Le temps d’un urbanisme commercial concerté est venu !

TRIBUNE. A quelques semaines des élections municipales, l’abandon du projet d’Europacity, la contestation face au projet du village de marque de Fontarrabie ou le projet « open sky » à Rennes…illustrent les nouveaux paradigmes territoriaux auxquels sont aujourd’hui confrontés nos élus. Par Brice Soccol, conseiller en développement territorial et président de l’agence Public Private Link(*).
Brice Soccol est conseiller en développement territorial et président de l’agence Public Private.
Brice Soccol est conseiller en développement territorial et président de l’agence Public Private. (Crédits : DR)

A l'opposition passée entre centre et périphérie de la semble s'être superposée celle du territorial et du digital. Dans le même temps, la protestation sociale des derniers mois, - que ce soit celle des Gilets jaunes ou celles des militants de la planète -, s'est cristallisée autour des échecs de l'aménagement territorial (distance des services publics, dévitalisation des centres-villes, etc.), du besoin d'une meilleure protection de l'environnement et d'un plus grand respect des habitants. La pression monte et l'urbanisme commercial est souvent au centre de batailles épiques ! Le temps est venu des réflexions concertées

Jusqu'à présent, les élus locaux, parfois sous la pression d'opérateurs immobiliers, ou pour créer ou sauvegarder des emplois, considéraient que l'urbanisme commercial était une variable d'ajustement de l'aménagement territorial. Aujourd'hui, plus que jamais, il devrait être mis à son service. Pourquoi ? Parce que le commerce, qui n'avait pas vraiment changé depuis 30 ans, connaît une révolution, qui s'exprime par l'émergence de désirs et de comportements paradoxaux : par exemple le consommateur achète de plus en plus de produits sur internet, tout en souhaitant une plus grande proximité.

Pour un nouveau contrat territorial

Répondre à ces injonctions contradictoires exigera de la part des pouvoirs publics comme des opérateurs privés de révolutionner leur stratégie territoriale. Une première réponse a été apportée avec le Plan Action Cœur de Ville, en faveur de la revitalisation du cœur des villes moyennes, puis les opérations de revitalisation des territoires (ORT), créée par la loi ÉLAN. Mais il faut aller plus loin désormais ! L'ensemble des échelons territoriaux doit être mobilisé. Pour cela, il faut associer plus étroitement les différents pouvoirs locaux, Régions, intercommunalités, Communes et leurs outils de planification territoriale (SRADDET, SCOT, PLU, PLUI...). Mieux articuler les différents niveaux de territoire, comme cela se fait en Allemagne, dans le cadre d'une planification très décentralisée.

Face à ces défis, les pouvoirs publics doivent aussi s'adapter en prenant en compte les exigences nouvelles des citoyens, la consommation responsable, la qualité des produits ou l'empreinte carbone... Ils doivent désormais favoriser la conscience des enjeux du développement durable (la limitation de l'étalement urbain, le respect de la biodiversité, l'intermodalité...). J'en appelle à une nouvelle méthode pour un nouveau contrat territorial au sein duquel se trouve une concertation publique /privée ou cet « urbanisme négocié » que pratiquent les Pays Bas en matière d'implantation d'équipements commerciaux.

Une logique de long-terme

Aux côtés de l'Etat et des collectivités locales, les opérateurs privés doivent eux aussi prendre leur part et prendre en compte tous les paramètres du territoire concerné. A l'avenir, ils devront construire un partenariat de projet, favoriser les investissements patrimoniaux durables ; le tout dans une logique de long-terme. Un pari gagnant réalisé, par exemple, à Grenoble, ville dirigée par un élu Vert : le projet de restructuration du centre commercial « Grand'Place » a été accompagné d'une refonte importante des espaces publics portés par la Métropole de Grenoble avec les deux communes, Grenoble et surtout Echirolles.

Cette nouvelle politique partenariale fonctionne et devra s'inscrire tout d'abord au cœur des villes, afin de combattre l'exclusion sociale, créer de l'emploi et de la valeur favoriser l'accès à la culture et s'adapter aux nouveaux usages du numérique. Elle est déjà à l'œuvre au sein des nouvelles proximités, localisée dans des lieux de passages, comme au sein des grandes gares européennes.

Ce nouveau modèle commercial sera plus axé sur le renouvellement que sur le développement urbain, sur la reconversion des friches commerciales que sur l'étalement urbain. C'est ainsi que ces grands ensembles pourront devenir de véritables locomotives de revitalisation des centres-villes et des périphéries.

Une hybridation des services et des usages

Enfin, les nouveaux grands projets extra périphériques seront plus complexes, mais aussi mieux adaptés et plus pertinents. Ils demanderont une plus longue concertation avec l'ensemble des partie prenantes, citoyens, usagers, collectifs...Cette complexité se traduira par une hybridation des services et des usages, en associant des services marchands et non-marchands comme les services publics, des espaces culturels et sportifs, des activités ludiques, touristiques, du logement et de l'hôtellerie ; des ensembles commerciaux répondant par ailleurs aux nouvelles exigences environnementales et architecturales.

Si les pouvoirs publics et les opérateurs privés vont dans le sens d'un urbanisme commercial partagé, il n'y aura plus lieu d'opposer le commerce au développement territorial ; mais bien au contraire, chacun constituera une dynamique pour l'autre. Le citoyen, le consommateur et l'habitant, si souvent placés dans une situation conflictuelle, pourront enfin être réunis harmonieusement en une seule et même personne.

Sans cela, il n'y aura ni développement territorial cohérent, ni urbanisme commercial apaisé.

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 (*) Public Private Link est une agence de développement des entreprises françaises, en Europe et à l'international.

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Commentaires 4
à écrit le 17/02/2020 à 15:51
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et pas d'urbanisme du tout (moratoire de 10 ans) ça ne vous viendrait pas à l'idée ?

à écrit le 17/02/2020 à 13:14
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Il fut un temps où l'on nous faisait rêver avec les sciences fictions maintenant on veut nous les imposer!

à écrit le 17/02/2020 à 13:11
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On configure "la fin" et on reforme "les moyens" pour y parvenir mais on n'adapte pas ce qui est nécessaire, cela rappelle la construction européenne a la sauce bruxelloise!

à écrit le 17/02/2020 à 8:37
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Élus par défaut, âgés, sans imagination se laissant conseiller par des hommes d'affaires ou des hommes d’État générant des projets inadaptés aux régions mais surtout aux citoyens de ces régions. Je suis d'accord avec vous il est urgent d’arrêter ...

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