Les pirates fiscaux de l’Europe l’Irlande et le Luxembourg

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les pirates fiscaux de l’Europe l’Irlande et le Luxembourg

Irlande, Luxembourg. Ce sont les deux pays de la zone euro les plus régulièrement épinglés par la commission pour favoriser l'optimisation fiscale. Celle des géants du numérique notamment : Google, Amazon, Apple etc. A travers cela on ne tient qu'un bout de l'histoire de l'optimisation fiscale et de l'évaporation de base fiscale, tant les techniques sont multiformes. Mais ce bout d'histoire, celui de la domiciliation fiscale,  en dit déjà long sur l'ampleur du phénomène.

Prenons le cas de l'Irlande. L'incroyable péripétie de la mesure de son PIB révèle à elle seule beaucoup de choses. Le pays a poussé si loin l'art d'absorber la matière fiscale de ses concurrents que son PIB ne dit plus rien de sa santé économique réelle. A tel point que le pays va abandonner le PIB comme étalon de son économie pour lui préférer le revenu national ajusté !

Le PIB irlandais, une aberration au regard de son économie réelle

La raison, on la connaît et elle a été révélée au grand jour l'an dernier lorsque le pays a soudainement révisé sa croissance pour 2015, de 7,8% (un chiffre qui aurait déjà pu faire pâlir de jalousie la Chine) à 26%. Un bond qui lui a permis de faire passer son ratio de dette publique de 104,5% à 76,9% en l'espace d'un an. Un bond surtout qui ne se retrouve ni dans l'emploi, ni dans la consommation. L'emploi n'a toujours pas retrouvé ses sommets d'avant crise. Et le poids de la consommation ne cesse de diminuer en proportion du PIB, ce qui témoigne de la décorrélation entre le PIB et l'augmentation des revenus des personnes qui résident et travaillent réellement en Irlande.

Et pour cause, cette révision est un ajustement qui intègre plus complètement le chiffre d'affaires domicilié en Irlande de grands groupes, qui ne produisent pas réellement dans le pays. Elle est le résultat de fusions dites d'"inversion fiscale", où les entreprises se font domicilier en Irlande pour bénéficier des taux d'imposition avantageux du pays, voire de montages douteux sur la TVA, tout en maintenant l'essentiel de leurs opérations et de leur direction dans leur juridiction d'origine. Ces opérations gonflent le chiffre d'affaires des entités juridiques résidant en Irlande, mais sans engagement réel  ni de main d'œuvre, ni de capital. En contrepartie de ce surcroît de PIB, on trouve une hausse équivalente des exportations de biens et services, qui n'ont pas été réellement produits sur le territoire.

Les anomalies révélées par le PIB par habitant

Pour prendre la mesure de ce détournement de matière fiscale, il suffit de regarder un indicateur simple : le PIB par habitant. Le classement européen révèle les anomalies par à rapport à ce que l'on pourrait considérer comme une situation normale. Par situation normale, j'entends celle d'un pays qui produirait, en mobilisant principalement les ressources réellement résidentes sur son territoire et dont le niveau de PIB serait borné par la productivité de ces facteurs.

Au sommet de la hiérarchie européenne, qui trouve-t-on ? Le Luxembourg, avec un PIB par habitant qui représente plus du double de celui de l'Allemagne. Puis l'Irlande, avec un PIB par habitant qui surpasse de 49% celui de l'Allemagne. Et enfin la Suisse, supérieur de 30%. Il y a là une aberration manifeste, notamment lorsque l'on sait que l'Irlande ne mobilise que 65% de sa population en âge de travailler dans l'emploi, 10 points de moins que l'Allemagne.

Une (petite) idée du poids de l'optimisation fiscale...

Livrons nous maintenant à une approximation, qui a le mérite d'offrir des ordres de grandeurs certes frustes, mais sensés. Alignons le PIB par habitant de ces pays sur celui de l'Allemagne. Mesurons ainsi ce que serait leur PIB si leur efficacité productive et la mobilisation de la main d'œuvre était identiques à celles de l'économie leader en Europe. Le PIB irlandais ne serait pas de 276 milliards en 2016, mais de 185 milliards. Celui du Luxembourg non pas de 53 milliards, mais de 25 milliards. Celui de la Suisse, non pas de 604 milliards, mais 464 milliards.

Côté Irlande, cela fait 91 milliards de matière fiscale non réellement produite sur le territoire. Et encore, indexer l'efficacité de la population irlandaise sur celle de l'Allemagne paraît bien excessif. Si je prends la France comme référence, cela donnerait 120 milliards.

Toute cette matière n'échappe pas complètement à l'impôt dans les pays européens. Mais cela montre tout de même qu'il s'agit bien d'un phénomène très perturbant.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 16
à écrit le 14/11/2017 à 11:32
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Votre calcul PIB pour le Luxembourg est biaisé car ne tenant pas compte d'une réalité bien connue : le travail frontalier. Il représente presque la moitié des actifs au Luxembourg ! Ce sont des richesses de PIB créés par les résidents et les frontali...

