Retraites : les Républicains hésitent face à la colère de la France des sous-préfectures

POLITISCOPE. Elisabeth Borne fait du Juppé. Droite dans ses bottes, elle reste sur la posture du "non-négociable" pour le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Mais ouvre la porte à des aménagements sur la pénibilité et des sanctions sur le travail des seniors. Pas de quoi casser l'unité syndicale qui veut amplifier le mouvement social. La principale inquiétude est la forte mobilisation qui ne faiblit pas en province dans la France des Gilets Jaunes. De quoi faire hésiter certains députés LR lors du vote...
Marc Endeweld
(Crédits : Reuters)

Ce jeudi soir, certains attendaient au moins un signe de l'exécutif sur le dossier des retraites. Interviewée à la télévision, Elisabeth Borne est pourtant restée droite dans ses bottes. A-t-elle tout au plus promis que certains critères de pénibilités allaient être pris en compte (après avoir été supprimés lors du précédent quinquennat...). Face à cette position inflexible, même Laurent Berger de la CFDT, pourtant toujours très conciliant d'habitude, est apparu irrité : « On a l'impression qu'il n'y a pas de mouvement social dans ce pays ! » s'est-il exclamé suite à l'interview de Borne. Et le leader syndical d'en appeler à « amplifier » la mobilisation dans les prochains jours. Et de rappeler : « C'est dans les villes moyennes que ça se mobilise. Pourquoi ? Parce que c'est les travailleurs réels ». Comprendre : ceux qui souffrent le plus dans leur corps de leur travail.

De fait, la très large mobilisation du 31 janvier (1,27 million de manifestants selon le ministère de l'Intérieur, 2,8 millions selon la CGT) a confirmé celle du 19. Et ces deux journées de manifestation ont effectivement montré que la France des petites et moyennes villes, où l'on trouve une proportion d'ouvriers et d'employés plus importante, se mobilisait massivement.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 7.000 manifestants à Alès, 8.500 à Angoulême, 7500 à Chartres... Au-delà de la question des retraites, cette « France des sous-préfectures » souffre particulièrement de l'inflation, de la hausse des prix du carburant, de l'énergie...

C'est la France des petits boulangers qui sont obligés de mettre la clé sous la porte, la France des Gilets Jaunes. À la lumière de ces éléments, le gouvernement semble danser sur un volcan. Dans les manifestations, parmi les plus importantes de ces trente dernières années, on trouve ainsi de simples citoyens, des gens non étiquetés, et même de droite ou d'extrême droite. Pas uniquement les sympathisants de gauche, des syndicalistes, ou les traditionnels indignés. La presse régionale l'a d'ailleurs bien remarqué et s'en est largement fait écho : ce sont ses lecteurs qui sont dans la rue.

Pour le gouvernement, rien ne se passe donc comme prévu. En topant début janvier avec la direction des Républicains, notamment sur les 64 ans, pour s'assurer une majorité solide, Elisabeth Borne pensait pouvoir faire facilement passer son projet au Parlement. Ces derniers jours, le patron des Républicains, Éric Ciotti, n'a d'ailleurs pas ménagé sa peine pour soutenir la « réforme ». « Moi je souhaite voter cette réforme, je le dis très clairement. Pourquoi ? Parce qu'elle est nécessaire, je veux être cohérent avec ce qu'on a toujours dit et surtout fait, je crois qu'il faut être responsable », a-t-il déclaré l'autre soir à la télévision. En martelant : « Nous prendrons nos responsabilités au Parlement ». Derrière ces effets de manche, on sent le patron des Républicains peu à l'aise. Et il concède lors de la même émission, qu'il est nécessaire d'« entendre » les « colères ».

C'est que dans ses propres rangs, il y a le feu au lac. À l'Assemblée Nationale, une quinzaine de députés LR ont annoncé qu'en l'état actuel des choses, ils ne voteront pas le projet de loi. À l'inverse, seule une poignée de députés LR (une quinzaine également) sont prêts à voter la réforme en l'état, alors que le groupe présidé par Olivier Marleix compte 62 élus. Beaucoup de députés du parti de droite restent donc indécis. « Les macronistes ont besoin de récupérer 41 voix parmi les LR à l'Assemblée. Ça devrait passer », tente de se rassurer un pilier de la droite qui soutient le projet du gouvernement. « Pour Ciotti, c'est la bande à Pradié qui lui pose un problème ».

