La montée de la colère "populiste" en Allemagne

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la montée de la colère "populiste" en Allemagne
(Crédits : AXEL SCHMIDT)

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Partout en Europe, la base électorale des partis de gouvernement ne cesse de rétrécir, poussant à des alliages politiques de plus en plus hétéroclites. Le jeu démocratique organisé autour de deux visions antagonistes et alternatives disparaît. Cédant le pas à un magma qui se dit progressiste, apolitique, verdâtre, et qui se cramponne au pouvoir pour maintenir le business as usual... et autour le camp antisystème gonfle, tout aussi incohérent, fait de l'agglomération de la contestation. Cette maladie généralisée de la démocratie progresse partout en Europe, sous le vocable impropre et accusatoire de « montée des populismes ». Pourquoi ce phénomène de décomposition est-il présent dans tous les pays et notamment en Allemagne, pays le mieux loti économiquement en Europe ? Le taux de chômage diminue de manière continue depuis 2009 pour atteindre actuellement un niveau historiquement bas.

La crise des migrants, un détonateur seulement

Le cas de l'Allemagne est très révélateur. Les élections fédérales de septembre 2017 ont été marquées par une forte poussée de l'AfD qui a obtenu 12,6% des voix, contre 4,7% en 2013. Les dernières élections régionales en  Bavière, en Hesse, à Brême, côté ouest, et surtout en Saxe, dans le Brandebourg ou à Thuringe, côté est, confirment un mouvement de fond. Les grands partis de la coalition d'Angela Merkel ne cessent de perdre des suffrages, la fragmentation du paysage politique profitant principalement à l'AfD, notamment dans l'ancienne Allemagne de l'Est.

Derrière cette montée de l'extrême droite, il y a bien-sûr le détonateur de la crise des migrants. C'est l'explication la plus immédiate. L'ouverture des frontières aux réfugiés en 2015 a produit un choc démographique d'une ampleur exceptionnelle. L'Afd a surfé sur le thème de la montée de l'insécurité et du coût annuel pour les finances publiques des politiques d'intégration (20 à 23 milliards selon une acception large). Il faut néanmoins s'interroger sur le terrain de propagation qui permet à l'AFD de prospérer et de faire catalyse. Comme souvent, ce sont les régions les moins directement exposées aux migrations, celles de l'ex-RDA, qui expriment les plus fortes pulsions xénophobes, celles où les problèmes sociaux sont les plus aigus, autrement dit celles qui considèrent que le financement de l'urgence sociale migratoire, la déflation salariale induite et que le siphonage et des petits jobs va se faire à leur détriment.

Les fruits de la croissance mal partagés

Et c'est bien le substrat social qui éclaire la montée du vote extrême en Allemagne comme ailleurs. Comme dans les autres pays, les données globales, écrasent la dispersion des situations. Le pouvoir d'achat a augmenté, plutôt plus rapidement qu'ailleurs en Europe, mais sur fond de creusement des inégalités. Ce constat est maintenant largement étayé : en dépit des performances globales, le rapport entre la masse des revenus perçus des 20% les plus riches a tendanciellement à augmenter par rapport à la masse des revenus perçus par les 20% les plus pauvres. Comme la part captée par les 10% les plus riches. Dans une société globalement riche, le risque de pauvreté monétaire et d'exclusion sociale touche près de 20 % de la population. Pour la population en âge de travailler, la décrue du chômage après 2008 a atténué les écarts. Il n'en reste pas moins que la montée du temps partiel, la diffusion des minijobs, l'accroissement de la part des salariés qui ne sont pas couverts par des conventions collectives contribuent à un morcellement du travail et une précarisation, bien visible dans la part atypiquement élevée des salariés à bas salaire dans l'emploi total. Cette précarisation se prolonge et s'amplifie pour les plus âgés. Alors que le décrochage du niveau de vie par rapport aux actifs est bien plus marquée qu'en France, la politique de restriction des budgets sociaux ne cesse d'aggraver le risque de pauvreté des seniors. Ces distorsions dans le partage des fruits de la croissance, sont au cœur du vote extrême, en Allemagne comme ailleurs.

Les classes moyennes face à la flambée immobilière

Les dernières années ne les ont pas aggravés, partant de niveaux élevés, mais un second élément crucial est venu laminer les conditions de vie des classes moyennes en Allemagne : la montée brutale du prix de l'immobilier. La modération immobilière était précisément ce qui avait rendu la modération salariale acceptable dans les années 2000. Or, de ce point de vue, l'Allemagne s'est banalisée, créant une contrainte inédite sur la dépense des ménages.

Dans le cas allemand, on ne peut occulter le fait que le la montée de l'AfD est particulièrement marquée dans les länder de l'ex-RDA. Ce constat se superpose là encore aux écarts de développement considérables qui demeurent entre l'Est et l'Ouest. Derrière cela, il y a la paralysie des dépenses d'infrastructures, l'absence d'implantation industrielle, polarisées à l'Ouest. Résultat, ces régions sont aussi celles où l'emploi industriel est le plus faible et où l'emploi faiblement diplômé est le plus bas. Dans ces régions, pas d'avenir pour ceux qui sont faiblement qualifiés, sauf à se délocaliser ou à se replier sur les minijobs. Cela, le taux de chômage ne le restitue pas : mobilité forcée, précarisation, accès bloqué au logement, dégradation des infrastructures et des espaces de vie.... Mais cela suffit à enrôler une partie croissante de la population dans les bataillons de la colère.

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Commentaires 5
à écrit le 01/03/2020 à 12:56
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le bon sens finira par prévaloir sauf à se résigner à des guerres civiles entre communautés natives et communautés d'immigration musulmanes , rétablir une préférence nationale pour l'accès au logement , aux aides sociales et à l'emploi . c'est très ...

à écrit le 29/02/2020 à 10:24
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Et comme d'habitude l'extrême droite allemande est bien plus effrayante que l'extrême droite italienne. On dirait qu'elle a attendu patiemment plus de 70 ans à ressurgir. Inquiétant d'autant que l'on voit bien l'oligarchie allemande non choquée d...

à écrit le 28/02/2020 à 17:25
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Partout en Europe, la base électorale des partis de gouvernement sont d'accord avec la politique ou plutôt le dogme appliqué par Bruxelles aux membres ayant signé le traité de l'union! Les oppositions (jaunes) attendent leur tour! Seul sont désigné "...

à écrit le 28/02/2020 à 17:20
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Les Ossis vont nous faire regretter le Mur.

à écrit le 28/02/2020 à 17:14
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Quand la crise économique se creuse , le populisme monte c’est connu

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