Le réseau de communication n'est pas au niveau !

OPINION. La multiplication des risques climatiques a montré le risque de la dépendance aux réseaux publics de communication, au risque de voir s'installer une inégalité de plus entre villes et campagnes. Par Thierry Braconnier, ancien maire-adjoint de Châtillon et ancien conseiller territorial, PDG d'Halys (*)
(Crédits : DR)

Au-delà des inconvénients pour les utilisateurs, la fragilité des réseaux de communication illustre un manque de préparation aux accidents et aléas qui met en péril l'efficacité des services régaliens, notamment de secours.

Si chacun d'entre nous a pu apprécier les désagréments que peuvent occasionner une panne d'internet ou du réseau téléphonique, l'enjeu est bien plus important pour les institutions publiques. Quand les crises, notamment climatiques, se multiplient et ont des effets de plus en plus graves sur les infrastructures, la capacité de coordination et de réponse des services publics est, notamment durant les premières heures, cruciale. Aujourd'hui, l'état de ces réseaux ne peut pas systématiquement assurer que les services de secours puissent intervenir dans de bonnes conditions, au détriment des populations.

En pratique nous assistons, paradoxalement, à un renforcement de la fracture technologique entre les Français. Si de plus en plus de services dépendent d'un accès au réseau, l'accessibilité de celui-ci est drastiquement différente entre le citoyen des grandes villes et celui du reste de la France, au risque de voir s'aggraver une réelle rupture d'égalité devant la protection publique. Au-delà du seul accès à internet aux communications téléphoniques, une panne aujourd'hui signifie bien plus pour les services de secours : plus d'accès aux données cartographiques, plus d'accès aux adresses des habitants, plus de capacité à coordonner les interventions...

Seuls, isolés au milieu des réseaux

Les nombreuses tempêtes qui ont touché ces derniers mois la Bretagne, Ciarán encore récemment, ont permis de rappeler, comme régulièrement en France et ailleurs, la fragilité du réseau devant des évènements extraordinaires. Si notre infrastructure de communication peut parfaitement répondre aux demandes quotidiennes, avec parfois des ralentissements, les catastrophes naturelles, inondations et tempêtes en tête, peuvent en quelques heures réduire à zéro les capacités de communication. Si l'infrastructure est privée d'électricité, aucune solution de repli n'est possible en l'état.

C'est à ces enjeux que peuvent répondre notamment les réseaux privés, réseaux indépendants des infrastructures publiques, en soutien des réseaux publics. En pratique si une antenne est coupée de l'alimentation électrique (inondation, vents violents etc.), un réseau privé de soutien, avec une antenne mobile, peut permettre de maintenir les réseaux de communication entre les différents acteurs, et particulièrement les services de secours.

Si l'initiative Réseau Radio du Futur s'inscrit dans ce principe, la dépendance aux antennes publiques invite fortement à le renforcer par un maillage de réseau privés locaux. Il s'agit ici d'assurer que chaque citoyen, quel que soit son lieu de résidence, puisse avoir accès au même degré de qualité de service public. De manière plus prosaïque il s'agit d'assurer que l'habitant d'un village puisse être secouru en cas de danger aussi bien, et aussi vite, qu'un habitant de la capitale.

De la précaution comme acteur du lien social

Peut-on cependant justifier d'un tel dispositif qui n'aurait de valeur qu'en cas d'évènements extraordinaires ? L'argument éthique et la récurrence des phénomènes climatiques me poussent à dire oui, mais il n'est pas le seul. Au-delà des catastrophes d'ampleur, le réseau privé, local, est aussi un outil qui permet de recréer du lien dans les communes, de renforcer les échanges entre les services publics et les administrés. Les communes sont en pratique les premiers interlocuteurs des citoyens et le maire en particulier dans de très nombreux cas. En proposant un premier niveau de communication sécurisé entre administrés et mairie, nous rassurons d'une part les citoyens, mais nous remettons également l'échange, la responsabilité, au cœur de la relation entre citoyen et État.

Les services publics se doivent d'offrir cette résilience, cette protection des citoyens qui est au cœur du contrat social : si le réseau public ne peut pas l'assurer, les réseaux privés de la mairie, de la communauté de commune, de l'agglomération, du département, de la région, localement, peuvent être une solution. Au même titre qu'un groupe électrogène de secours dans un hôpital, disposer d'un moyen de communication autonome en cas de non-disponibilité des réseaux publics est une nécessité.

Que ce soit pour répondre aux enjeux de l'ordinaire comme de l'extra-ordinaire, il est peut-être temps que les villages, les communes, les villes, puissent reprendre en partie la main sur leurs réseaux de communication, et plus largement sur leur rapport direct aux administrés.

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(*) Thierry Braconnier est Président Directeur Général d'Halys depuis 2018. Il a été Directeur Administratif du Groupe Dassault entre 1997 et 2000 puis Secrétaire Général de Dassault Multimédia. Il a également occupé des fonctions électives en tant que Conseiller Territorial Vallée Sud Grand Paris de 2014 à 2020 ainsi que Maire Adjoint à la Culture, au Patrimoine, aux Associations et à la sécurité durant la même période au sein de la Mairie de Châtillon.

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Commentaires 2
à écrit le 28/05/2024 à 14:27
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Quand on parle communication: la voix ferré, la route, les ponts sans parler des canalisations et de l'électricité on bien plus d'importance que cette virtualisation !

à écrit le 28/05/2024 à 13:10
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La privatisation a d'bord démontré qu'elle ne fonctionnait pas. En tout cas pas mieux que le public mais certainement que plus de riches en profitent et c'est pour ça que cette énième médiocrité reste là.

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