Retraites : l'économiste Patrick Artus dézingue la réforme du gouvernement

L'économiste et conseiller de la banque Natixis Patrick Artus qualifie la réforme des retraites « d'insignifiante » sur le plan économique et d'« inefficace ». Le recul de l'âge légal de 62 ans à 64 ans permettrait d'augmenter le taux d'emploi des plus de 60 ans de six points seulement en huit ans. Il plaide surtout pour améliorer le taux d'emploi des jeunes en France, bien inférieur à celui de la moyenne européenne.
Grégoire Normand
Patrick Artus, économiste et conseiller de la banque Natixis.
Patrick Artus, économiste et conseiller de la banque Natixis. (Crédits : Reuters)

Le texte de la réforme des retraites arrive ce lundi 6 février à l'Hémicycle dans un climat explosif. Entre le nouvel appel de l'intersyndicale à manifester le 7 février et les nombreux doutes sur la majorité à l'Assemblée pour voter la réforme, le gouvernement est dans une position extrêmement délicate.

La Première ministre Elisabeth Borne a réaffirmé sa détermination ces dernières semaines à tenir le cap de cette réforme décriée. Sous la pression de mobilisations grandissantes contre sa réforme des retraites, Élisabeth Borne a défendu jeudi soir sur France 2 un projet « indispensable » sans revenir sur le report très contesté de l'âge de départ, mais en se montrant ouverte à des aménagements sur l'emploi des seniors ou les carrières longues.

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Dans le camp des économistes, le projet macroniste est très loin de faire l'unanimité. Plusieurs économistes proches d'Emmanuel Macron ont déjà exprimé des doutes sur les bien-fondés du projet de l'exécutif.

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Plus récemment, l'économiste et conseiller de la banque Natixis, Patrick Artus, a taillé en pièces les mesures proposées par l'exécutif. « C'est une réforme insignifiante sur son apport à l'économie [...] Il ne faut pas faire de réforme rejetée par la majorité des personnes concernées. La majorité des Français ne veulent pas travailler jusqu'à 64 ans [...] Cette réforme soulève des enjeux démocratiques », a déclaré Patrick Artus lors d'une réunion avec des journalistes jeudi 3 février.

Après deux journées de fortes mobilisations, les syndicats se préparent à intensifier leurs actions dans les jours à venir. Au Parlement, les oppositions fourbissent leurs armes à la veille des débats parlementaires avec le dépôt de 20.000 amendements, dont la moitié par la France Insoumise (LFI).

« Augmenter le taux d'emploi des seniors de 6 points en huit ans, c'est inefficace  »

L'un des objectifs affichés par le gouvernement est de faire monter la participation des seniors au marché du travail. Dans l'épaisse étude d'impact de 112 pages annexées au texte de loi, il est précisé que le taux d'emploi de la tranche d'âge des 55-59 ans en France est comparable à la moyenne des pays de l'Union européenne (74% contre 73%). En revanche, le taux d'emploi des 60-64 ans dans l'Hexagone (33%) est inférieur à celui du Vieux continent (45%) en moyenne. Pour combler cette différence, l'exécutif veut décaler l'âge d'ouverture des droits à la retraite de 62 ans à 64 ans.

Les précédentes réformes (Fillon en 2010, Raffarin en 2003) ont montré que le taux d'emploi des seniors avait effectivement augmenté, mais le chômage et l'inactivité avaient également progressé d'après l'Insee. Pour l'économiste Patrick Artus, « c'est une réforme inefficace. Elle va augmenter le taux d'emploi des seniors de 6 points en huit ans, en passant, de 35% à 41%. Le taux d'emploi global en France augmenterait de seulement 0,6 point et l'emploi s'améliorerait de 0,9 point, c'est insignifiant. »

Il estime que « le vrai enjeu est l'employabilité des seniors dans les entreprises. De nombreuses personnes âgées vont se retrouver au chômage. » Sur ce point, le gouvernement a prévu de mettre en place un index des seniors, sur le même modèle que l'index de l'égalité présenté par l'ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud. Du côté des syndicats interrogés récemment par La Tribune, cette annonce n'a pas vraiment convaincu. « Cet index n'est pas contraignant. La seule contrainte concerne les entreprises de plus de 1.000 salariés. Pour les autres entreprises, elles sont incitées à publier cet index mais elles ne seront pas pénalisées », a regretté Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), en charge des négociations sur les retraites. Jeudi soir, Elisabeth Borne a affirmé qu'elle était favorable à la mise en place de sanctions sur l'antenne de France 2.

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Un grand plan d'emplois pour les jeunes

Afin d'améliorer le financement du système des retraites, Patrick Artus plaide pour un grand plan emploi pour les jeunes. « C'est dramatique de ne pas avoir de meilleur levier pour l'emploi des jeunes. Si la France avait le taux de chômage des jeunes allemands, cela pourrait rapporter 40 milliards d'euros sur huit ans. Je ne comprends pas que l'on ait pas de vraie politique de retour à l'emploi des jeunes et des NEETS ».

