La restructuration opérationnelle, le complément indispensable de la restructuration financière

OPINION. Les défaillances d'entreprises sont en forte hausse depuis l'automne 2021 et ont même surpassé leurs niveaux pré-Covid. Dans ce contexte, les entreprises fragiles ont, à juste titre, recours à des restructurations financières pour se donner de l'air. Cependant, celles-ci ne suffisent pas à guérir la maladie : elles traitent les symptômes et non les causes. Par Raphaël Miolane, Senior Managing Director chez FTI Consulting, leader du conseil en restructuration.
(Crédits : DR)

Le nombre de défaillances d'entreprises dépasse à présent le niveau pré-pandémique. 2024 risque d'être une année intense en ce qui concerne les défaillances d'entreprises, après une relative accalmie depuis le Covid. En effet, en 2023, les défaillances étaient en nette hausse (57 729 ; +36% par rapport à 2022*) et dépassent à présent le niveau pré-pandémique (52 002 en 2019*). Tous les secteurs & tailles d'entreprises sont concernés. Les entreprises de 100 salariés ou plus sont particulièrement touchées avec 171 entreprises en défaillance sur l'année.

Qu'est-ce qui explique ces difficultés ? On peut citer l'inflation du prix des matières premières, de l'énergie et de la supply-chain, qui bouscule l'équilibre économique de nombreuses entreprises. Les consommateurs subissent l'inflation et donc non seulement réduisent leurs dépenses, mais ils changent aussi d'habitudes de consommation.

Les entreprises les plus fragiles face à ces défis ne parviennent pas à conserver leurs marges et connaissent des problèmes de trésorerie. D'autant plus que la hausse des taux d'intérêts - autour de 5% à l'heure actuelle - complique l'obtention de nouveaux financements. Dans ces situations, la restructuration financière est inévitable.

La restructuration financière : solution partielle

Lorsque l'entreprise ne peut plus faire face à ses obligations financières, la restructuration financière s'impose avec l'ouverture à court terme d'une procédure amiable (mandat ad-hoc, conciliation) ou collective (redressement, sauvegarde, sauvegarde accélérée). Le but est de négocier avec les créanciers pour parvenir à un accord sur la dette. Généralement, il s'agit de l'étaler sur une période plus longue afin d'en réduire la charge à court et moyen terme - une nécessité souvent vitale.

Cependant, dans une restructuration financière, on traite les symptômes, mais pas les causes. Lorsque l'entreprise est en difficulté financière, c'est presque toujours parce qu'elle se trouve d'abord en difficulté opérationnelle : inadaptation de l'offre de produits et services à la demande, inefficacité commerciale, processus défaillants, organisation dysfonctionnelle, etc. Si l'entreprise ne corrige pas ces problèmes, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Pour réellement redresser une entreprise, il faut non seulement retrouver de l'air financièrement et des marges de manœuvre, mais également s'assurer que le business model et l'exécution opérationnelle sont suffisamment robustes pour créer les conditions d'une croissance rentable de long terme. C'est ici que la restructuration opérationnelle intervient.

La restructuration opérationnelle : la clé du rebond

Concrètement, la restructuration opérationnelle débute par une analyse rigoureuse et compréhensive de l'entreprise pour poser un diagnostic. Toutes les parties prenantes doivent s'aligner : le management, les équipes opérationnelles, l'actionnariat... Sur cette base, un plan d'action ambitieux doit être préparé et exécuté avec pour maître-mots rythme et intensité.

La première étape de la relance consiste à assainir la top line, qui servira ensuite de point d'appui pour la relance globale. Cette approche démarre par une réduction drastique de la complexité produits x marchés x clients x canaux x etc. Une fois les contours du périmètre « top line rentable » dessinés, il faut ensuite redéfinir le modèle opérationnel ; c'est-à-dire l'adapter au mieux au nouveau périmètre top line en termes de coûts, de service, de résilience, mais aussi et surtout d'évolutivité.

Il est important de bien avoir en tête qu'une entreprise peut mener une restructuration opérationnelle, quel que soit son niveau de cash. En se recentrant sur son périmètre rentable, n'importe quelle entreprise peut réduire ses coûts de fonctionnement et donc retrouver de la rentabilité et de la trésorerie. Disposer d'une forte trésorerie permet certes d'activer un plan plus ambitieux et de faire des investissements sélectifs, mais n'est pas indispensable.

Un point clé pour réussir une restructuration opérationnelle est de disposer des bonnes compétences. Au-delà de l'expérience, naviguer par gros temps nécessite une expertise spécifique et une analyse objective de la situation à l'instant T. Avec un constat clair et un plan d'action structuré, l'entreprise à toutes les cartes pour rebondir.

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(*) Chiffres appuyés sur la source Altares, bilans 2019-2023

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Commentaires 4
à écrit le 23/02/2024 à 11:34
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Le discours dominant tourne autour les salaires et charges sociales qui pèseraient trop lourd alors qu'il y a bien d'autres sources d'économies en regardant de prêt les comptes d'exploitation .UN chef d'entreprise spécialisé dans la reprise d'entrep...

à écrit le 23/02/2024 à 9:24
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Si le but est de faire de l'argent avec de l'argent, la restructuration n'aura pas d'efficacité !

le 23/02/2024 à 11:37
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il ne s'agit pas de faire de l'argent avec de l'argent mais avant tout de ne pas en gaspiller et d'en perdre pour pouvoir innover et investir afin d'éviter de disparaitre .

à écrit le 23/02/2024 à 9:24
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Si le but est de faire de l'argent avec de l'argent, la restructuration n'aura pas d'efficacité !

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