Le vrai du faux de la blockchain

La "Blockchain", qui est en train de s'imposer comme une technologie d'avenir popularisée par la crypto-monnaie Bitcoin, a généré nombre de fantasmes et de contresens, notamment sur la toile. Qu'en est-il vraiment? Par Sébastien Bourguignon, directeur conseil et influenceur Digital au sein du cabinet de conseil Margo.
On parle souvent, de manière générique, de « LA » blockchain. Mais la réalité est qu'il existe actuellement des centaines de « technologies blockchains ». Certaines dérivées du code même de Bitcoin (photo) ou d'Ethereum, les deux majeures, et d'autres créées totalement de zéro.
On parle souvent, de manière générique, de « LA » blockchain. Mais la réalité est qu'il existe actuellement des centaines de « technologies blockchains ». Certaines dérivées du code même de Bitcoin (photo) ou d'Ethereum, les deux majeures, et d'autres créées totalement de zéro. (Crédits : Reuters)

On entend un peu tout et son contraire à propos de la technologie blockchain. Encore mal comprise, elle génère en effet actuellement autant de fantasmes que de de contre-vérités, notamment véhiculées par la littérature florissante à ce sujet sur la toile. L'occasion de faire le point sur 10 affirmations dont fait aujourd'hui souvent l'objet cette nouvelle technologie et d'en décrypter, ainsi, le vrai du faux !

  • Toutes les blockchains fonctionnent de la même manière : FAUX

On parle souvent, de manière générique, de « LA » blockchain. Mais la réalité est qu'il existe actuellement des centaines de « technologies blockchains ». Certaines dérivées du code même de Bitcoin ou d'Ethereum, les deux majeures, et d'autres créées totalement de zéro. Il est donc essentiel, lorsque l'on évoque la blockchain, de préciser sa nature, toutes ne disposant pas des mêmes spécificités, ni fonctionnalités. Par exemple, la possibilité d'exécuter des « smarts contracts », fonctionnalité révolutionnaire de la blockchain, a été introduite par Ethereum, développée par de nombreuses autres, mais est indisponible sur Bitcoin.

  • La blockchain fait disparaître tous les intermédiaires (comme les avocats, les banques ou les notaires) : FAUX

La blockchain a le pouvoir de faire disparaître de nombreux intermédiaires dans de nombreux secteurs d'activité. Mais elle ne règle, en aucun cas, le problème des tiers de confiance choisis pour leur valeur certifiante afin de garantir l'enregistrement d'une information véridique et vérifiée. Par exemple, si le notaire sert à valider la transaction d'achat/vente entre deux individus, cette transaction humaine peut effectivement être remplacée par une transaction blockchain, mais les informations liées au bien (certificat de propriété, diagnostics, documents annexes liés au bien...) devront, quant à elles, toujours être certifiées par le professionnel. A l'inverse, la blockchain permet bel et bien de raccourcir de manière significative la chaîne de valeur dans des activités pour lesquelles les intermédiaires sont souvent très nombreux, comme c'est le cas de la publicité programmatique où elle permet de clairement diminuer le nombre d'acteurs au triptyque annonceurs, éditeurs et internautes.

  • La blockchain permet d'uberiser Uber : VRAI

L'ouverture, la transparence et l'aspect communautaire font partie des principes fondateurs de la blockchain, notamment parce qu'il s'agit d'une technologie développée en mode open source. De son côté, la seule valeur ajoutée d'Uber est de fournir une application mobile permettant la mise en relation entre un chauffeur et un client géolocalisé dans la même zone géographique. Uber joue alors l'intermédiaire pour réaliser la transaction de paiement liée à la course, prenant une commission au passage. De fait, rien n'empêche aujourd'hui une communauté de développeurs de se lancer dans la mise en œuvre d'une solution basée sur la blockchain avec pour ambition de limiter les frais pris par le système et de re-diriger la valeur davantage vers le chauffeur. En l'occurrence, c'est le projet que porte la société Arcade City et qu'a tenté de créer La'Zooz en Israël.

  • La blockchain est énergivore : VRAI et FAUX

La blockchain Bitcoin est effectivement énergivore, sa consommation étant estimée à l'équivalent de la production annuelle de deux centrales nucléaires. Pour autant, il existe d'autres blockchain n'utilisant pas l'algorithme en cause dans la consommation énergétique de Bitcoin, et ne consommant donc quasiment rien en énergie. Ethereum et Bitcoin travaillent d'ailleurs actuellement toutes deux activement à développer de nouvelles solutions pour réduire leur consommation énergétique.

