Les banques de financement et d'investissement pourront-elles passer à l'omnicanal ?

C'est une véritable transformation des organisations qu'implique le passage des banques de financement et d'investissement à l'omnicanal. par Cécile André, Directrice Associée Senior des Services Bancaires, Cap Gemini Consulting

Le modèle traditionnel des banques d'investissement et de financement, orienté produit, est de moins en moins adapté à la multiplicité des canaux (internet, voix, face à face, emails, chat) que l'on voit émerger aujourd'hui, malgré la mise en place des canaux électroniques depuis de nombreuses années. Les moyens d'interaction avec le client se sont ainsi accrus et elles ont des difficultés à trouver une approche cohérente et pertinente pour délivrer leurs services. Elles doivent donc passer d'une approche multicanale à une approche omnicanale pour améliorer significativement l'expérience client.

Transformer l'organisation en profondeur

Les banques doivent ainsi formuler une proposition de valeur client fondée sur ses attentes spécifiques et non plus sur le produit ou sa rentabilité immédiate. Cette proposition de valeur devra s'appuyer sur un modèle organisationnel non plus en silos métiers mais organisé autour de besoins. Ainsi un certain nombre d'acteurs tels que City, HSBC, Barclays, Deutsche Bank ou BNP Paribas ont développé des plateformes électroniques multiproduits pour des clients entreprise. Société Générale, de son coté, a fait de même pour les institutions financières. D'autres enfin, comme Santander ou Natixis ont investi dans de nouveaux outils de la relation client. Certains acteurs comme Deutsche Bank ont crée des centres de contact pour les acteurs Tier3. Peu de banques toutefois ont transformé leur organisation en profondeur.

Codes de bonne conduite

Le passage à l'omnicanal devra prendre en compte les demandes règlementaires et les codes de conduite propres aux banques d'investissement. En effet, trois règlementations auront un impact important sur les modalités de mise en place de l'omnicanal : la protection des intérêts du client avec la nécessité d'adapter les services à la sophistication de l'interlocuteur, la transparence avec l'opportunité de clarifier les produits mais aussi de suivre les plaintes avec une piste d'audit claire et enfin la protection des données personnelles avec la mise en place d'approches de gestion des données nativement protectrices.

Éviter de se centrer sur le produit

L'omnicanalité implique aussi une forte évolution des rôles, notamment de la force commerciale. Ainsi les banques devront mettre en place des équipes «orientées client» (généraliste versus spécialisé, junior versus senior) et non plus centrées produit, posant la question notamment de leur expertise produit mais aussi technologique (ex : data scientists...), et de leur modèle opérationnel (approche 24/7 ou « follow the sun »). Elles devront interagir avec le client au travers de tous les canaux (« hot » media tels que téléphone, chat, co-browsing ou « cold » media tels que mail, social, web) qui offriront le contenu requis aux typologies de clients. Les missions et le rôle du marketing devront être adaptés en parallèle.

Transformation culturelle

La culture d'entreprise est elle aussi en mutation : elle se reconcentre autour du client et ce sont les employés qui doivent être les porteurs de ce changement. Plusieurs leviers peuvent être utilisés pour asseoir ces nouvelles valeurs et principes qui guident les collaborateurs dans leurs interactions quotidiennes :
- Promouvoir les partages d'expériences entre chargés de relation client au travers de communautés (contenu marketing, métier, mais aussi technologique)
- Adapter le support RH et notamment les formations pour développer les qualités humaines et relationnelles
- Intégrer ces nouvelles dimensions dans les rémunérations avec un poids significatif (20% ou plus).
Cette transformation culturelle est d'autant plus importante que l'émergence de l'omnicanal peut être vue comme une menace sur l'emploi et non l'opportunité d'enrichir le métier de conseiller.
Le management intermédiaire sera la pierre angulaire de cette transformation.

Il n'y a pas d'omnicanalité possible sans le support de trois types de technologies :

-        ACD : Automated Contact Distribution, qui sert à router automatiquement les contacts entre les différents canaux et définir des règles d'organisation et est très peu utilisé par les CIBs à ce stade. (traitement automatique d'emails, « click-to-call » ou web-call back...)

-        CRM : Customer Relationship Management, qui permet d'avoir une vue à 360 degrés du client et qui est particulièrement difficile à mettre en place dans les CIBs (multiplicité produit, géographies, besoins règlementaires)

-        Big Data & Analytics, avec des opportunités d'optimisation de l'organisation omnicanale et la réduction des coûts par client mais aussi la détection de nouvelles opportunités de vente. Ainsi une institution financière a pu doubler son taux de conversion en se focalisant sur 15% des clients qui ont démontré un intérêt pour un produit particulier.

Au travers de ce passage au multicanal, les CIBs pourront améliorer leur coefficient d'exploitation mais aussi mettre en place une culture orientée client, une opportunité unique pour certains acteurs de se différencier et de reprendre de la compétitivité dans une industrie en consolidation.

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