
Le texte de la réforme des retraites arrive ce lundi 6 février à l'Hémicycle dans un climat explosif. Entre le nouvel appel de l'intersyndicale à manifester le 7 février et les nombreux doutes sur la majorité à l'Assemblée pour voter la réforme, le gouvernement est dans une position extrêmement délicate.
La Première ministre Elisabeth Borne a réaffirmé sa détermination ces dernières semaines à tenir le cap de cette réforme décriée. Sous la pression de mobilisations grandissantes contre sa réforme des retraites, Élisabeth Borne a défendu jeudi soir sur France 2 un projet « indispensable » sans revenir sur le report très contesté de l'âge de départ, mais en se montrant ouverte à des aménagements sur l'emploi des seniors ou les carrières longues.
Dans le camp des économistes, le projet macroniste est très loin de faire l'unanimité. Plusieurs économistes proches d'Emmanuel Macron ont déjà exprimé des doutes sur les bien-fondés du projet de l'exécutif.
Plus récemment, l'économiste et conseiller de la banque Natixis, Patrick Artus, a taillé en pièces les mesures proposées par l'exécutif. « C'est une réforme insignifiante sur son apport à l'économie [...] Il ne faut pas faire de réforme rejetée par la majorité des personnes concernées. La majorité des Français ne veulent pas travailler jusqu'à 64 ans [...] Cette réforme soulève des enjeux démocratiques », a déclaré Patrick Artus lors d'une réunion avec des journalistes jeudi 3 février.
Après deux journées de fortes mobilisations, les syndicats se préparent à intensifier leurs actions dans les jours à venir. Au Parlement, les oppositions fourbissent leurs armes à la veille des débats parlementaires avec le dépôt de 20.000 amendements, dont la moitié par la France Insoumise (LFI).
« Augmenter le taux d'emploi des seniors de 6 points en huit ans, c'est inefficace »
L'un des objectifs affichés par le gouvernement est de faire monter la participation des seniors au marché du travail. Dans l'épaisse étude d'impact de 112 pages annexées au texte de loi, il est précisé que le taux d'emploi de la tranche d'âge des 55-59 ans en France est comparable à la moyenne des pays de l'Union européenne (74% contre 73%). En revanche, le taux d'emploi des 60-64 ans dans l'Hexagone (33%) est inférieur à celui du Vieux continent (45%) en moyenne. Pour combler cette différence, l'exécutif veut décaler l'âge d'ouverture des droits à la retraite de 62 ans à 64 ans.
Les précédentes réformes (Fillon en 2010, Raffarin en 2003) ont montré que le taux d'emploi des seniors avait effectivement augmenté, mais le chômage et l'inactivité avaient également progressé d'après l'Insee. Pour l'économiste Patrick Artus, « c'est une réforme inefficace. Elle va augmenter le taux d'emploi des seniors de 6 points en huit ans, en passant, de 35% à 41%. Le taux d'emploi global en France augmenterait de seulement 0,6 point et l'emploi s'améliorerait de 0,9 point, c'est insignifiant. »
Il estime que « le vrai enjeu est l'employabilité des seniors dans les entreprises. De nombreuses personnes âgées vont se retrouver au chômage. » Sur ce point, le gouvernement a prévu de mettre en place un index des seniors, sur le même modèle que l'index de l'égalité présenté par l'ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud. Du côté des syndicats interrogés récemment par La Tribune, cette annonce n'a pas vraiment convaincu. « Cet index n'est pas contraignant. La seule contrainte concerne les entreprises de plus de 1.000 salariés. Pour les autres entreprises, elles sont incitées à publier cet index mais elles ne seront pas pénalisées », a regretté Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), en charge des négociations sur les retraites. Jeudi soir, Elisabeth Borne a affirmé qu'elle était favorable à la mise en place de sanctions sur l'antenne de France 2.
Un grand plan d'emplois pour les jeunes
Afin d'améliorer le financement du système des retraites, Patrick Artus plaide pour un grand plan emploi pour les jeunes. « C'est dramatique de ne pas avoir de meilleur levier pour l'emploi des jeunes. Si la France avait le taux de chômage des jeunes allemands, cela pourrait rapporter 40 milliards d'euros sur huit ans. Je ne comprends pas que l'on ait pas de vraie politique de retour à l'emploi des jeunes et des NEETS ».
En France, près de 1,4 million de jeunes âgés de 15 ans à 29 ans seraient ni en emploi, ni en études, ni en formation selon de récents chiffres de l'Insee. Entre 2014 et 2022, la part des NEETS est en baisse de deux points (12,8%) mais reste à un niveau supérieur à l'Europe (13,6%) et à l'Allemagne (9,2%). « Si on normalisait le taux d'emploi des plus jeunes, cela serait beaucoup plus efficace pour les comptes de la Sécurité sociale, » a conclu l'économiste.
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