  • La blockchain a un pouvoir de disruption aussi important que TCP/IP pour la création d'Internet : VRAI

La difficulté avec les attributs de la blockchain -transparence, décentralisation, pas de gouvernance, sécurisé grâce à la cryptographie-, c'est d'imaginer des applications concrètes. TCP/IP, la technologie sous-jacente à Internet, a été inventée dans les années 1970 dans des laboratoires de recherche avec pour ambition de pouvoir échanger des données entre scientifiques. Personne à l'époque n'aurait pu imaginer qu'en 2018 nous aurions l'e-commerce, l'e-paiement, les smartphones, le cloud, les réseaux sociaux. La blockchain possède les mêmes capacités disruptives que TCP/IP, pour autant, il y a fort à parier qu'il faudra une ou deux décennies avant que l'on ne voit des ruptures majeures émergées grâce à elle.

  • La blockchain n'a pas de valeur probante pour certifier des documents : VRAI et FAUX

Un des usages importants de la blockchain concerne la certification de document : une fois enregistré à l'intérieur, il n'est plus ni modifiable ni supprimable. Un procédé particulièrement sensé concernant la certification de l'antériorité sur une marque ou un morceau de musique. Un artiste pourrait ainsi enregistrer une preuve d'existence de son morceau dans la blockchain et faire ainsi valoir son antériorité devant les tribunaux. Le problème en France est qu'il n'existe pas encore de jurisprudence sur ce type de certification. Une jurisprudence qui pourrait donc être prochainement volontairement provoquée par la communauté blockchain...

  • La blockchain permet de garantir la validé des éléments enregistrés : FAUX

Ce n'est pas parce qu'une information est enregistrée dans la blockchain qu'elle est valide. En effet, la blockchain permet avant tout de prouver l'auteur, la date, l'heure ou encore le lieu de l'enregistrement de l'information en question et donc de garantir sa traçabilité, mais aucunement sa validité. Raison pour laquelle les tiers de confiance représentant notamment l'autorité officielle n'ont pas vocation à disparaitre, car garants de sa qualité.

  • Les smart contracts ont une valeur contractuelle : FAUX

Le smart contract est un programme informatique qui s'exécute automatiquement sur la base de critères pré-définis et de manière décentralisée sur une blockchain. Le programme comme le résultat de l'exécution de celui-ci sont infalsifiables. Pour autant, un smart contract ne dispose ni d'intelligence et ni de valeur contractuelle. Ainsi, si deux parties décident de formaliser dans un smart contract les clauses d'un contrat papier, de manière à automatiser le déclenchement des règles, celles-ci devront être l'exact miroir de ce qui est écrit noir sur blanc dans le contrat.

  • La blockchain peut être utilisée dans n'importe quelle situation : FAUX

Il existe des critères très spécifiques et logiques pour déterminer l'intérêt ou non de l'utilisation de cette technologie dans un projet d'entreprise. Quelques questions préliminaires avant de retenir une blockchain pour un projet sont à se poser : avez-vous besoin d'une base de données ? avez-vous besoin d'y écrire des données ? Si la réponse est déjà négative à ce stade, alors nul besoin de blockchain.

  • La blockchain permet de créer de la confiance entre personnes qui ne se connaissent pas : VRAI et FAUX

Dans le cas de transactions entre partenaires sans confiance, la blockchain permet de mettre en place une gouvernance partagée : chacun participe au processus de validation et dispose de moyens de véto sur les transactions passant sur le réseau des partenaires. Pour autant, la blockchain ne pourra aucunement assurer la confiance en la capacité d'un des partenaires à réaliser une transaction de qualité (livraison d'un produit) et conforme aux attentes initiales.

Si la blockchain est en capacité d'apporter de nouvelles réponses à des problématiques actuelles, elle n'a pas pour autant vocation à s'appliquer de manière systématique. Il est donc impératif de la comprendre, elle et ses fonctionnalités avant de lancer un projet basé sur cette technologie.

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Commentaires 3
à écrit le 19/12/2018 à 9:55
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bien tenté, il y a pas mal de choses fausses quand meme dans l'article. Un exemple (il y en a d'autres) : "Un des usages importants de la blockchain concerne la certification de document : une fois enregistré à l'intérieur, il n'est plus ni modifiab...

à écrit le 18/12/2018 à 21:16
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Paf comment cela fait plaisir d'avoir un journaliste qui maîtrise le sujet !

à écrit le 18/12/2018 à 14:00
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Enfin un bon article sur le sujet ! Contrairement aux autres articles de la Tribune sur la blockchain , voila enfin un article écrit par quelqu'un qui a un bagage technique pour en parler, ça se sent dés les premières lignes. L'auteur veut nous conva...

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