Les SMR, c’est pour quand  ?

OPINION. Le déploiement des SMR à une échelle industrielle ne se fera pas avant 2040, et les SMR à neutrons rapides demanderont 10 ans de plus. En attendant, la prolongation des réacteurs actuels et la construction de nouvelles centrales EPR2 sont nécessaires pour assurer la transition énergétique. Par Pierre-Etienne Labeau et Charles Cuvelliez, Ecole Polytechnique de Bruxelles, Université de Bruxelles
(Crédits : DR)

De grands espoirs sont mis dans les SMR (Small modular reactors), qui se déclinent en plusieurs puissances, de 1-10 MW (micro) à 300 MW (macro). Ils peuvent si besoin ne produire, de manière décarbonée, que la chaleur alimentant les processus industriels, leur permettant de réduire les émissions de CO2. Leur taille, leurs procédés de fabrication, leur capacité à être transportable... tranchent avec les réacteurs construits jusqu'ici, où la course à la grandeur était de mise. Les économies d'échelle des SMR tablent sur leur construction en série, un capital réduit et immobilisé pendant un temps réduit.

Mais, voilà, en 2024, aucun SMR n'est produit en série : 98 conceptions existent, d'après l'agence atomique de l'OCDE, 63 sont en développement actif dont 56 bien documentés. Les 35 autres sont (déjà) à l'arrêt, abandonnés ou en suspens par manque de ressources financières ou pour performances décevantes. Hélas, c'est la Russie et la Chine qui ont les premières têtes de série SMR en fonctionnement. Ces dernières testent un SMR en conditions réelles, pour son usage futur : produire de la chaleur pour des procédés industriels (et l'y intégrer) ou remplacer les diesels dans les endroits reculés (mines) pour l'électricité ou pour la cogénération. On pense aussi aux SMR pour la propulsion maritime ou placé sur des bateaux pour alimenter en électricité des endroits reculés.

Homologation

Sur les 56 SMR actifs et documentés que l'OCDE a examinés, 5 sont en construction ou opèrent déjà. Pour être homologué, un SMR doit composer avec les régulateurs des pays où il est susceptible d'être implanté pour tenir compte des différences potentielles d'exigences de sûreté (ce qui complique le passage en série). Ainsi, 15 concepts de SMR sont développés aux USA, 3 au Canada, 16 en Europe (dont 7 en France), 4 en Chine et 2 au Japon. On compte 20 SMR en phase de pré-homologation, 5 ont une demande de licence en cours, 1 a vu son design approuvé, 4 ont reçu leur licence de construction et 3 leur licence pour opérer.

Les sites projetés en disent long

Ne pensez pas qu'un SMR doive (forcément) se retrouver sur un site nucléaire classé, comme c'est le cas aujourd'hui. On pourra les placer (en garantissant leur sécurité et celle de la population, peut-être dense à ces endroits) là où il y a des centrales classiques (avec l'idée de mettre ces dernières à l'arrêt) pour profiter de la connexion au réseau. Les sites industriels sont aussi visés lorsqu'il s'agit de SMR pour produire de la chaleur.

C'est aux États-Unis que sont envisagés le plus de sites pour accueillir des SMR (20 en y incluant les intentions). Suivent le Canada, la Russie et la Tchéquie. On trouve aussi les centres de recherche,  ce qui montre l'importance d'un support du gouvernement. Viennent enfin les sites des constructeurs mêmes. La petite taille des SMR, plus simples à construire, est leur force. Cela vaut pour leur sécurité avec des systèmes qui n'ont pas besoin de source d'énergie extérieure pour les refroidir en situation d'accident.

Financement

Les SMR s'appuient sur des partenariats publics-privés pour se financer.  Le financement public vient au moment de la R&D jusqu'aux premiers plans. Le capital-risque vient ensuite lorsque leur maturité technologique des SMR doit progresser.  Certains fabricants de SMR sécurisent leur financement par des accords d'achat d'électricité à long terme avec des acteurs industriels, mais c'est audacieux :  ils ne couvrent pas les risques à la construction (élevés et plein d'imprévus lors des têtes de série). Il faut répartir le risque au sein de consortiums industriels.

On est loin du modèle (étatique) français du renouveau nucléaire qui compte sur la taille et des investissements massifs. Aucun acteur industriel privé ne peut plus se le permettre avec une telle prise de risque (EDF a été repris par l'État pour cette raison), mais il reste indispensable pour de la production d'électricité de masse à côté du renouvelable, trop intermittent pour tenir la rampe seule.

Combustible

La moitié des SMR utilise du combustible à haute teneur en uranium faiblement enrichi entre 5 et 20 % (pour 29 concepts). Une vingtaine n'auront besoin que de 5% (le taux des réacteurs actuels). 7 concepts ne nécessitent même pas d'enrichir l'uranium. La plupart sont refroidis au gaz, au sel fondu, à eau pressurisée. On en trouve aussi avec des neutrons rapides (dans le cas d'uranium naturel), pour permettre une utilisation beaucoup plus poussée du combustible avec nettement moins de déchets à la clé.

Il y a beaucoup de nouveaux types de combustibles qui devront être homologués en plus du concept de SMR dans lequel ils interviendront (à l'exception des SMR refroidis à l'eau qui peuvent s'inspirer des combustibles connus des réacteurs actuels). Les SMR en projet prennent en compte la gestion des déchets. Ils visent la réutilisation des combustibles usés pour leur donner plusieurs vies, pour réduire le volume produit, celui-là même destiné aux des couches géologiques profondes.

Le déploiement des SMR à une échelle industrielle en complément des centrales existantes ne se fera pas avant 2040 et les SMR à neutrons rapides demanderont 10 ans de plus. La prolongation des réacteurs actuels pour 20 ans pour faire le pont et la construction de nouvelles centrales EPR2 est une question de bon sens, loin de toute idéologie pour ou contre qui n'a plus sa place.

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Pour en savoir plus

The NEA Small Modular Reactor Dashboard: Second Edition, OCDE, Février 2024

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Commentaire 1
à écrit le 15/05/2024 à 9:05
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Oui mais pas au prix du recul des ENR parce que vous êtes des lobbys trop gros pour laisser respirer le modèle reposant sur des énergies éternelles et gratuites. Oui ça vous fait peur parce que la technologie permettra un jour que ces enr fassent tou...

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