La French Tech en plein boom : et maintenant ?

OPINION. Les levées de fonds pour les start-ups de la French Tech en 2021 devraient battre largement le niveau record atteint en 2020. Comment interpréter cette tendance? Par Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l'analyse de marchés chez eToro
Alors que le champion français de l'informatique en ligne OVHcloud vient de partir à l'assaut de la Bourse de Paris, la question de la cotation constitue un élément décisif dans l'évolution d'une licorne à l'échelle internationale.
Alors que le champion français de l'informatique en ligne OVHcloud vient de partir à l'assaut de la Bourse de Paris, la question de la cotation constitue un élément décisif dans l'évolution d'une licorne à l'échelle internationale. (Crédits : Reuters)

5,14 milliards d'euros ! C'est le montant des fonds levés par la French Tech durant le 1er semestre 2021. Selon EY, ce montant tutoie l'ensemble des investissements de l'année précédente, qui avait déjà établi un record en 2020 avec 5,39 milliards d'euros, et laisse entrevoir un atterrissage à 10 milliards pour la fin de l'année. Une nette progression.

Pour comprendre ce chiffre, revenons quelques mois en arrière. Fin juin, un vent d'euphorie  souffle sur la Tech française. La réouverture des terrasses dans l'Hexagone y a sans doute contribué. Mais c'est surtout la présence à Paris de Marcelo Claure et Michel Combes, deux piliers de SoftBank, le fonds d'investissement le plus actif de la planète, qui électrise l'écosystème.

Au printemps, le fonds nippon avait déjà pris des participations dans Jellysmack, une start-up fondée par des Français à New York, et Contentsquare, valorisée à 2,8 milliards de dollars après un tour de table de 500 millions. Dans la foulée, SoftBank a investi dans les pépites françaises Sorare, Vestiaire Collective, et dernièrement Swile. Une entrée fracassante sur le marché français, qui explique en partie les 16 méga levées de fonds de l'année 2021.

Oui, la French Tech est dans une forme olympique. Mais quels autres enseignements tirer de ces levées de fond en série ? À quelles perspectives financières peuvent s'attendre nos champions tricolores ? Tour d'horizon.

Un cap enfin franchi ?

D'abord, le verrou du "late stage", celui des levées de fonds de plus de 100 millions d'euros, a définitivement sauté. Il n'y a jamais autant eu de nouvelles licornes qu'en 2021. Pas moins de 7 start-ups ont rejoint le cercle, de moins en moins fermé, des entreprises Tech non cotées et valorisées au moins 1 milliard de dollars. On en compte aujourd'hui 17. Une prouesse, alors que ce dernier verrou constituait pendant longtemps le chat noir de l'écosystème.

Dans les aspects moins positifs, nous retrouvons la faible attractivité des fonds français. Alors que ces derniers disposent enfin des moyens pour mener des levées de fonds importantes grâce à l'initiative Tubi lancée en janvier 2020 vouée à soutenir l'émergence de fonds de Venture Capital, aucun ne s'est démarqué en 2021. Une absence due à l'expérience et l'expertise plus fortes des fonds internationaux (notamment américains) sur la compréhension du Nasdaq, Graal des entreprises arrivant au niveau de croissance nécessitant une méga levée de fonds. Pour sauver l'honneur, deux des 16 méga levées de l'année ont été portées par des poids lourds nationaux : Kering, qui a mené le tour de table de 178 millions d'euros de Vestiaire Collective en mars afin de pénétrer le marché croissant de la seconde main, et Renault, qui a investi dans la greentech Vektor en juillet.

Toutefois, sous un autre angle, un paradoxe apparaît. La domination des investisseurs étrangers dans cette séquence illustre l'attractivité croissante de nos pépites tricolores auprès des fonds internationaux. La France s'émancipe dans cette capacité à convaincre qu'elle est en mesure de faire naître les futurs champions mondiaux et européens de la Tech, même si toutefois, l'Allemagne et le Royaume-Uni restent loin devant. Selon EY, au premier semestre 2021, l'Allemagne avait levé plus de 4 milliards d'euros, soit plus du double de la France avec 2 milliards. Et le Royaume-Uni se situe une galaxie encore plus loin, avec plus de 9,64 milliards. Un retard plus que difficile à combler.

Prudence est mère de sûreté

Alors que le champion français de l'informatique en ligne OVHcloud vient de partir à l'assaut de la Bourse de Paris, la question de la cotation constitue un élément décisif dans l'évolution d'une licorne à l'échelle internationale. Or, entre 1997 et 2021, seuls deux IPO de la French  Tech de plus de 1 milliard d'euros ont eu lieu à Paris (Dassault Systèmes et Worldline). En 2021, il y en aura au moins deux avec Believe et OVHcloud, soit autant qu'en vingt-cinq ans ! Si un changement d'échelle est en train de s'opérer, peu de certitudes émergent donc aujourd'hui.

Regardons de l'autre côté de l'Atlantique. Pinterest, Zoom, Uber, Palantir, Slack... En 2019, les entreprises de la Tech américaine ont frappé à la porte de la Bourse. Les premiers résultats ont été mitigés, pour ces sociétés mais aussi pour les investisseurs qui les ont accompagnés tout au long de leur développement. Entre 2017 et mai 2019, sur les cinq plus grosses entrées en Bourse de valeurs technologiques dans le monde, une seule évoluait alors au-dessus de son cours d'introduction : Spotify.

Le décalage entre les attentes des marchés privés (le capital-investissement) et celles des marchés publics (la Bourse) expliquent en partie ces déboires. Tandis que les premiers accordent peu d'importance à la rentabilité et réclament avant tout une forte hausse du chiffre d'affaires, les seconds fixent comme priorité la matérialisation de bénéfices. Par conséquent, les valorisations sont souvent au plus haut avant la première cotation.

Prudence est donc mère de sûreté. Même si l'écosystème de la French Tech évolue considérablement et bien que cette série inédite de méga-levées de fonds envoie un signal positif, l'histoire nous montre que nos start-ups tricolores doivent rester vigilantes. Avec toutes les armes entre leurs mains, à elles d'en faire bon usage, dans le but d'assurer un avenir financier radieux.

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Commentaire 1
à écrit le 09/11/2021 à 18:22
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Bref! Toujours a la recherche de l'innovation sans qu'il y ait le moindre progrès!! Un progrès n'a pas besoin d'être remise en cause contrairement a l'innovation!

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