Les frondeurs de la droite

Le candidat malheureux à la tête des Républicains, Aurélien Pradié, est le tenant d'une « ligne sociale » au sein du parti de droite. Il dénonce ainsi sur twitter « les injustices massives de la réforme des retraites ». Hostile au report de l'âge légal de départ à la retraite, le vice-président de LR a clairement prévenu qu'il ne prendrait pas en compte les consignes venues de la direction : « Le chef, c'est celui qui est candidat à l'élection présidentielle, soyons très clairs. C'est ça, le vrai chef. Et je n'ai pas le sentiment qu'Éric ait cette ambition-là. » De fait, la seule candidature que Ciotti envisage est la mairie de Nice.

Situation inédite, la direction des Républicains doit faire face à une fronde interne qui prend de l'ampleur. Ces « frondeurs » chez LR ont tous en commun d'avoir été réélus dans des circonscriptions rurales ou périurbaines où le RN est particulièrement bien implanté. Député LR du Pas-de-Calais, Pierre-Henri Dumont est déterminé : « Je ne vote pas la réforme ». Idem pour son collègue Maxime Minot, député LR de l'Oise : « Hors de question ! » Ce dernier ajoute : « On voit bien qu'il y a une remontée de terrain qui est terrible aujourd'hui. Je n'ai pas une personne qui me dit "monsieur Minot, votez cette réforme" ». On assiste donc à une fracture sociale au coeur même des LR. La droite des sous-préfectures, aux relents gaullistes, face à la droite de Versailles, toujours libérale à fond sur le plan économique. Cette fracture s'est nef ait accentuée depuis le Covid-19 et la guerre en Ukraine. Pour ne rien arranger, la leader d'extrême droite, Marine Le Pen, s'amuse à souffler sur les braises : « moi je dis aux députés LR d'écouter leurs électeurs, d'aller sur les marchés, d'entendre ce que les électeurs leur disent ».

Résultat, parmi les poids lourds des Républicains, les divergences commencent à s'exprimer. Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand ne rate pas une occasion de dénoncer une réforme « profondément injuste », tandis qu'en Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez estime que le « principe de responsabilité consiste à ne pas s'opposer à cette réforme ». Un bon nombre rappelle que Valérie Pécresse proposait dans son programme présidentiel un report de l'âge légal de départ à la retraite à... 65 ans. « On ne peut pas se déjuger si on veut conserver notre crédibilité », souffle un proche de Ciotti.

Face à ce bazar, Elisabeth Borne a reçu une bonne heure à Matignon Éric Ciotti et Olivier Marleix, patron du groupe LR à l'Assemblée Nationale. Car ça commence à tanguer y compris au sein de la majorité Renaissance même si la patronne du groupe, Aurore Bergé, assure : « Aucune voix ne manquera ».

Edouard Philippe appelle son camp au « courage »

De son côté, Édouard Philippe, qui s'est exprimé le même soir qu'Elisabeth Borne sur BFM TV après des mois des silences, en a profité pour rappeler que les Républicains avaient fait en 2019 des leçons de « crédibilité » et de courage en déposant alors un amendement à l'Assemblée pour porter l'âge de départ à la retraite à 65 ans... Un jour avant, dans les colonnes du Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy a appelé la droite à « tenir compte des combats qui ont été les siens », et de rappeler que les Républicains ont « fait campagne pendant la présidentielle de 2022 en défendant la retraite à 65 ans de Valérie Pécresse ». L'ancien chef de l'État qui souhaite un rapprochement à l'Assemblée nationale entre sa famille politique et la majorité relative, « voit beaucoup Macron en ce moment. Macron comme d'habitude l'instrumentalise », m'assure l'un de ses proches.

Le déblocage de la situation pourrait venir d'un éventuel recul du gouvernement sur les « carrières longues », c'est-à-dire la possibilité pour ceux ayant commencé à cotiser avant 21 ans de partir avant l'âge légal. Un amendement allant dans ce sens a ainsi été signé par les 62 élus LR à l'Assemblée. Un « recul » qui coûterait 2 milliards d'euros a annoncé Elisabeth Borne, « mais Macron est capable de lâcher un petit truc car il s'en fout des finances publiques », assure un pilier de la droite, qui tente de se rassurer : « Après on montrera notre indépendance sur l'immigration, on ne votera pas le projet de loi sur l'immigration de Darmanin ». Pas sûr que cette position libérale identitaire réponde aux besoins et demandes de la France des sous-préfectures. À la présidentielle, cette ligne n'avait guère réussi à Éric Zemmour. En attendant, Marine Le Pen continue d'attendre son heure tranquillement. Alors que le RN est le parti qui a déposé le moins d'amendements à l'Assemblée Nationale contre le projet du gouvernement sur les retraites, les Républicains restent inaudibles comme se désespère une figure du parti : « On est en chômage technique ! On ne crante pas, on n'imprime pas dans l'opinion ».

