Nous disposons sous nos pieds d'une source intarissable d'énergie propre et constamment disponible. Près de la moitié de l'énergie consommée en France est utilisée pour produire de la chaleur, aussi bien pour le secteur résidentiel que l'industrie, et une grande part de la production de chaleur se fait grâce à des énergies fossiles, coûteuses et nocives pour l'environnement.
La géothermie sert non-seulement à restituer la chaleur présente naturellement dans le sous-sol, mais elle peut aussi servir directement à la production d'électricité décarbonée. Ainsi, 43% de la production électrique du Kenya se fait au travers de sources thermales. La géothermie peut aussi servir à extraire des matières premières tel que le lithium avec un impact environnemental très réduit par rapport à une mine conventionnelle.
C'est donc une source d'énergie qui a le potentiel de contribuer pleinement à notre souveraineté énergétique et industrielle. Autre avantage indéniable de la géothermie : une très faible emprise foncière pour une production d'énergie importante, possible en milieu urbain. Enfin, une fois construite, la centrale géothermique nécessite peu d'intrants pour fonctionner : l'entretien est relativement peu coûteux et l'électricité nécessaire à son fonctionnement est minime. On peut ainsi produire de la chaleur ou de l'électricité à un coût très réduit et stable parfois pendant 40 ans.
Alors, pourquoi cette énergie a été si longtemps ignorée par les pouvoirs publics ?
Dans les années 1980, à la suite des chocs pétroliers, l'État et les collectivités locales développent massivement des réseaux de chaleur urbain pour les besoins de chauffage de la population. On découvre sous la région parisienne plusieurs nappes d'eau chaude d'envergure. Les nappes d'eaux souterraines du Dogger et du Trias, corrosives et impropres à la consommation, ont une température entre 55 et 80°C permettant de chauffer aujourd'hui l'équivalent de 250.000 logements via une cinquantaine de réseaux de chaleur locaux. Cette eau est ensuite restituée à la nappe phréatique une fois la chaleur extraite.
Depuis les années 1990, le faible coût du gaz couplé à la libéralisation du secteur énergétique qui retire à la puissance publique ses leviers d'action au titre de la libre concurrence, ont été autant de freins au développement de la géothermie. En effet, trouver des « gisements de chaleur » nécessite un investissement de base relativement conséquent sans espérer en retour des profits aussi importants qu'avec les énergies fossiles. Le secteur privé, en particulier l' industrie pétro-gazière qui dispose d'une expertise géologique, s'est donc désintéressé de la géothermie au profit du gaz et du pétrole. Les logiques de profitabilité à court-terme sont incompatibles avec la géothermie, qui constitue quant à elle un investissement stratégique à long terme.
Avec la récente crise des prix de l'énergie et notamment la hausse du prix du gaz, la géothermie bénéficie d'un regain d'intérêt incontestable. Le gouvernement a ainsi publié cette année un plan d'action pour développer la géothermie. En tant que députée européenne, je participe également à la rédaction d'un rapport parlementaire sur la géothermie en Europe. Ce sont des signes positifs. Néanmoins, pour renforcer la filière, le soutien public ne doit pas fluctuer au gré du cours du gaz.
La marge de progression est immense
Pour toute la région Grand-Est, où se situe un potentiel géothermique considérable, les services de l'État n'ont créé qu'un seul poste à plein temps dédié à l'étude et la validation des projets en géothermie. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui cartographie les ressources du sous-sol, est un établissement public très peu attractif bien qu'éminemment stratégique. Au regard du niveau de qualification requis, les niveaux de salaire sont dérisoires. L'intersyndicale du BRGM a ainsi appelé à la grève en octobre de cette année pour dénoncer des niveaux de rémunération 25% en deçà des salaires moyens pour le secteur et plus faibles que tous les autres établissements publics scientifiques.
La législation européenne est également un frein au développement de la géothermie. Aujourd'hui elle limite principalement l'action de l'État pour financer et développer des projets pour lesquels l'initiative privée fait cruellement défaut. Les règles européennes, en particulier sur les aides d'État, doivent permettre une intervention publique de grande envergure sur ce secteur.
La géothermie, pour être socialement acceptable, doit permettre d'offrir une énergie à un tarif abordable et sans risque associé. Pour ce faire, il est crucial de réguler le prix de vente de l'énergie issue de la géothermie afin d'offrir de la visibilité à la filière et de s'assurer que les usagers bénéficient d'une énergie à un prix reflétant son coût réel. Il est aussi crucial de renforcer les services instructeurs de l'Etat éviter les risques sismologiques associés à la géothermie profonde.
La France dispose d'atouts géologiques incontestables et d'une grande expertise géologique. La géothermie est un levier incontournable pour la transition écologique et la souveraineté de notre pays. Dans certaines régions et territoires d'outre-mer, le potentiel géothermique est immense et permettrait de pallier progressivement à leur dépendance aux énergies fossiles.
Il est urgent d'agir en développant pleinement la filière.
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