Le débat national sera stérile sans vraies décisions en faveur de la croissance et du pouvoir d'achat

OPINION. Si un référendum devait être organisé à l'issue du Grand débat national, si la volonté du président de la République est de réellement faire pencher la balance en France en direction d'une politique favorisant clairement la croissance et donc le pouvoir d'achat, cette consultation devra porter sur les règlements européens en matière de déficits publics ainsi que sur la modification de la cruciale mission de la Banque centrale européenne. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi, économiste.
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)

Le peuple français devra être appelé aux urnes pour donner un mandat à son gouvernement d'infléchir de manière déterminante sur les attributions de cette institution et ces 3% et 60% qui ne sont justifiés par aucun critère fondamental. Mais revenons aux sources de la construction européenne qui fut modelée, depuis le milieu des années 50, par l'opposition souvent frontale entre ordolibéralisme allemand et colbertisme (ou étatisme) français. Car mercantilisme et keynésianisme ont alternativement coloré l'élaboration des traités et conditionné les politiques de la Communauté européenne dans un premier temps, puis de l'Union.

Tandis que la France a une longue tradition sociale visant à protéger les plus démunis à travers la redistribution, l'ordolibéralisme allemand - théorisé et mis en application par Ludwig Erhard, ministre des Finances dès 1949 avant de devenir Chancelier en 1963 -, prône pour sa part la compétition à tous les niveaux.

Le traité de Maastricht, un compromis entre les deux principaux protagonistes de l'Europe

L'impulsion ordolibérale constamment mise en avant par l'Allemagne dans la construction européenne a donc souvent tenté de prendre le dessus, même si la France a fait de son mieux pour contrer ou pour modérer cette tendance naturelle des Allemands. Souvenons-nous à cet égard de l'intransigeance de Nicolas Sarkozy Président, opposé à mentionner en 2007 la « libre compétition » parmi les objectifs et priorités du traité de Lisbonne.

Le traité de Maastricht lui-même fut-il le résultat d'un compromis entre les deux principaux protagonistes de l'Europe, modelé toutefois afin de rassurer l'Allemagne ayant fait une concession majeure - l'abandon de son deutschemark - en échange d'une banque centrale indépendante qui serait basée à Francfort et dont l'objectif incontournable serait de maintenir un taux d'inflation bas.

Ce traité ne fut donc pas - et de loin - une victoire indiscutable pour l'Allemagne ordolibérale qui renonça ainsi à son joyau, non sans exiger en retour une orthodoxie comptable clairement quantifiable (les fameux critères des 3% et des 60%), promoteurs de responsabilité fiscale à l'attention des nouveaux arrivants apportant dans leurs bagages une monnaie endémiquement faible, couplée à un taux d'inflation souvent à deux chiffres. Les critères devaient donc imposer un cadre général - et des garde-fous - censés laisser libre cours à une concurrence et à une compétition libérées au sein même de l'Union monétaire.

Un référendum pour réviser les règlements européens en matière de déficits publics

À présent que la Grande Bretagne et que sa troisième voie néolibérale ayant toujours eu des difficultés à se faire entendre en Europe ne feront plus partie de l'Union, le dirigisme français et l'ordolibéralisme allemand seront livrés à eux-mêmes, et resterons donc face à face dans leurs tentatives de prendre le dessus sur la politique économique de l'Union. Profitons donc d'un référendum (suite au Grand débat national) qui, logiquement, donnera toute sa légitimité à un mandat accordé à notre président et à son gouvernement, afin d'exiger de l'Europe la suspension des critères sur les déficits et la modification des statuts de la BCE.

Sans vouloir être technique, il est tout à fait réaliste d'indexer ces critères sur les déficits publics sur la croissance économique de telle sorte à ce que les comptes doivent être ramenés en-deçà de certains niveaux seulement - et seulement quand - la croissance dépasse un certain palier. En économie, cela s'appelle une politique contracyclique. Quant à la BCE, elle se devra d'être modelée à l'image de la Réserve fédérale américaine (FED) dotée du fameux « dual mandate » mettant au même niveau dans sa mission la promotion de la croissance et la lutte contre l'inflation.

Que la clôture de ce Grand débat soit couronnée par les vraies impulsions qui - seules - ramèneront croissance et pouvoir d'achat : libération (au moins provisoire) du carcan des critères de Maastricht et leur indexation sur le taux de croissance, attribution à la Banque centrale européenne d'un rôle actif et lissant sur l'économie, comme dans cet autre pays qui s'en sort traditionnellement toujours mieux que nous et qui sont les États-Unis.

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L'AUTEUR

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier "Fauteuil 37", préfacé par Edgar Morin. 
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 9
à écrit le 28/02/2019 à 19:53
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Si chaque Français a perdu 56000 euro depuis le basculement de la monnaie en 2001 alors c’est à Bruxelles de faire des efforts avec la France . Jusqu’à présent la France a été désavantagée par rapport à l’Allemagne et aux Pays Bas Alors retour de ma...

à écrit le 28/02/2019 à 10:32
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Quand même monsieur Santi depuis le temps il serait temps de ne plus se faire avoir par les déclarations de politiciens devenus plus que simples exécutants des marchés financiers...

à écrit le 26/02/2019 à 20:20
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Pour une croissance ne faut il pas des emplois ? Qu’est ce que la France fabrique , produit et vend ? Tout est délocalisé L’innovation part s’installer ailleurs et produit ailleurs ( par contre les levées de fond et avantages c’est ici) Si M.Macron...

à écrit le 26/02/2019 à 3:29
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Sans argent, rien ne peut evoluer. L'etat est a sec, dixit fillon. Aujourd'hui le pays emprunte pour payer sa dette, et demain ? Plus d'industrie productive, de savoirs faires, et un manque criant de competences. Ce debat est un attrape nigauds. ...

à écrit le 25/02/2019 à 22:38
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Les français sont aussi demandeurs d'autre chose que des mesures budgétaires. Ils demandent une gouvernance politique qui soit plus proche, moins arrogante, plus "horizontale". Ce qui est demandé ce sont d'autres attitudes, d'autres façons d'êt...

à écrit le 25/02/2019 à 22:03
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Le minuscule débat est un truc pour les clowns, la politique de Macron ne fait que suivre les ordres de Bruxelles.

à écrit le 25/02/2019 à 21:46
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Article très brillant, mais manifestement, le respect de la syntaxe est le dernier souci de son auteur.

à écrit le 25/02/2019 à 18:57
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Je suis nul en économie c’est pour ça que je pose la question. Est ce que la BCE est le double virtuel de la FED ? Si oui pourquoi ne pas supprimer la BCE et placer la FED pour le monde entier ? Oui bien pourquoi pas fusionner les deux et créer une n...

à écrit le 25/02/2019 à 16:27
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Cela se résume ainsi : "La lettre de Macron proposait des questions mais en avait il les réponses?" Cela ne risque pas de nous mettre en confiance!

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