Le dégoût européen

OPINION. Crise grecque, crise économique, Brexit... L'Europe ne fait plus rêver et ne donne plus envie. Pire, elle inspire la méfiance à l'égard des élites, des experts, du système électoral, menaçant les fondements de la démocratie. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi, économiste.
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)

Le Brexit aurait pu être un simple divorce entre le Royaume-Uni et l'Europe, mais l'escalade entre le Parlement britannique et l'Union européenne est en passe de transformer cette séparation en un événement qui aura une portée fondamentale bien plus profonde.

Car le Brexit n'aura pas seulement une portée géopolitique majeure dans l'Histoire moderne. En effet, après le « non » français en 2005 à la Constitution européenne, néanmoins avalisée en douce et quasi subrepticement par Nicolas Sarkozy - après les élections législatives grecques de 2015 ayant reconduit au pouvoir Aléxis Tsípras qui a immédiatement adopté des mesures diamétralement opposées à ses engagements formulés lors de sa campagne électorale -, le pourrissement du Brexit (que l'on soit pour ou contre) démontre que notre système démocratique occidental est désormais grippé.

Un rejet des élites

Par-delà le cas britannique, cette désaffection contamine les institutions démocratiques, les médias, les décideurs : bref, cette défiance vis-à-vis de ceux que l'on nomme élites et experts est grave, et appelée à durer. Par delà la tragi-comédie britannique, c'est l'ensemble des partis traditionnels qui sont dorénavant perçus comme corrompus, préoccupés par leurs seuls intérêts, et ce n'est pas l'organisation d'un second référendum sur le Brexit (quelle qu'en soit l'issue d'ailleurs) qui assainira cette vision très pessimiste de leurs dirigeants - de ceux d'en haut - que s'en fait une part toujours plus importante des administrés.

Après le commencement de la fin d'une démocratie européenne principalement dirigée par deux partis alternant au pouvoir initié en France par l'élection d'Emmanuel Macron (qui en était simplement l'épiphénomène), après l'Italie qui a basculé dans l'inconnu démagogique, après l'Allemagne elle-même qui regarde avec effarement le nivellement de ses partis traditionnels modérés, une majorité de plus en plus importante de citoyens européens ne se reconnaît plus non seulement dans les partis traditionnels - ce qui est une évidence -, mais ne croit carrément plus en la viabilité du système électoral qui lui a été confisqué.

Une crise de confiance bien établie

La confiance - cet ingrédient fondamental à la base même de la démocratie, de l'économie, de la finance, en somme de la coexistence -, a aujourd'hui disparu, et pour de bon : entre pays européens, mais également à l'intérieur même de chaque nation. La dérive européenne est donc parachevée : la Grande-Bretagne se tournera ainsi vers le reste du monde, quand l'Italie regarde en direction de la Chine, la Pologne en direction des États-Unis, la France de plus en plus vers les pays du Golfe, l'Allemagne vers ses propres intérêts commerciaux, etc.

En finalité, le maintien (possible) ou non de la Grande-Bretagne dans l'Union ne changera rien car l'Europe ne fait plus rêver, l'Europe ne donne plus envie. Il y a un prix à payer à forcer ainsi la main à des générations de citoyens : tant le Royaume-Uni que l'Union européenne le découvriront très prochainement.

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L'AUTEUR

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier "Fauteuil 37", préfacé par Edgar Morin. 
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 24
à écrit le 15/05/2019 à 14:36
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C'est si simple d'être négatif et de dire que tout fout le camp. Le dégoût européen ? Un bon titre racoleur. Non, il s'agit du dégout des élites. L'Europe étant une construction complexe par nature (fédérer 27 pays,c 'est compliqué...), elle est an...

à écrit le 14/05/2019 à 8:00
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"néanmoins avalisée en douce et quasi subrepticement par Nicolas Sarkozy" En douce et subrepticement ? A moins d'être sourd et autiste, il était impossible d'ignorer les intentions de Sarkozy en la matière car il les avait annoncées très expliciteme...

le 14/05/2019 à 9:02
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Pour ce qui est de la Grèce, elle EST tiers-mondialisée par la toute puissance de la Troika. Renseignez-vous. En plus d'avoir subi une invasion en ayant toutes ces infrastructures stratégiques occupées par des puissances étrangères, Allemagne et Chin...

le 14/05/2019 à 9:34
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Sarkozy comme candidat a la presidentielle n a pas fait campagne sur la ratification du traité. C etait probablement dans ses documents de campagne mais il n a pas mit l accent dessus. Combien de promesses ecrite dans ses prospectus ont ete realisé u...

le 14/05/2019 à 16:15
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@@bruno_bd : http://www1.rfi.fr/actufr/articles/088/article_51166.asp on y lit clairement à la rubrique "Politique étrangère et défense :" ● Adopter un nouveau traité européen simplifié par voie parlementaire Rien de caché et ça a été dit très cla...

