Le développement durable révolutionne-t-il la relation entre l'entreprise et son écosystème financier ?

OPINION. Depuis quelques années, le développement durable entre de plain-pied dans la stratégie des entreprises. La crise du Covid-19 a clairement montré aux investisseurs, et plus largement à l'ensemble de la communauté financière, qu'un traitement solide et au bon niveau de la question par les directions générales était garant d'une meilleure résilience de l'entreprise, voire d'une meilleure performance. Par Sylvain Lambert, Associé coresponsable du département développement durable chez PwC France et Maghreb.
(Crédits : DR)

Dans leurs études européennes, américaines et asiatiques, les grands gestionnaires d'actifs, des banques et des analystes confirment cette tendance de fond. La multiplication des événements dédiés au développement durable ou aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) organisés par les entreprises cotées à l'attention des investisseurs en est un autre révélateur important. Entre 2021 et 2022, ces événements pourraient être multipliés par trois ou quatre.

Le développement durable conditionne déjà l'accès au financement

Au-delà de ces tendances, les régulateurs, notamment américains et européens, donnent une direction précise avec des textes comme la taxonomie intégrée au plan d'action de la Commission européenne sur la finance durable. L'objectif est clair : orienter peu à peu les investissements vers des activités reconnues comme durables.

Le développement durable devient dès lors un élément majeur de dialogue d'une entreprise avec l'ensemble de ses partenaires financiers, des banquiers aux assureurs en passant bien entendu par les investisseurs. La manière dont l'entreprise prend en compte ces enjeux conditionne d'ores et déjà le prix de l'argent. À terme, ignorer cette question pourrait même diminuer la capacité d'une entreprise à se financer.

Dans le monde, la convergence prévisible des cadres normatifs et réglementaires

Au niveau mondial, un mouvement de fond a démarré, entre réglementations et normalisations. Un exemple récent est le lancement par la Fondation IFRS de l'International Sustainability Standard Board (ISSB), dont le Président est Emmanuel Faber, l'ancien dirigeant de Danone. L'utilisation stratégique de l'information ESG et son lien de plus en plus fort avec la lecture que l'on aura de la performance de l'entreprise conduisent à une nette professionnalisation de sa production et de son contrôle.

En quelques années, il faut s'attendre à franchir un cap en termes de maturité. Nous passerons d'une situation de foisonnement de référentiels, normes privées et méthodologies d'évaluation spécifiques à chaque évaluateur, à l'utilisation d'un ou quelques cadres normatifs et réglementaires portés par les autorités publiques ou celles en charge du contrôle des marchés. L'objectif est simple : les informations en matière de développement durable doivent rejoindre le niveau de qualité, de fiabilité et de comparabilité des données financières.

De nombreuses implications pour les processus et l'organisation des entreprises

Dans les entreprises, ces évolutions impacteront tant les systèmes de gestion que les structures de contrôle interne et externe. D'un sujet anecdotique et peu suivi, le développement durable est devenu aujourd'hui une composante majeure de la performance, qui finira par ne plus distinguer financier et extra-financier. Une seule notion de performance existera, celle de performance globale.

Ces transformations amènent de plus en plus de directions financières à monter en puissance sur ces questions. Certains évoquent même la possibilité de transformer le Chief Financial Officers (CFO) en Chief Performance Officer (CPO). Il est très clair qu'aujourd'hui, et encore plus demain, ne pas être capable d'articuler un discours solide en matière de durabilité avec son écosystème financier sera pénalisant.

Évaluer la performance de l'entreprise à l'aune de ses impacts en matière de durabilité

Mais attention, le storytelling et le déclaratif ne suffisent pas et il n'y a plus aucune tolérance pour le greenwashing. Le niveau de jeu global de l'ensemble des acteurs a fortement évolué. Se pose alors la question de savoir comment distinguer une intégration réelle du développement durable dans la stratégie d'un effet d'annonce opportun. Trois éléments essentiels sont au cœur des analyses : l'implication personnelle forte et constante du dirigeant ; le traitement des sujets les plus matériels de l'entreprise ; et une gouvernance associée au plan tant organisationnel que des moyens alloués.

Stratégie, messages, preuves tangibles, reporting de durabilité : dans ces transformations, c'est la question du rôle de l'entreprise qui se pose. La simple lecture des raisons d'être que se donnent de plus en plus d'entreprises apporte un premier élément d'analyse : l'entreprise devient un acteur sociétal majeur dont l'activité et la performance doivent se lire à l'aune de ses impacts en matière de durabilité. C'est clairement ce que commencent à montrer dès aujourd'hui l'évolution des échanges entreprises - écosystème financier.

Il n'y aura pas d'entreprise qui gagne dans un monde qui perd.

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Commentaire 1
à écrit le 01/04/2022 à 10:08
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Le grand principe de l'économie durable est l'abandon de "la politique de l'offre" et de ses éternelles publicités! Voilà qui risque ne pas être au goût des multinationales et donc de l'UE!

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