Marc Endeweld

Marc Endeweld
Commentaires 33
à écrit le 06/02/2023 à 12:36
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Les Républicains feraient bien de s'inspirer d'Aurélien Pradié qui est novateur et soutient les classes populaires. Rares sont les Républicains qui prennent la défense de ceux qui ne sont pas des bourgeois.

à écrit le 06/02/2023 à 11:29
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Ils doivent effectivement réfléchir à leur future réélection en 2027 car ils risquent fort de se voir réduire à unbe poeau de chagrin à l'assemblée comme le PS (une trentaine) et ils devront leur salut en s'alliant avec le RN comme les PS avec la NUP...

à écrit le 06/02/2023 à 9:24
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Il serait peut être temps de proposer une pension forfaitaire égale pour tous a partir de 60 ans en permettant a ceux qui sont en capacité et qui le désirent de continuer leur activité ! Non?

à écrit le 05/02/2023 à 0:21
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Si les Lr votent cette réforme boycott de leur futures élections et boycott de la consommation !!

à écrit le 04/02/2023 à 23:20
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Enfin les sénateurs LR n'ont pas l'air d'hésiter une seconde à voter pour protéger leur retraite ultra privilégiée tout en demandant des sacrifices aux autres. Bravo messieurs, bel exemple d'engagement politique désintéressé pour l'intérêt général.

à écrit le 04/02/2023 à 17:22
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Les statistiques du ministère de l'intérieur montrent une augmentation de la délinquance et des crimes et violences contre les personnes. L'Etat entre dans la danse car cette réforme des retraites est une violence de plus à l'encontre de tous les tra...

à écrit le 04/02/2023 à 15:20
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espérance de vie ; dans mon entourage beaucoup sont décédé à 50 et 55 avec de superbe bonne profession ..alors la retraite !!!! ont vie plus longtemps grabataire !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ( le destin ) !!!!!!!!!!!!!

à écrit le 04/02/2023 à 14:17
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En France, trop de mains tremblent quand il faut prendre une décision. C'est comme cela qu'il a fallu 40 ans pour décider du sort de l'aéroport de Nantes. De Gaule lui n'a pas hésiter une seconde pour arrêter la guerre d'Algérie.

le 04/02/2023 à 14:54
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Oui, quand il s'agit de prendre une décision impopulaire trop de mains tremblent. Alors que la majorité des français se trompe 8 fois sur 10 et donc les bonnes décisions sont presque tjrs impopulaires...

le 04/02/2023 à 20:53
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Ce gouvernement prends en exemple des pays qui gerontology le depart en retraite d une tout autre façon Je suis en Hollande , age de depart 67 depart reel a 63 en Italie depart bien avant 67 ans , en Allemagne aussi etc etc. avec des aides etc...

à écrit le 04/02/2023 à 14:14
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Nous sommes à un tournant politique en France : Primo Les Républicains se décrédibilisent en soutenant la macronie - Secundo : Les électeurs du RN et aussi ceux de la NUPES ne comprennent pas et n'approuvent absolument pas le soutien du RN et de la N...

à écrit le 04/02/2023 à 13:31
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Selon Hervé le Bras, la réforme n'est pas nécessaire. Voir article dans le Monde 04022023

à écrit le 04/02/2023 à 12:45
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La faiblesse de cette reforme est que elle est insuffisante et qu'il faudrait augmenter aussi le nombre d'années de cotisation à 44-45 ans. La pyramide démographique fait que les retraites baisseront. Sans reformes elles baisseront un peu plus. Si ...

le 06/02/2023 à 9:23
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Il serait peut être temps de proposer une pension forfaitaire égale pour tous a partir de 60 ans en permettant a ceux qui sont en capacité et qui le désirent de continuer leur activité ! Non?

à écrit le 04/02/2023 à 9:17
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Pendant ce temps : Le parquet national financier (PNF) a retenu l'infraction de "favoritisme" pour un futur procès à l'encontre d'Olivier Dussopt qui portera sur un marché public conclu à la fin des années 2000 avec un groupe de traitement de l'ea...

