
Ll'implication - voire le contrôle absolu - des autorités nord-coréennes dans ce processus de fabrication semble évidente dans ce pays où le nombre d'ordinateurs et d'espace IP sont pour le moins limités. En outre, nombre des attaques ciblant des plates formes de trading en ligne émanent de ce pays qui a ainsi trouvé un moyen supplémentaire de s'enrichir illégalement.
Pour autant, cette manne financière mise à profit par la Corée du Nord - qui se trouve être un des grands gagnants au niveau mondial de l'engouement pour le bitcoin - a contraint son voisin du Sud à mettre en place des mesures draconiennes de surveillance de son secteur bancaire national largement utilisé jusque-là par le Nord pour blanchir de l'argent et pour échapper aux sanctions internationales. En Corée du Sud, l'ensemble du secteur privé est en effet aujourd'hui dans l'obligation de dénoncer toute transaction financière suspecte. La traque est donc ouverte à l'encontre de toute entreprise et de toute personne susceptibles de favoriser la Corée du Nord qui a abusé de ces canaux sud-coréens pour s'acheter des armes comme pour financer son programme nucléaire.
Par exemple, il n'est strictement plus possible d'ouvrir en Corée du Sud un compte anonyme pour y traiter le bitcoin ou tout autre monnaie traitée électroniquement car ces plateformes ont largement été exploitées, non seulement au profit du régime nord-coréen, mais également par tous les fraudeurs fiscaux du Sud soucieux de se soustraire à l'impôt sur les successions. Comme cet impôt y est de 40% en Corée du Sud, la logique de cette fraude reste effectivement bénéficiaire tant que la valeur du bitcoin s'effondre de moins de 40%...
Sa police ne vient-elle pas tout juste de perquisitionner les deux plus importantes bourses aux bitcoins, à savoir Bithumb et Coinone ? On comprend dès lors mieux, à l'aune de cette chasse au financement du terrorisme et de cette régulation stricte, l'effondrement de la valeur du bitcoin de ces dernières semaines. Abondamment utilisés par la fraude en tout genre dans les deux Corées, mais également en Chine où plusieurs centres de production ont unilatéralement été fermés en janvier dernier, le bitcoin rivalise désormais avec le cash qui n'est plus le seul véhicule exploité pour la commission de blanchiments et de crimes. Il n'est pas lointain le jour où une puissance - grande ou petite - interviendra dans une élection à coups de bitcoins.
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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.
Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : «Pour un capitalisme entre adultes consentants», préface de Philippe Bilger.
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