à écrit le 13/11/2017 à 19:08
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Cet article est mal orienté sur la Suisse. On ne peut pas comparer la Suisse avecl'Irlande et encore moins avec le Luxembourg. Bien qu'ayant un secteur financier puissant, ce pays est également une puissance industrielle. Des dizaines de milliers de ...

à écrit le 13/11/2017 à 16:28
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Merci à l'auteur de cet article. Il a bien précisé que ces comparaisons de productivité Irlande/Luxembourg/suisse Vs Allemagne sont grossières, mais donnent une idée pour voir à quel point ce sont des paradis fiscaux. Je me demande pourquoi ces pay...

le 13/11/2017 à 18:18
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La Suisse est plus industrialisée que la France proportionnellement à son nombre d'habitants. Industrie suisse représente 19% de son PIB. L'industrie française, c'est 12.5% de ce même PIB. L'industrie suisse est par ailleurs très diversifiée, mais s'...

à écrit le 13/11/2017 à 13:10
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TOUS CE SAIT SUR LES PARADIS FICAUX ?ET QUAND ON RETROUVE DANS LES CADRES DE L U E DES REPRESENTENTS DE CES PAYS ABRITANT DES CAPITAUX FICAUX VEREUX ONT NE S ETONNE PLUS QUE LUNION EUROPPENNE ET UN PANIER DE CRABES CAPITALISTE AUX SERVICE DE LA GRAND...

à écrit le 13/11/2017 à 10:59
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Cet "économiste" a tout de même oublié un paramètre fondamental s'agissant de la Suisse. À savoir le taux de change. Est-ce de la faute de la Suisse si l'euro est nul ,dévalué par les quantitative easing successif et autres manipulations , tandis que...

le 13/11/2017 à 11:46
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Oui c'est la faute de la suisse qui a "oublié" les fonds juifs depuis les années 1940 avec le Général de Division GRISON ... C'est la faute de la suisse l'évasion fiscale de 150 mds d'euros en Suisse rien que pour la France.

le 13/11/2017 à 12:07
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la différence de dépense publique vient notamment des retraites. d'ou 19% de + de 65 ans pauvres en Suisse contre 4% en France (OCDE). taux de fécondité de seulement 1,5 en Suisse depuis le milieu des années 70. parce-que politique familiale faible ...

le 13/11/2017 à 13:41
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"la différence de dépense publique vient notamment des retraites. d'ou 19% de + de 65 ans pauvres en Suisse contre 4% en France (OCDE)." Ouf je suis rassuré ! ou pas...Ce qui n'est pas dit dans ce chiffre (qui se base uniquement sur le revenu) est q...

le 13/11/2017 à 20:04
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@GFX 19% de retraités Suisses pauvres Lol... encore faut-il savoir ce qu'est la définition d'un pauvre en Suisse et dans l'OCDE. Par ailleurs, cette statistique que j'ai également lue ne tient pas compte de la prévoyance privée que l'on nomme 3eme...

à écrit le 13/11/2017 à 10:12
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Je doute de vos chiffres concernant la Suisse. Son secteur financier est certes important, mais le secteur industriel suisse représente encore environ 19% de son PIB. Pour mémoire, le secteur industriel français représente 12.5% de son PIB. Cet artic...

le 13/11/2017 à 11:48
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Il ne faut pas douter que l'IRLANDE avec le sandwich hollandais et la Suisse avec les administrateurs de biens relais des trusts du Delaware sont des parasites de l'économie Européenne. La suisse bénéficie surtout d'institutions comme le CERN . Un pa...

le 13/11/2017 à 13:49
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Passager clandestin lol. Va expliquer ça aux 320'000 travailleurs frontaliers dont 180'000 français qui viennent profiter du plein emploi et des gros salaires suisses. Curieusement il y a très peu de travailleurs suisses en France...

à écrit le 13/11/2017 à 9:00
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"Irlande, Luxembourg. Ce sont les deux pays de la zone euro les plus régulièrement épinglés par la commission pour favoriser l'optimisation fiscale." Avouez qu'avec Junker à la tête de l'europe alors que spécialiste luxembourgeois de l'évasion fi...

le 13/11/2017 à 19:23
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Sauf votre respect, la Suisse a un meilleur système de santé que la France....Je suis bien placé pour le dire, croyez-moi. Le système de santé suisse est très cher, mais on peut trouver un médecin spécialiste et se faire soigner très rapidement. Qua...

le 15/11/2017 à 10:22
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@ Adisson "Sauf votre respect" Vous écrivez à quelqu'un qui troll, c'est pour ça que son commentaire a été censuré, donc il n'a pas besoin de respect vous savez.

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