C'est l'un des topos les plus en vogue du discours catastrophiste et « collapsiste » : l'humanité va disparaître en raison de la raréfaction des ressources naturelles. Pourtant, nous n'avons jamais autant consommé - et donc trouvé - de pétrole (100 millions de barils par jour en moyenne cette année, selon l'Agence internationale de l'énergie) ou de gaz naturel. Ce malthusianisme ne date pas d'hier. En 1972, le rapport Meadows, « Les limites de la croissance », rédigé par des chercheurs du MIT à la demande du Club de Rome, un groupe international composé de divers experts, sonnait l'alarme sur les conséquences de l'accélération du développement économique et industriel.
Il pointait notamment, avec la hausse rapide de la démographie et de la croissance économique, le risque d'épuisement des ressources naturelles, lié à la demande croissante de métaux non ferreux, d'énergies fossiles, ou de produits agricoles, en raison de la limitation des terres arables. Leur pire scénario montrait qu'il restait 31 ans de réserves d'aluminium, contre 100 ans estimés jusqu'alors, et 21 ans de réserves de cuivre contre 36 ans estimés. 47 ans après, ces prévisions ont été largement démenties. Selon l'agence fédérale US Geological Survey (USGS), les réserves mondiales de cuivre s'élevaient à 830 millions de tonnes en 2018. La Banque mondiale les estimait à 154 millions de tonnes en 1960 et à 451 millions de tonnes en 1976. Autrement dit, plus on consomme du cuivre, plus on en trouve, et il en est de même pour d'autres ressources.
Le pari de Julian Simon
Les erreurs du rapport Meadows avaient déjà été pointées en leur temps par un économiste de l'Université du Maryland, Julian Simon (1932-1998), dont on peut lire L'homme, notre dernière chance (éd. PUF). Il jugeait que le rapport sous-estimait la capacité humaine - la « ressource ultime » - à résoudre les problèmes de raréfaction, notamment dans le cadre d'une économie laissant jouer l'offre et la demande sur des marchés libres. En effet, la hausse des prix des « commodities » (matières premières) favorise l'investissement car elle rend rentables certaines exploitations, et en retour augmente les réserves existantes. Cet investissement favorise aussi l'innovation technologique qui facilite l'exploitation, comme on le voit par exemple dans le « deep offshore » de pétrole ou de gaz naturel. C'est donc bien le génie humain qui a transformé une huile visqueuse en un carburant appelé pétrole qui, raffiné, a permis un progrès matériel de l'humanité.
Julian Simon était tellement convaincu du bien-fondé de sa thèse qu'il proposa un pari au scientifique responsable du rapport, Paul Ehrlich. Ce pari consistait à acheter en octobre 1980 via un contrat à terme sur dix ans un panier comprenant cinq métaux (cuivre, chrome, nickel, étain et tungstène) pour un montant de 1.000 dollars. Simon s'engageait à vendre à Ehrlich ce même volume de métaux en octobre 1990. Si le prix total dépassait 1.000 dollars, Simon paierait la différence à Ehrlich. S'il tombait sous les 1.000 dollars, Ehrlich paierait la différence à Simon. En octobre 1990, Ehrlich envoya à Simon un chèque de 576,07 dollars.
Le prix du panier de métaux avait chuté de plus de 50 % en dix ans. En hommage à Julian Simon, le Cato Institute, un think tank américain, a mis au point l'indice Simon Abundance, qui prend en compte les données de 50 produits différents pour suivre l'évolution des prix au cours des dernières décennies, à partir des données publiques fournies par le FMI et la Banque mondiale, l'idée étant de fournir le volume global des ressources - le « niveau d'abondance » - en tenant compte à la fois de l'évolution démographique mondiale et l'évolution des prix. Et le premier constat est que ces 50 ressources cumulées sont devenues quasiment 380 % plus abondantes entre 1980 et 2017 !
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