Le mot « récession » désigne un contexte précis : taux de croissance négatif du PIB pendant au moins deux trimestres consécutifs, ralentissement de la production industrielle, hausse continue du chômage. Ce n'est pas le cas de la France qui a connu une diminution significative du chômage depuis 2019, ce qui la situe parmi les bons élèves de la zone euro, où la Banque de France évalue à +0,9% la hausse du PIB en 2023 et où, même si elle anticipe « un taux de chômage à 7,8% en 2025 », ce niveau « reste inférieur à celui qui préexistait avant la crise Covid (2) ».
La moitié des Français ignore ce qu'est le taux d'inflation
Les Français confondent souvent coût de la vie et taux d'inflation ; à leur décharge, il est assez logique que les prix augmentent lorsque ce taux monte, ce fut le cas de 2020 à 2023 après de longues années d'inflation faible. Logiquement aussi, 65% des Français s'attendent aujourd'hui à une hausse du taux d'inflation en 2024. A l'inverse, les économistes anticipent une diminution (3) de 50%, donnant ainsi raison aux - seuls -11% de Français qui s'attendent à le voir baisser.
Il faudrait une inflation à un taux nettement négatif pour que les prix descendent de façon visible alors que ce taux, même s'il diminue, reste positif et les prix continuent donc d'augmenter. C'est plutôt une nouvelle détérioration de leur pouvoir d'achat (ou au minimum une hausse du coût de la vie) que les Français craignent, non sans raison, tout en étant étrangement optimistes : ils ne sont que 42% à penser que les prix seront plus élevés dans un an qu'aujourd'hui. Clairement, 58% des Français ne comprennent pas ce qu'est l'inflation...
Pour autant, ils savent repérer les mécanismes inflationnistes. 71% des Françaisjugent que les marges excessives des entreprises sont responsables des hausses des prix, l'un des scores les plus élevés dans le monde avec le Royaume-Uni (71% aussi) en Europe, après la Thaïlande (75%), les Philippines (74%), l'Indonésie (80%) en Asie (4). Cela dit, ils sont presque poussés à cette conclusion par l'interminable débat autour des négociations entre marques et distributeurs alimentaires, la part de voix des seconds dans les médias grand-public l'emportant de beaucoup sur celle des premiers.
La spirale prix-salaire, une modélisation lointaine
A contrario, les Français sont parmi les moins enclins à blâmer les revendications salariales (45% contre 60%, par exemple aux Etats-Unis). Les économistes - qui ont démontré le risque d'une spirale prix-salaires et la redoutent - ont de quoi se poser des questions sur leurs messages.
Si les réalités françaises sont assez loin des modèles théoriques, c'est aussi parce que la hausse du SMIC n'est que faiblement répercutée sur les salaires plus élevés et que le rôle des négociations entre partenaires sociaux dans leur définition reste marginal. Ceux du secteur public dépendent largement des arbitrages du gouvernement, et ceux du secteur privé échappent en partie au résultat des négociations annuelles obligatoires du fait de l'individualisation des rémunérations les plus éloignées du SMIC.
On le voit, les Français ne sont finalement brouillés qu'avec les concepts économiques (qui mériteraient que l'enseignement secondaire y passe plus de temps), mais pas avec les réalités. Encore faut-il mettre les mots justes sur ces réalités.
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(1) Global Inflation Monitor Index - Ipsos Global Advisor - Novembre 2023
(2) Projections macroéconomiques - Septembre 2023 | Publications (banque-france.fr)
(3) Croissance et inflation : les grandes prévisions | Banque de France (banque-france.fr)
(4) Global Inflation Monitor Index - Ipsos Global Advisor - Novembre 2023
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