Le CAC 40 ne bat pas en retraite, lui !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Le rapport de force change en Ukraine avec l'envoi de chars occidentaux. Après le succès des deux premières mobilisations, la contestation contre le report à 64 ans de l'âge de départ à la retraite reprend cette semaine et les syndicats promettent d'amplifier le mouvement. Elisabeth Borne va-t-elle tenir ? La Bourse de Paris en tout cas reste impavide et bat chaque jour un nouveau record. La crise ? Mais quelle crise ?
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

Chacun connaît la loi de Godwin qui veut qu'au cours d'une discussion, on finit toujours par atteindre un point où pour clore le débat on prend comme référence Hitler ou le nazisme pour mettre fin aux arguments de son contradicteur. En cette semaine qui marque l'entrée dans le mois anniversaire du début de l'« opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine, le 24 février, c'est le président russe Vladimir Poutine qui a atteint ce point Godwin avec cette formule d'une ironie tragique, prononcée à l'occasion de la célébration de souvenir de la bataille de Stalingrad : "c'est incroyable, la Russie est de nouveau menacée par des chars (Léopards) allemands avec des croix peintes sur leurs blindages ; une fois de plus, ils partent en guerre sur le sol ukrainien avec les forces des partisans d'Hitler ». Nous y voilà : évitera-t-on la Troisième Guerre Mondiale ? Sommes-nous déjà dedans ? Le rapport de forces change en Ukraine, à l'approche d'une possible grande offensive, et la Russie menace désormais la Moldavie. Pendant ce temps-là, la Chine envoie (par erreur... ?) un ballon-sonde au-dessus des Etats-Unis et des officiels américains évoquent un plan secret chinois d'invasion de Taïwan en 2025.

Un an après le début de la guerre, le monde est entré dans une « drôle de crise », dont on ne voit pas encore la trace dans les statistiques. Le FMI a commencé la semaine en déclarant, à l'occasion de la publication de ses nouvelles prévisions économiques, que le spectre d'une récession mondiale s'éloigneLa réouverture de la Chine après la politique de Zéro Covid y est pour beaucoup, mais aussi le sentiment que les banques centrales vont parvenir à juguler l'inflation, qui dépasse encore les 10% dans beaucoup de pays. Il n'en fallait pas plus pour rassurer les marchés financiers qui, dopés par les résultats spectaculaires des entreprises, flirtent avec leurs sommets. A plus de 7200 points, l'indice CAC 40 de la bourse de Paris rejoint ses plus hauts historiques comme la bourse de Londres. Au point de conduire le même FMI à s'alarmer en fin de semaine de l'étrange déconnexion entre les indices boursiers et la hausse des taux d'intérêt, et ce d'autant que la Fed comme la BCE ne cessent de prévenir qu'elles sont loin d'avoir fini le job, à savoir ramener l'inflation vers l'objectif de moyen terme de 2%.

L'autre point Godwin de ce début d'année, c'est qu'il est impossible de mener une discussion sur les retraites sans tomber sur la question à laquelle il semble impossible de répondre : la réforme est-elle juste ? Avec deux journées de mobilisation importantes, le gouvernement tient sa ligne mais est à la peine. Si les 64 ans restent « non négociables », Elisabeth Borne ouvre la voie à des sanctions sur le travail des seniors n'hésitant pas à se dire « choquée » du comportement des entreprises qui procèdent à des préretraites déguisées par des accords de ruptures conventionnels collectives réservés aux salariés de plus de 59 ans. Comment travailler plus longtemps quand personne ne vous recrute plus ?

Accords collectifs permis par un certain... Emmanuel Macron ! Alors que de nouvelles mobilisations voire une généralisation des grèves sont en vue, la bataille se joue entre la rue et le Parlement, alors qu'il n'est pas sûr qu'il y ait encore une majorité pour voter la loi en l'état. Selon les derniers décomptes, entre les défections chez Renaissance, Horizons ou le Modem et surtout au sein de LR, ce n'est même pas du tout certain. La droite LR commence en effet à hésiter à prendre ses « responsabilités » au vu de la fronde qui gronde dans la France des sous-préfectures, souligne notre chroniqueur Marc Endeweld.

