Les pays les plus précaires sont les plus vulnérables au Covid-19

IDEE. Fermeture des écoles et des entreprises, populations confinées, la pandémie du coronavirus impacte les ménages et, plus généralement, les pays les plus fragiles au niveau économique et social. Par David Evans, Pardee RAND Graduate School et Mead Over, Georgetown University
(Crédits : Reuters)

Les voyageurs annulent leurs vols, les entreprises demandent aux travailleurs de rester chez eux, les stocks diminuent... la pandémie devient une crise économique mondiale. Dans toute crise sanitaire, notre première préoccupation est (et devrait être) la santé des personnes touchées. Plus de 7 500 personnes sont déjà mortes dans le monde et plus de 184 000 cas ont été confirmés dans 159 pays ou territoires.

Les conséquences économiques sont dramatiques pour le bien-être des familles et des communautés. Pour les familles vulnérables, la perte de revenus due à une épidémie peut se traduire par des pics de pauvreté, des repas manqués pour les enfants et un accès réduit aux soins de santé bien au-delà du Covid-19. Des cas ayant été confirmés dans de nombreux pays à faible et moyen revenu, les populations les plus vulnérables du monde seront affectées.

Que pouvons-nous attendre du Covid-19 ? Au-delà de la tragédie humaine, il y a un impact économique direct lors d'une épidémie. Les familles et leurs proches perdent ce revenu et leurs contributions en nature au revenu du ménage, comme la garde des enfants.

De nombreux adultes en âge de travailler tombent malades et leurs familles ressentent le fardeau financier dû au fait que les malades doivent s'absenter du travail pendant des jours ou des semaines.

Comportement d'évitement ?

L'essentiel de l'impact économique du virus sera dû à un « comportement d'évitement ». C'est-à-dire les mesures prises pour éviter la contagion. Le comportement d'aversion provient de trois sources :

  • Les gouvernements imposent des interdictions sur certains types d'activités. La Chine, l'Espagne, l'Italie ou encore la France en Europe, le Congo ou bien la Côte d'Ivoire en Afrique, tous ont, tour à tour, annoncé le confinement total de leurs populations respectives.

  • Les entreprises et les institutions, publiques ou privées, prennent des mesures proactives pour éviter l'infection. Les suspensions d'activités - que ce soit par des interdictions gouvernementales ou des décisions de la direction - entraînent des pertes de salaire pour les travailleurs, en particulier dans l'économie informelle, où il n'y a pas de congés payés.

  • Les individus voient leurs déplacements réduits au strict nécessaire.

Ces actions touchent tous les secteurs de l'économie. Elles se traduisent à leur tour par une réduction des revenus, tant du côté de l'offre (la réduction de la production entraîne une hausse des prix pour les consommateurs) que du côté de la demande (la réduction de la demande des consommateurs nuit aux propriétaires d'entreprises et à leurs employés).

Ces impacts économiques, à court terme, peuvent se traduire par une réduction de la croissance, elle, à long terme. À mesure que le secteur de la santé absorbe davantage de ressources et que les gens réduisent leurs activités sociales, les pays investissent moins dans les infrastructures physiques. La fermeture des écoles fait perdre (brièvement, espérons-le) aux élèves des occasions d'apprendre. Mais le plus inquiétant reste que les élèves les plus vulnérables risquent de ne pas réintégrer le système éducatif. Ce qui se traduit par une baisse des revenus à long terme pour eux et leur famille, et par une réduction du capital humain global de leur économie.

Par exemple, les grossesses non planifiées ont fortement augmenté en Sierra Leone (de 44 % dans la ville de Kenema à 172 % pour celle de Kailahun) pendant l'épidémie d'Ebola, probablement en partie à cause des fermetures d'écoles.

Les mères adolescentes ont moins de chances de retourner à l'école, et leurs enfants auront probablement moins accès à la santé et l'éducation.

En outre, l'infection et la mort des travailleurs de la santé, en première ligne des épidémies, peuvent entraîner une détérioration des conditions sanitaires à long terme, comme la mortalité maternelle et infantile. Tous ces facteurs ont des conséquences sur la pauvreté bien au-delà de leurs implications humanitaires.

