Le Conseil constitutionnel juge que les salariés en arrêt de travail pour maladie n'acquièrent pas nécessairement de congés payés

OPINION. La décision du Conseil constitutionnel relative à l'acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie, qui a été rendue publique le 8 février, a déjà fait couler beaucoup d'encre. Par Bruno Serizay, Avocat Associé au cabinet Capstan.
(Crédits : DR)

La Cour de cassation a jugé, le 13 septembre 2023, que les articles L3141-3 et 5 du code du travail devaient être écartés et que les salariés en arrêt de travail pour maladie (professionnelle ou non) devaient acquérir des droits à congés payés, sans limitation de durée.

Le Conseil constitutionnel vient, lui, de juger ces articles conformes à la Constitution (QPC 2023-1079 du 8 février 2024) juge conforme à la Constitution.

Le Conseil juge que les articles en cause ne méconnaissent pas :

  • les deux dispositions à valeur constitutionnelle qui étaient invoquées pour soutenir l'inconstitutionnalité, à savoir le principe d'égalité et le droit au repos valeur constitutionnelle ;
  • et surtout d'une manière plus générale « le droit à la protection de la santé et tous autres droits et libertés protégés par la Constitution », ce qui signifie que la situation des salariés en arrêt de travail ne doit pas être appréciée restrictivement au regard de leur seul droit à congé, mais bien au regard de l'ensemble des mesures visant à protéger leur santé, au premier rang desquelles on trouve le très haut niveau de protection sociale dont bénéficient les salariés, en France.

Cette décision permet de soutenir que les salariés en arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle acquièrent des congés pendant une période de 1 an d'arrêt de travail ; les salariés en arrêt de travail pour une cause non professionnelle acquièrent des congés pendant une durée limitée à 4 semaines.

L'étendue du contrôle exercé par le Conseil confère à sa décision une portée de principe qui, conformément à l'article 62 de la Constitution, s'impose aux juridictions nationales.

Les juridictions ne devraient plus pouvoir écarter l'application de la loi française et continuer à se substituer au législateur national.

L'intervention d'une réforme n'est pas davantage justifiée, dès lors qu'il ressort clairement de la décision que la loi, ne méconnaissant pas le droit à la protection de la santé des travailleurs garanti par la Constitution, ne peut pas être jugée comme violant ce même droit au seul motif qu'il serait également défini par la Charte des droits fondamentaux ou la Directive du 4 novembre 2003.

Le débat sur la conformité de la Loi à la directive est réglé ; les articles du Code du travail réalisent la transposition effective et régulière de la Directive.

Le débat au regard de la Charte et de son interprétation par la CJUE est également tranché. Pour la Cour de justice, le droit au congé, qu'il soit apprécié à l'aune de la directive de 2003 (considérants 4 et 5), de la Charte des droits fondamentaux (art 37.1) concourt à la protection de la santé des travailleurs ; c'est ce qui résulte de sa jurisprudence, notamment lorsqu'elle juge que le droit au congé concourt au droit au repos et au loisir lesquels caractérisent un droit social essentiel de l'Union en ce qu'il participe à la protection de la santé des travailleurs ; §37 et 41 de l'arrêt du 6 novembre 2018, aff. C-569/16).

La CJUE, comme le Conseil constitutionnel, considère que le droit au congé est un droit essentiel de l'Union/ garanti par la Constitution en ce qu'il constitue un moyen de protéger la santé des travailleurs. L'objectif, pour la CJUE comme pour le Conseil, n'est pas le droit au congé, mais la protection de la santé tant physique par le repos que psychologique par les loisirs ; le droit au congé n'est qu'un moyen de garantir le droit à la santé.

En constatant que la règlementation française ne porte pas atteinte à la protection de la santé au regard des principes constitutionnels, la décision du Conseil donne une portée absolue à son constat. On ne pourrait en effet pas justifier que ladite règlementation ne porte pas atteinte à la santé au regard de la Constitution, mais porte atteinte au regard des normes européennes ; la santé ne dépend pas de la norme visant à sa garantie.

En décidant que la loi française ne méconnait pas le droit à la protection de la santé, l'appréciation du Conseil vaut quelle que soit l'origine de ce droit à la protection, donc y compris lorsque ce droit est organisé par la Charte des droits fondamentaux et la directive n° 2003/88 du4 novembre 2003.

Les conséquences économiques désastreuses des arrêts de la Cour de cassation sont donc a priori écartées, à moins que la Cour ne décide de continuer à se substituer au législateur, en violation de la décision du Conseil.

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Commentaires 5
à écrit le 19/02/2024 à 14:22
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Quel commentaire faible et faux! Une loi peut parfaitement être conforme à la Constitution et non conforme au droit européen. Ce sont deux normes différentes. Le Conseil constitutionnel ne vérifie que la conformité à la Consttitution et non la confo...

à écrit le 18/02/2024 à 7:29
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Bonjour

à écrit le 16/02/2024 à 13:36
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Si le conseil constitutionnel prévaut sur le droit européen, ceci ouvre la porte à tous les textes de lois. Y compris les textes sur l'immigration et pourtant elle a décidé le contraire en application du droit européen. Cette analyse est à mon sens m...

à écrit le 15/02/2024 à 22:13
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Me Serizay semble avoir oublié la jurisprudence IVG de 1975 du Conseil constitutionnel, ce dernier s'est lui-même déclaré incompétent pour juger de la conventionnalité d'une loi. Cette décision n'a donc aucune portée.

à écrit le 12/02/2024 à 17:43
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Si les salariés en congés payés obtiennent un arrêt de travail pour maladie, quel sera le problème ?

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