à écrit le 14/05/2019 à 7:45
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Juste une courte énumération de points communs des partis anti européens.... l'auteur ne trouve aucun bénéfices à tout ce qui a été fait depuis soixante ans et ne propose rien ....pour un économiste, il ne parle ni du bouclier de l'Euro ( faible infl...

le 14/05/2019 à 9:09
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"le bouclier de l'Euro" ? C'est du troll j'espère. Le problème de l'absence d'inflation est du à l'absence de croissance réelle que meme la politique monétaire ne compense pas. L'Euro a sabordé toutes les économies du Sud, France inclue. Les bénéfic...

le 14/05/2019 à 9:39
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On n'a jamais dit qu'il fallait que tout continue pareil, mais c'est le rôle de la CE et du parlement Européen de faire évoluer les choses. Plutôt que de caser des institutions qui existent et qui fonctionnent, et se retrouver sans rien et seul, o...

le 14/05/2019 à 13:08
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Le désarroi des Britanniques ? Que ce soit la bourse, les salaires, l'activité, tout augmente depuis 6 mois alors qu'ils étaient voués aux gémonies en actant le Brexit. S'ils n'arrivent pas a appliquer la décision c'est parce que de nombreuses forces...

le 14/05/2019 à 19:25
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Réponse à Kwel "Je suis d'accord avec vous il serait mieux de changer l'UE que tout casser...." Beh alors, si vous êtes pas d’accord avec certaines lignes passées ou la situation actuelle, rien ne vous empêche de voter pour un parti qui respecte le...

le 14/05/2019 à 19:55
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On peut souhaiter que l'UE change, on peut aussi souhaiter la fin des guerres, des maladies et des famines... Ce sont des voeux pieux. Cela fait 40 ans que sur les affiches de campagne des élections européennes est inscrit "pour changer l'Europe", "p...

à écrit le 13/05/2019 à 21:11
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C'est un article complètement démagogique et biaisé. Oui , il y a une défiance forte envers les élites, mais la vague populiste qui a déferlé sur le monde a commencé par les USA, est passé par le Brésil, l'Ukraine, l'Inde etc... Or là pour l'auteur,...

le 14/05/2019 à 8:00
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La vague dite populiste est une conséquence et elle résonne comme a son habitude avec retard sur le continent européen, ce n'est qu'une relocalisation de souveraineté!

le 14/05/2019 à 9:36
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un brexit raté va etre une mauvaise chose pour l UE. Vous allez voir le spectacle avec Farage et ses copains au parlement europeen …. En plus ca donne l impression que l UE ets une prison dont on ne peut sortir … ca fait envie non ?

le 14/05/2019 à 16:21
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De toutes façons il faut être réaliste, le brexit ne PEUT être réussi. Tout est dans la gradation du ratage. Le moindre mal pour le Royaume-Uni aurait été un statut à la norvégienne, aussi coûteux en termes de contribution nette au budget européen m...

le 15/05/2019 à 13:12
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@cd "Vous allez voir le spectacle avec Farage et ses copains au parlement européen …." Je ne sais pas si vous êtes au courant mais ça fait quasiment 20 ans que Mr Farage est député européen. Sinon un brexit raté sera plutôt à regarder du côté de leu...

à écrit le 13/05/2019 à 19:08
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L’Europe est une très belle idée. L’Union européenne est un diktat qui ne dit pas son nom. Les peuples des pays composant l’Union le voient de jour en jour. Le Brexit est, selon moi, la première étape d’un démantèlement de cet ensemble. Les Alleman...

le 14/05/2019 à 6:46
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L'Allemagne n'est pas en mesure de dicter quoique ce soit. Le marche chinois se ferme a ses exportations, et les potentiels clients europeens n'ont plus les moyens de leurs ambitions. (Voir Thyssengroup) Le Brexit va definitivement congeler les th...

à écrit le 13/05/2019 à 18:50
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Encore un de ces articles mal orientés, qui se plaignent que les peuples se détournent d'une bien vite nommée élite qui n'a travaillé que pour elle ! Et redoutent la fin de la démocratie ! Mais c'est plutôt la reprise de la démocratie si les peuples ...

à écrit le 13/05/2019 à 18:15
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Les "traités signés" non jamais étaient une demande des peuples européens, mais simplement une procédure "d'acceptation" a posteriori, ce qui c'est révélé un échec total! L’abandon de celle-ci, car trop visible, n'a fait que mettre le doute sur cett...

à écrit le 13/05/2019 à 17:54
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Le choix est difficile car ça concerne beaucoup de pays. Ensuite le rejet vient surtout des mensonges des parties politiques tout confondu , pendant des décennies, les politiques ont fait croire à de belles choses En fait c’est la désillusion qui fai...

à écrit le 13/05/2019 à 17:15
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Titre particulièrement courageux mais révélateur d'un état des lieux que l'on commence enfin à entendre et voir un peu partout plutôt que l'européisme béat dont on ne peut que subir les dégâts actuels. Pire on dirait même qu'il n'y a que les LREM...

le 13/05/2019 à 18:24
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La paix, c'est sûr ? Dans le passé on a été en guerre avec des voisins assez régulièrement, pas de raison que ça ne revienne pas une fois les pays redevenus tous isolés avec leurs frontières closes. En quoi après ne serait pas comme avant ? Les gens ...

le 14/05/2019 à 16:22
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"pas de raison que ça ne revienne pas une fois les pays redevenus tous isolés avec leurs frontières closes" L'évolution de la mentalité populaire, internet qui fait parler de plus en plus souvent les gens entre eux "par delà les nations", la supr...

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