Ce que nous savons jusqu'à présent

Les estimations économiques de l'impact mondial varient considérablement. Dans un article récent, Bloomberg émet l'hypothèse d'une perte de production d'environ 2,5 milliards d'euros. La Banque asiatique de développement prévoit des pertes allant de 70 à 315 milliards d'euros, et un rapport de l'OCDE évoqueune réduction de moitié de la croissance économique mondiale.

Une analyse récente des impacts économiques réels et potentiels de la crise donne un aperçu de la situation. Dans tous les secteurs des pays africains, l'impact économique découle du ralentissement de l'économie chinoise, avec une réduction de la demande chinoise de matières premières. Cette analyse prévoit une réduction des investissements dans l'énergie, les mines et d'autres secteurs, ainsi qu'une baisse des voyages et du tourisme.

Une autre analyse signale que les fermetures d'usines chinoises ont eu des effets négatifs sur les consommateurs en Afrique. Au Zimbabwe et en Angola, les exportations vers la Chine se sont effondrées.

Environ un quart des importations ougandaises proviennent de la Chine. Les chaînes d'approvisionnement ont été interrompues pendant des semaines parce que de nombreuses usines chinoises ont cessé leur production. Les petits commerçants de textiles, d'électronique ou d'articles ménagers sont en difficulté...

Au Niger, les stocks de certains produits, dont les produits alimentaires, en provenance de Chine ont déjà été fortement réduits, ce qui a entraîné une hausse des prix.

La plupart des données et des impacts observés jusqu'à présent dans le monde en développement proviennent des arrêts de production et d'exportation de la Chine, et ces estimations sont antérieures à la détérioration des conditions économiques en Europe et aux États-Unis. Mais à mesure que les économies d'autres pays ralentiront avec la propagation de la maladie, ces impacts apparaîtront plus clairement dans les données économiques et augmenteront probablement avec le temps.

Que faut-il faire ?

Au-delà des nombreuses recommandations en matière de stimulation et de liquidité du Fonds monétaire international (mesures de relance monétaire plus larges, politiques économiques ciblées, aide de la communauté internationale envers les pays dont les capacités sanitaires sont limitées, etc.) nous ajoutons trois recommandations :

Premièrement, contenir la pandémie. Comme le dit notre collègue Jeremy Konyndyk, pour apaiser les réactions du marché à l'épidémie, vous devez présenter un plan viable pour vaincre l'épidémie.

Tant que l'épidémie se propage activement, de nombreux comportements d'évitements sont rationnels et judicieux. Contenir la maladie est la première étape pour atténuer non seulement les conséquences sanitaires, mais aussi les conséquences économiques.

Ensuite, il faut renforcer le filet de sécurité. Les ménages les plus vulnérables sont ceux qui risquent le plus d'être touchés sur le plan économique. Les travailleurs à bas salaire sont souvent ceux qui risquent le plus de perdre leur emploi s'ils s'absentent du travail en raison d'une maladie prolongée. Ils sont souvent les moins aptes à travailler à distance pour éviter de contracter le virus. Et ils sont les moins susceptibles de disposer d'économies pour survivre à un ralentissement économique.

S'assurer qu'un filet de sécurité économique est en place - transferts d'argent, congés de maladie, couverture maladie subventionnée - aide les plus vulnérables à survivre et apporte un soutien aux entreprises qui servent ces populations.

Troisièmement, mesurer l'impact. Des données systématiques sur les populations qui connaissent les plus grandes difficultés et sur les industries qui échouent sont essentielles pour fournir une assistance. Pendant l'épidémie d'Ebola de 2014-2015, les chercheurs ont utilisé des enquêtes téléphoniques en Sierra Leone et au Libéria (en s'appuyant sur les bases de sondage des enquêtes existantes) pour recueillir des informations sur les effets de la mauvaise santé et des comportements d'aversion sur les ménages et les entreprises dans les pays.

The Conversation _______

Par David EvansProfessor of Public Policy, Pardee RAND Graduate School et Mead OverAdjunct Professor - Global Human Development (GHD), Georgetown University

Amina Mendez Acosta a fourni une assistance à la recherche pour cet article. Une version de cet article a été publiée pour la première fois par le Center for Global Development.

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