à écrit le 04/02/2023 à 9:11
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"De quoi faire hésiter certains députés LR lors du vote... " C'est surtout que dans les sondages 54% de l’électorat LR est contre cette réforme.

à écrit le 04/02/2023 à 8:58
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Une "réforme" ne peut être faites que si tout les acteurs en trouvent l'utilité , ce n'est pas le cas et ..., à ce moment là, cela devient une adaptation ! C'est une réforme de pessimiste ! ;-)

à écrit le 04/02/2023 à 8:56
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Semaine de 35 h dans les entreprises, 5 semaine de congés, des jours de RTT nombreux c’est très bien Mais le revers de la médaille des déficits publics énormes non finances , une démographie en panne Des efforts évidents à demander pour sauver l...

le 04/02/2023 à 12:28
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Vous oubliez : 1/défiscalisation pour les particuliers selon le nombre d enfant - n existe qu en France aucun autre pays a ce dispositif pour la classe populaire /moyenne- 2/ niches fiscales pour les entreprises / particuliers - la France en a le r...

le 04/02/2023 à 12:32
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Vous oubliez : 1/défiscalisation pour les particuliers selon le nombre d enfant - n existe qu en France aucun autre pays a ce dispositif pour la classe populaire /moyenne- 2/ niches fiscales pour les entreprises / particuliers - la France en a le r...

le 05/02/2023 à 12:07
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Ben voyons la retraite par capitalisation de vos amis et caste financière ..,que faites vous des millions de salariés qui ont 50 et plus et pour lesquels c est trop tard?… vu le niveau des salaires seuls ceux à plus 5000€ net seront gagnants mais c e...

à écrit le 04/02/2023 à 8:40
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C'est insupportable de voir ce gouvernement s'obstiner à vouloir faire travailler tous ces pauvres gens 2 ans de plus en comptant ainsi raccourcir leur durée de vie afin que les autres aient de meilleures pensions. Ce gouvernement accumule toutes les...

à écrit le 04/02/2023 à 7:54
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Ce parti d'arrivistes votera, c'est sur et certain.

à écrit le 04/02/2023 à 7:47
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A force d’être borné, de refuser la négociation avec le parlement ou les syndicats, ce qui attend le pays c’est un mouvement type gilet jaune, qui coûtera bien plus cher que ce que rapportera cette reformette.

à écrit le 04/02/2023 à 7:18
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En voulant passer cette réforme de force par une procédure legislative détournée , contre une très large majorité de citoyens, Renaissance signe sa mort politique et cree un dangereux précédent que ne manquera pas d'utiliser le RN quand il arrivera ...

à écrit le 04/02/2023 à 2:51
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Les qui ? 🤣🤣🤣 RÉFORME ou pas il n'y aura aucunes retraites sur notre modèle actuel sous 10 années, alors je me régale de regarder ce sketch, la retraite par répartitions est une utopie, il faut une retraite base universelle et une retraite privée.

le 04/02/2023 à 7:50
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Et bien il va d’abord falloir sérieusement augmenter les salaires dans pas mal de métiers car pour une bonne moitié du pays, une fois payé les incontournables il n’y a pas de quoi capitaliser. Les actifs actuels ne peuvent pas payer les retraites act...

à écrit le 04/02/2023 à 0:44
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Pour en remettre une couche, vu leurs poistions anterieures sur ce sujet, les Républicains sont suicidaires s'ils ne votent pas cette réforme. Et que va penser leur électorat si au fond ils sont d'accord avec ce que pensent la NUPES et ses acolytes....

le 04/02/2023 à 8:24
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Les Républicains doivent tenir compte de la volonté du peuple. Peu importe la position des LFI. Le peuple est souverain. C'est la base de la démocratie.

à écrit le 03/02/2023 à 20:31
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La France est déjà très divisée entre les catégories sociales supérieures et les classes populaires et moyennes, moyennes inférieures.Cette scission profonde va être aggravée par la réforme des retraites.

à écrit le 03/02/2023 à 19:52
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C'est quoi les Républicains? Les cendres du RPR, des dinosaures " has been".

à écrit le 03/02/2023 à 18:40
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Bonjour, La population est fort désappointé... Par l'hypocrisie de Mr Macron .. Et le scandale de cette réforme, injuste et totalement inéquitable, qui ne réglera absolument rien.. Ils est certain que tous les individus qui apporteront leur souti...

le 03/02/2023 à 19:52
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Je surveille le vote de mon député. Et je voterai en 2027 en fonction de la position des partis sur cette réforme. Ce sera pas pour Renaissance, c'est sûr.

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