Les enjeux de la visite d'Emmanuel Macron en Ouzbékistan

OPINION. Le 1er et 2 novembre 2023, le Président français se rendra au Kazakhstan et en Ouzbékistan, des pays avec qui la France a de solides relations économiques depuis leur indépendance. Loin du tumulte du Moyen-Orient et de la guerre en Ukraine, Macron souhaite se rapprocher de ces pays de l'ancien bloc soviétique. Après la Mongolie au mois de mai dernier, il revient en Asie centrale pour deux jours importants. Par Sébastien Boussois*, docteur en sciences politiques.
(Crédits : J. Brouckaert / LT)

Depuis de nombreuses années, la France accorde une attention toute particulière à l'Asie centrale qui dispose d'une position géopolitique importante, d'importantes ressources énergétiques et naturelles, et qui est dotée d'un grand potentiel humain, économique, et financier, à même d'attirer beaucoup d'investisseurs. Emmanuel Macron le déclarait lui-même en novembre 2019 :

« La région de l'Asie centrale connaît actuellement une croissance économique, se développe de manière dynamique et attire l'attention du monde entier. Il est important pour nous de montrer à nos partenaires d'Asie centrale que nous sommes intéressés par la coopération entre nos agences. Nous avons des intérêts économiques dans le région ».

C'est aussi pour cela que la France souhaite encourager les progrès de développement politiques et démocratiques significatifs qui sont engagés depuis de nombreuses années dans cette région.

Des relations franco-ouzbèkes de longue date

Parmi les pays de la région, L'Ouzbékistan est considéré par la France comme un État important et influent, qui joue un rôle stratégique clé dans la région. Depuis de nombreuses années, le pays se modernise et s'ouvre comme jamais. Paris semble également apprécier la stratégie régionale pro-active du Président de la République d'Ouzbékistan, Shavkat Mirziyoyev, dont la politique étrangère centrasiatique, fondée sur les principes d'avantage mutuel, d'égalité, de pragmatisme et de consensus, commence à porter ses fruits. Cette nouvelle approche contribue à essayer de résoudre les problèmes vitaux de l'Asie centrale et à maintenir la stabilité, la sécurité et le développement durable de toute la région.

Bien loin de Paris, les relations franco-ouzbèkes ont une histoire ancienne, comme en témoigne la correspondance entre le grand homme d'État Amir Temur, que l'on connait mieux en France sous le nom de Tamerlan, et le roi de France Charles VI. Après l'effondrement de l'URSS, une nouvelle page s'est ouverte dans les relations entre les deux pays avec l'indépendance de l'Ouzbékistan en 1991. Tachkent a toujours cherché à être ce trait d'union entre l'Europe et l'Asie. Depuis, un cadre juridique a été créé entre les deux pays, composé de 62 accords, dont 26 accords interétatiques et intergouvernementaux.

Emmanuel Macron n'en est pas à son coup d'essai à Tachkent. Depuis le 1er mars 1992, plus de 30 ans après l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, 5 visites de haut niveau ont été organisées : en France - 4, en Ouzbékistan - 1. Au cours des 5 dernières années, le président Shavkat Mirziyoyev a visité la France deux fois. La première visite officielle a eu lieu les 8 et 9 octobre 2018 à l'invitation du président Emmanuel Macron. Des accords et contrats commerciaux d'une valeur totale de 3,4 milliards de dollars ont été signés à cette époque. Les 21 et 22 novembre 2022, le Président d'Ouzbékistan a effectué sa deuxième visite officielle en France. À la suite de la visite, 14 documents bilatéraux ont été signés, ainsi que 59 accords et contrats d'une valeur de 6,086 milliards d'euros. L'Ouzbékistan est un pays d'avenir pour la France.

Comment la France est-elle devenue l'un des partenaires européens les plus actifs en Asie centrale de l'Ouzbékistan dans les domaines économique, financier et technique ? Par une volonté conjointe des deux pays avant tout. Ces dernières années, le nombre de coentreprises et de projets avec la participation d'entreprises françaises a triplé. Le portefeuille actuel de projets communs actifs en Ouzbékistan dépasse les 5 milliards d'euros. Il existe en Ouzbékistan 46 entreprises à capital français, dont 17 entreprises à capital 100% français. Ensuite, parce que Paris intéresse Tachkent dans de nombreux domaines.

À l'heure actuelle, de nombreux grands projets d'investissement sont réalisés en Ouzbékistan avec la participation d'investisseurs français. En particulier, la construction d'une centrale solaire photovoltaïque d'une capacité de 100 MW est en cours dans le district de Nurabad dans la région de Samarcande avec la société Total Eren ; des travaux d'exploration géologique dans les zones prometteuses en matière d'uranium sont réalisés conjointement avec la société Orano Mining, en collaboration avec un consortium international, dont la société EDF ; une centrale électrique à cycle combiné d'une capacité de 1.600 MW est en cours de construction dans la province de Syrdarya en collaboration avec Suez.

La société française Veolia s'est vu confier la gestion du réseau de chaleur de la ville de Tachkent sur la base d'un partenariat public-privé (PPP) pour les 30 prochaines années. Le travail visant à accroître les investissements et la coopération technico-financière entre les deux pays se poursuit, notamment à travers l'Agence française de développement (AFD). Il y a donc énormément de fait et en cours entre la France et l'Ouzbékistan en matière de développement.

Le commerce entre les deux pays n'est pas en reste

Pour 2022, le chiffre d'affaires du commerce s'est élevé à 339,5 millions de dollars (+20,9% par rapport à 2021) : exportations -67,9 millions de dollars (3,2 fois), importations -271,3 millions de dollars (+4,5%). Entre janvier et juillet 2023, le chiffre d'affaires commercial a presque triplé, passant de 183,4 millions de dollars à 517,6 millions de dollars. L'Ouzbékistan a aussi augmenté ses exportations à 239,5 millions de dollars (3,5 fois par rapport à l'année précédente), les importations en provenance de France à 278,1 millions de dollars (2,4 fois).

L'Ouzbékistan intéresse de plus en plus les Français. Du point de vue culturel, la France a accueilli en 2022 et 2023 deux grandes expositions sur le pays : au Louvre, celle intitulée « Trésors des oasis d'Ouzbékistan au carrefour des routes caravanières », ainsi que « Route de Samarcande. Merveilles de la soie et de l'or » à l'Institut du Monde Arabe.

Côté éducatif, en Ouzbékistan, plus de 200.000 étudiants dans plus de 700 écoles, collèges apprennent la langue française. En résumé, la France comme l'Europe ont compris l'intérêt d'une telle coopération, de par la position stratégique de l'Asie centrale, le carrefour qu'elle représente entre l'Europe et la Chine, et l'opportunité de voir le pays se moderniser. La France fournit déjà divers types d'assistance pour soutenir les réformes, renforçant l'État de droit et le libre marché dans la région. La visite de Macron sur place devrait voir la signature de nouveaux contrats.

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(*) Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), du CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm).

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Commentaire 1
à écrit le 01/11/2023 à 9:23
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Si les enjeux sont crédibles, le personnage qui nous représente l'est beaucoup moins et cela annonce encore un "détournement" du résultat !

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