« Le pogrom tranquille »

OPINION. Par Florian Bachelier, président de la France unie, ancien député (LREM)
(Crédits : DR)

 Nous sommes en France. En 2023. Et nos fonctionnaires de police doivent protéger nos professeurs et nos compatriotes juifs. Se poster devant nos écoles et nos synagogues. Cela devrait suffire à saisir tout responsable politique, tout journaliste, tout citoyen, tout parent.

Mais en France, en 2023, des étoiles de David minutieusement pochées réapparaissent sur certaines maisons tandis que les médias sociaux charrient plus que jamais, en algorithmes rétrécissant, haines, amnésies et incultures. Des irresponsables politiques y déclinent leurs stratégies mortifères espérant un chaos plus favorable que les urnes. «Il existe une sorte d'homme toujours en avance sur ses excréments », écrivait René Char qui ne connaissait pourtant pas Twitter.

Dans l'espace public, journalistes - non lus - et responsables politiques - non crus - passent leurs journées à commenter la dernière provocation de l'un des éphémères séides de M. Mélenchon. Moins d'un mois après l'infâme pogrom du 7 octobre, où des dizaines d'enfants ont été décapités chez eux à la binette parce que juifs, et alors que M. Mélenchon n'a eu de cesse que de multiplier les provocations nauséeuses, l'Ifop nous informe que ce dernier reste crédité de 18% d'opinions favorables. 18%, c'est le score qu'il faut pour atteindre le second tour de l'élection présidentielle.

Ce n'est pas un énième dérapage, c'est une stratégie. Elle est contraire à toute l'histoire de la gauche et de l'humanisme, mais c'est la stratégie du désormais hologramme de M. Le Pen. Quoi qu'il en coûte. Avec pour volonté de piéger deux « clientèles » électorales, les jeunes musulmans, qu'il veut assimiler aux islamistes, et les petits-bourgeois des métropoles, qui veulent s'encanailler en jouant à la révolution bon marché. C'est la gauche Rivarol, celle qui tente la performance de faire converger les flutes antisémites, queers, anticapitalistes, échotiers du Monde, comiques de France Inter et amoureux du prêt à penser du moment.

Il y aurait tant à dire également sur le déshonneur des élus du parti de Jean Jaurès, de Léon Blum, de Pierre Mendes France, de François Mitterrand, de Robert Badinter qui ont accepté de se soumettre en 2022 à M. Mélenchon. Pour une poignée de sièges fantoches et de mairies décrépites.

Mais en écrivant ces dernières lignes, je commets moi-même l'erreur que je dénonce. Je perds du temps à commenter du microcosmique plutôt que de proposer des solutions au débat public. Et cela nourrit l'idée partagée par l'immense majorité des Français que les politiques sont déconnectés de leurs véritables préoccupations quotidiennes. Raison d'ailleurs pour laquelle ils ne lisent probablement plus ces lignes.

Cette erreur nous l'avons, au demeurant, déjà commise il y plus 20 ans avec M. Le Pen. Avec les résultats que nous connaissons. En réagissant à leurs provocations, nous leur offrons à la fois attention et brevet d'antisystème. Et nous rendons tabous certains sujets. «Un homme, ça s'empêche», disait Camus. Et c'est une discipline que le moment présent impose aux responsables politiques, aux journalistes, aux citoyens et aux parents.

La seule question, en réalité, qui devrait collectivement tous nous animer - peu importent nos sensibilités politique, religieuse ou culturelle - porte sur le point de comprendre comment un gamin, recueilli par la France à 11 ans, bénéficiant pendant neuf années de nos écoles de la République, décide, à 20 ans, d'égorger, au nom d'un Dieu qu'il ne connaît pas, un professeur d'Histoire. Pourquoi et comment n'avons-nous pas réussi à l'intégrer, le soigner, le réaligner ou le faire partir ? Pourquoi ne nous a-t-il pas aimé ?

La seule vraie question, c'est comment nous en sommes ensemble arrivés là. Une question non pas pour dresser une énième liste de coupables, non, une question pour prendre conscience d'un mal qui nous ronge et surtout pour imaginer et bâtir un projet qui nous hisse à nouveau, qui nous rend collectivement plus grands.

Cette question en rejoint une autre qui touche à l'intimité de notre humanité : la façon dont nous réagissons aujourd'hui à l'horreur absolue. Les mots ne suffisent plus, disait Richard Malka. Et c'est vrai qu'après la sidération et la peur, c'est la colère qui prend le pas. Les tweets, les bougies et les larmes en viennent presque à alimenter ce sentiment.

De cette fosse putride, nous pouvons en sortir à deux conditions. La première, c'est la restauration clairement assumée de l'autorité républicaine. Nous ne devons transiger en rien avec les grands principes qui nous font et qui sont le lien qui tient unie notre communauté nationale. Retrouver les fondamentaux, quitter les fondamentalistes. Ça signifie également en parallèle qu'il n'est pas possible pour l'État de s'affranchir des règles de droit. Les renégocier, oui. Les contourner, jamais.

La seconde, c'est l'espérance. Quel est le projet de civilisation qui permettra de retrouver à la fois du sens et le goût de la concorde ? Le chemin que nous aurions envie d'emprunter ensemble. Aujourd'hui, nos générations ont devant elles un énorme défi : la protection de notre planète, notre maison commune. C'est aussi une immense opportunité. Celle de nous réinterroger sur la façon dont on se soigne, on se nourrit, on se protège et on protège la communauté, on aime, on coopère, on se loge, on apprend, on se cultive, on se déplace, on produit, on consomme, on joue, on travaille, on vote, on s'organise, on accompagne les plus fragiles, on transmet, bref on vit.

Vous en connaissez, vous, une transcendance plus grande ? Cessons donc de perdre du temps à commenter des tweets, redonnons-nous un cap ambitieux et relevons-nous les manches. À nous de décider ce que nous voulons faire ensemble. Concentrons-nous sur l'école, la protection de la planète et la sécurité globale. Travaillons sur la restauration d'un service national, la réforme de l'État et des collectivités locales, le logement, la santé, le service public de la petite enfance du handicap et du grand âge. Il y a tant à dire, mais tant à faire surtout.

Réveillons-nous. Pour nos enfants.

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Commentaires 2
à écrit le 11/11/2023 à 9:32
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C'est toujours en moment de détresse que les conflits surviennent, car ils nous imposent des choix à faire ! Mais... le "Pouvoir" en font sans consultation et donc sans apaisement !

à écrit le 11/11/2023 à 9:20
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"Tout est bruit pour celui qui a peur" Sophocle.

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