Étape par étape, voici comment va se passer le calendrier d'examen de la loi qui débute en séance publique lundi à l'Assemblée nationale. Au vu du coût des amendements qui vont alimenter les débats, notamment celui sur la réduction de 44 à 43 ans de la durée de cotisation des « carrières longues » (les moins de 21 ans), soit 2 milliards d'euros, il est à craindre, comme nous le dit le patron de la CFE-CGC, que ce soit une loi pour rien qui finisse par coûter plus cher qu'elle ne rapporte. On n'en est pas là, mais la détermination de François Hommeril, qui n'a rien à envier à celle de la CGT dans un front syndical uni contre les 64 ans en dit long sur la désillusion qui touche aussi l'encadrement dans les entreprises à l'idée de travailler plus longtemps. Et ce n'est pas la promesse de Gabriel Attal d'ouvrir la voie à une semaine de quatre jours (payés cinq ?) avec le même temps de travail qui va y changer grand chose.

La CFDT reste avec Laurent Berger à la pointe du combat, avec pour objectif de peser sur le débat parlementaire sans rompre avec le soutien de l'opinion, nous explique notre journaliste en charge du Social, Fanny Guinochet. Malgré des menaces de grèves reconductibles, les syndicats seront attentifs à ne pas empêcher la France de profiter des vacances de février qui vont s'étaler jusque début mars.

Même les économistes qui ont été hier les meilleurs soutiens de Macron le lâchent, pas convaincus que les 64 ans soient « la moins mauvaise des solutions ». Fanny Guinochet a synthétisé les réserves des économistes français, qui voudraient plus de flexibilité sur l'âge de départ, en jouant sur la durée de cotisation, ce que permettait feu la réforme systémique, la retraite à point, abandonnée en 2020 en pleine crise sanitaire. Le plus virulent est le chef économiste de la banque Natixis, Patrick Artus, qui selon Grégoire Normand, a littéralement « dézingué »  la réforme d'Emmanuel Macron, la qualifiant « d'insignifiante » sur le plan économique et « inefficace ». Selon lui, il serait bien plus utile de mettre tous les moyens sur l'augmentation du taux d'emploi des jeunes, bien trop faible en France en comparaison de la moyenne européenne. Bref, il n'y a plus guère qu'Edouard Philippe, Nicolas Sarkozy et le FMI pour défendre la réforme des retraites de Macron. La bataille sera longue et elle permettra de répondre à la question que nous posons dans le Pour/Contre de la semaine dans La Tribune : les grèves sont-elles encore efficaces ?

Philippe Mabille

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Commentaires 5
à écrit le 05/02/2023 à 15:03
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Il faut une réforme plus équilibrée : 63 ans et non pas 64 ans avec en contrepartie un effort demandé aux revenus du capital et aux retraités. Voir l'article : "La retraite à 64 ans une arnaque intergénérationnelle".

à écrit le 05/02/2023 à 10:40
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A 64 ans j aurais 181 trimestres cotisé et vous? Il faut donc que tout le monde ai 180 trimestres pour partir en retraite . La ont va rigoler sur l age de depart ..

à écrit le 04/02/2023 à 10:52
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L'arrogance occidentale a son paroxisme. Quand Poutine va envoyer la sauce, les pros du clavier vont rentrer dare-dare au clapier. Ce n'est pas quelques tanks qui vont changer la donne, ni d'ailleurs des missiles us. Denigrer l'adversaire est une e...

à écrit le 04/02/2023 à 10:13
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Pourtant on nous a toujours appris que l'économie préférait la paix .Mais force est de constater qu'en fait ils préfèrent la guerre.

à écrit le 04/02/2023 à 8:25
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Belle démonstration que la guerre paye...mais qui au fait ? Bah toujours les mêmes ceux qui ont fait la crise 1929. 2008 Roosevelt les avaient neutralisé.Clinton les a rétabli... La suite car il y en aura une dans le prochain épisode.

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