En France, près de 1,4 million de jeunes âgés de 15 ans à 29 ans seraient ni en emploi, ni en études, ni en formation selon de récents chiffres de l'Insee. Entre 2014 et 2022, la part des NEETS est en baisse de deux points (12,8%) mais reste à un niveau supérieur à l'Europe (13,6%) et à l'Allemagne (9,2%).  « Si on normalisait le taux d'emploi des plus jeunes, cela serait beaucoup plus efficace pour les comptes de la Sécurité sociale, » a conclu l'économiste.

Lire aussiRéforme des retraites : la jeunesse, point de bascule de la mobilisation ?

Grégoire Normand
Commentaires 17
à écrit le 04/02/2023 à 23:06
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Cette gestion catastrophique d'une réforme désormais impossible à mettre en oeuvre qui a divisé les Français entre salariés et 'riches' dans l'esprit de la population, ça ne vous semble pas justifier de changer de gouvernement et de pacifier le pays....

à écrit le 04/02/2023 à 23:03
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Cette gestion catastrophique d'une réforme désormais impossible à mettre en oeuvre qui a divisé les Français entre salariés et 'riches' dans l'esprit de la population, ça ne vous semble pas justifier de changer de gouvernement et de pacifier le pays....

à écrit le 04/02/2023 à 9:23
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Au lieu de jongler avec des chiffres et suppositions, c'est la plein emploi qui doit être trouvé avant toute "réforme" !

à écrit le 04/02/2023 à 8:35
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Le gouvernement ne réfléchit pas .il obéit a qui? On retiendra probablement cette spécificité de Macron l'obéissance partout présente dans sa vie... Curieux pour un président...

à écrit le 04/02/2023 à 8:35
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Le gouvernement ne réfléchit pas .il obéit a qui? On retiendra probablement cette spécificité de Macron l'obéissance partout présente dans sa vie... Curieux pour un président...

à écrit le 04/02/2023 à 8:28
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Cette réforme est censée rapporter 20 milliards et "en même temps" coûter 20 milliards en dépenses sociales (hausse des pensions les plus basses, subventions emploi). Donc une réforme inutile au final !

le 04/02/2023 à 9:51
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Les gens sont curieux, c’est une fois en retraite qu’ils réalisent qu’ils ont des retraites de misère ! Parce que même 1.200 Euros par mois ça ne permet pas de se payer une semaine au Club Mediterrannee et avec l’inflation actuelle çà va vite redeven...

à écrit le 03/02/2023 à 21:37
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Macron avait écrit un livre titré REVOLUTION ....une fois au pouvoir, il nous fait une réforme paramétrique, c'est quand même assez minable. Vous imaginez la trace qu'il va laisser dans l'histoire : Faire travailler les gueux 2 ans de plus. Le peuple...

à écrit le 03/02/2023 à 21:08
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P. Artus est brillant mais il se trompe souvent. Sur les retraites 1/ Le déficit provient de la baisse de la natalité. On est passé de 2 actifs à 1.5 actifs, voire moins dans quelques années. Pour maintenir une retraite par répartition, il faut de...

le 04/02/2023 à 0:38
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@Raisonnable Ce n'est pas que les jeunes ne veulent pas travailler, ils ne veulent plus travailler selon le schéma "traditionnel". Et franchement...ils ont raison.

à écrit le 03/02/2023 à 18:18
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Bonjour, Le problème c'est qu'il y a trops de régimes spéciaux, et la charge de retraite est trops importante pour le peux de gens qui travaillent.... Donc ils faut plus de travail, pour avoir plus de production... Et reformer les régimes spéciaux...

à écrit le 03/02/2023 à 17:48
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"Conseiller de la banque Natixis " Vu ce qu'il a fait perdre aux actionnaires de Natixis je doute de la pertinence des analyses de ce monsieur !!! .

à écrit le 03/02/2023 à 17:36
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"Si on normalisait le taux d'emploi des plus jeunes, cela serait beaucoup plus efficace pour les comptes de la Sécurité sociale" La Palice n'aurait pas dit mieux. Comme si en Allemagne les jeunes avaient un job grace aux plans du gouvernement... I...

le 03/02/2023 à 19:49
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Soyez indulgent avec Artus, M. Adieu BCE : il se plante largement plus d'une fois sur deux, en bon économiste français qu'il est. C'est normal.

à écrit le 03/02/2023 à 17:27
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Mr Arthus a raison: ce n'est pas parce que les seniors vont travailler plus longtemps que la production va augmenter. Or pour financer les retraites, il faut augmenter la production, sinon on a rien à partager en plus. Il faut donc plus de personnes...

le 03/02/2023 à 18:12
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Pour financer les retraites il faut des actifs qu'ils soient jeunes ou moins jeunes. Il faut augmenter le taux d'emploi des jeunes ET des seniors (et des femmes). Mais une année d'une personne de 63 qui travaille au lieu de prendre sa retraite vaut d...

le 04/02/2023 à 9:22
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Au lieu de jongler avec des chiffres et suppositions, c'est la plein emploi qui doit être trouvé avant toute "réforme" !

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