d'investissement annoncé par le Président américain Joe Biden doivent être injectés dans le secteur manufacturier américain avec pour priorité la R&D, notamment en intelligence artificielle. Indéniablement, le mouvement s'accélère. L'avènement de l'usine autonome grâce à la technologie n'est désormais plus une vue de l'esprit. Il l'est d'autant moins que déjà en mars 2022 deux sociétés japonaises Yokogawa Electric Corporation et JSR Corporation annonçaient la réussite d'un test en conditions réelles ayant permis de faire fonctionner pendant 35 jours de manière autonome une usine chimique grâce à l'IA.

Concept jusqu'ici hypothétique, l'usine autonome est clairement devenue un objectif à moyen terme pour l'industrie. Confrontés à une supply chain erratique, à une demande client de plus en plus imprévisible, à des process toujours plus complexes et à des problèmes de recrutements, les entreprises industrielles, sous tension avec les crises du Covid et de la guerre en Ukraine, ont sensiblement accéléré leur agenda dans ce domaine. L'usine autonome présente de fait de nombreux atouts pour réussir la transformation des systèmes industriels.

Les avantages d'une usine autonome

Composée d'unités de production qui s'autogèrent, l'usine autonome est capable de prendre les décisions les plus efficaces en gérant en temps réel la masse d'informations venant de différents silos jusqu'alors séparés (planning, production, logistique...). Elle réduit les risques d'accidents ou de maladies musculo squelettiques, particulièrement dans des environnements exposés. Elle évite la perte de savoir-faire lorsque les départs en retraite par exemple sont insuffisamment remplacés du fait d'un déficit d'attractivité ou d'un manque de personnel dans tel ou tel domaine de compétence. Elle permet enfin d'attirer de nouveaux talents parmi la génération des digital natives en leur proposant un environnement de travail plus moderne.

Mais pour l'heure, les usines sont encore loin d'être réellement autonomes. Pour les entreprises les plus avancées, la gestion, le pilotage et la maintenance automatisées, qui plus est à distance, restent encore une gageure. Pourtant, l'autonomisation des usines est un levier majeur pour relever deux défis : le maintien d'activités compétitives et le défi générationnel de nos sociétés vieillissantes qui ne pourront plus à l'avenir reproduire les mêmes compétences que par le passé.

Décrire, diagnostiquer, prédire, prescrire et agir

Comment une usine devient-elle autonome ? Cela passe par différentes étapes. L'usine doit d'abord avoir une connaissance très précise de sa performance via un accès à ses données en temps réel. Elle peut alors analyser la situation et proposer des diagnostics. Mieux encore, elle est capable d'anticiper des problèmes opérationnels suffisamment en avance pour pouvoir agir et prescrire des recommandations d'actions aux opérateurs. Enfin, étape ultime, l'usine autonome peut modifier elle-même les paramètres du système de production. Mais en dernier ressort, c'est toujours l'humain qui garde le pouvoir de décision. Si la machine a pris la main sur les opérations, une personne sera toujours là pour en assurer le contrôle.

Une priorité : le passage à l'échelle

Il est grand temps de dépasser la phase des POC (proof of concepts) qui se sont multipliés dans les usines et s'est soldée par une hyper fragmentation des solutions locales impossibles de monter à l'échelle en les déployant sur l'ensemble des usines. L'enjeu désormais est de réussir à appliquer des solutions digitales sur l'ensemble des sites. Ce passage à l'échelle requiert un modèle global et structuré d'architecture technologique qui s'articule autour de 4 échelons de déploiement : des processus opérationnels outillés et numérisés pour produire une grande quantité de données nouvelles à exploiter, une plateforme de données et un modèle sémantique associé (jumeau numérique) capable de donner du sens à cette data provenant de multiples sources, la démocratisation de l'usage de la donnée via une sorte d'App Store de l'usine pour que les utilisateurs développent eux-mêmes leur propre application et enfin un centre de contrôle des opérations virtuel pouvant assister les usines avec des experts spécialisés par domaine capables d'agir à distance en cas de problème.

Le rôle de l'humain doit être repensé

Parallèlement à la mise à niveau technologique, le rôle de l'humain doit aussi être repensé. Compte tenu de la masse de données à exploiter et de son mode opératoire en temps réel, une usine autonome serait bien trop complexe à gérer par une équipe humaine simplement du fait de la vitesse de prise de décision. Mais, comme dans tout processus d'automatisation, elle permet de délester l'humain d'un ensemble de tâches fastidieuses ou répétitives. Restent alors toutes les activités nécessitant des facultés cognitives, relationnelles et intuitives qui sont propres à l'humain qui, de ce fait, aura une place centrale dans l'usine autonome.

Même si elle est encore un concept hors de portée pour certaines industries, notamment dans l'assemblage ou la grande consommation, l'usine autonome représente de plus en plus une cible à atteindre à moyen-long terme. Elle est l'aboutissement de l'usine digitale. L'intérêt de la transformation vers l'autonomie progressive des processus est qu'à chaque étape l'entreprise gagne en maturité et en efficacité opérationnelle. La route sera longue et elle sera aussi clivante en différenciant les entreprises qui s'y engageront sérieusement de celles qui stagnent dans la cohorte des POC.

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(*) Max Blanchet est Directeur Exécutif au sein d'Accenture et responsable mondial de la practice Supply Chain & Operations, et a accompagné de nombreux grands groupes industriels dans leur transformation digitale et organisationnelle.

Nicolas Moreau est responsable Industrie du Futur au sein des activités Supply Chain & Operations d'Accenture, et a accompagné de nombreux grands groupes industriels dans leur transformation digitale et organisationnelle.

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Commentaires 4
à écrit le 27/04/2023 à 18:46
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Les automates programmables et les machines à commandes numériques existent depuis le début des années 90 .

à écrit le 26/04/2023 à 23:23
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Y aura t il un demain.....

à écrit le 26/04/2023 à 10:37
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Quand verra t'on l'intelligence artificielle faire la queue au supermarché ?! ;-)

le 27/04/2023 à 18:41
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"faire la queue au supermarché " ça existe encore cette pratique ? Essayez donc le drive , en 3 clics vous faites vos achats sur internet que vous récupérez sans attendre dans l'heure qui suit et vous pouvez même opter pour la livraison à domicile !!

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