Les taux  : une histoire qui finit « molle »

OPINION. Les taux d'intérêt sont repartis à la hausse, mais le cœur n'y est plus. D'ailleurs, même les marchés d'actions n'y croient plus. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : JOSHUA ROBERTS)

Les zélateurs de la course à l'inflation sont en rut. Les taux d'intérêt sont enfin repartis à la hausse, piqués par des chiffres d'inflation moins sympathiques, et des commentaires de banquiers centraux un tantinet moins accommodants. Depuis le début de l'année, les investisseurs ont ainsi annulé près de 3 baisses de taux directeurs sur les 6 ou 7 qu'ils anticipaient pour 2024, aussi bien aux États - Unis qu'en zone euro. Suffisant pour motiver des tensions sur les taux 10 ans de 3,8 à 4,2% pour les États - Unis, et de 2 à 2,4% pour l'Allemagne. Brrr...On reste toutefois bien loin des niveaux atteints courant octobre 2023, le pourcentage pour les taux américains et 3 % pour les taux allemands.

Quel crédit accorder à ce retour des tensions sur les taux ? Jusqu'où peuvent-ils aller encore ? L'histoire inflationniste n'est-elle pas derrière nous ? Les vieux démons ne sont-ils pas devant nous ? Ceux d'une croissance potentielle pantelante proche de 1%, des anticipations inflationnistes de long terme capées à 2%, d'une prime de terme obligataire négative inhibée par une épargne monstrueuse ? Pourquoi des taux si hauts dans un monde si mou ?

« A une certaine attitude, plus haut, ne suis-je pas dupe de mes images » ? Les pas perdus, André breton

Même les marchés d'actions ne croient plus à la hausse des taux

A toutes ces questions, une réponse qui vaut ce qu'elle vaut. L'indifférence des marchés d'actions, et des actifs risqués en général : obligations d'entreprises, marchés émergents, cryptomonnaies... En effet, ces tensions sur les taux n'ont pas empêché l'appétit pour le risque de se poursuivre en ce début d'année. S'agit-il d'une attitude méprisante, exubérante, ou éclairée des investisseurs ? Quelle que soit l'explication retenue, le message est le même. Les investisseurs ne semblent plus avoir peur des taux. Certes, la finance de marché a trop souvent montré qu'elle pouvait faire preuve de légèreté en termes d'analyse. Mais quand même, cette indifférence donne une indication sur la pertinence du risque inflationniste dans la tête des investisseurs.

Mais alors pourquoi les taux continuent-ils de monter s'ils ne croient plus vraiment au risque inflationniste ? Par sympathie pour le principe de précaution ? Pour un tour de train fantôme supplémentaire ? Plus vraisemblablement pour corriger une exubérance de fin 2023, où les investisseurs en étaient venus à anticiper près de 7 baisses de taux directeurs pour 2024 aussi bien aux États-Unis qu'en zone euro. Un scénario que 2 chiffres (inflation et emploi américain) et 1 commentaire (Jerome Powell) auront suffi à tempérer. Désormais, les marchés n'anticipent « plus que » 3 à 4 baisses de taux pour 2024.

Mais si l'on gratte un peu, que l'on dérase l'horizon de ses aspérités conjoncturelles, que reste-t-il ? Il reste d'abord un environnement économique contus par les hausses de taux directeurs survenues les 3 dernières années. Puis il reste des craintes excessives et des promesses douteuses.

Des craintes excessives qui reposent sur un scénario d'inflation durablement plus élevée, entretenue par un retour agressif du protectionnisme, le coût exorbitant de la transition énergétique, et le vieillissement accéléré d'une population qui consommerait tout son bas de laine. Pourquoi pas. Des promesses douteuses qui reposent sur un scénario de hausse du taux réel (taux auquel on soustrait l'inflation), motivé par un sursaut d'orgueil de la croissance potentielle lui-même motivé par un effet enfin perceptible du progrès technique sur la productivité du travail.

Ces craintes et ces promesses peuvent voir le jour. Mais elles peuvent surtout ne jamais trouver les conditions nécessaires à leur réalisation. En effet, le prix à payer pour un tel scénario semble très fort, trop fort. L'homo economicus contemporain a vécu la politique monétaire du taux zéro, la politique budgétaire du quoi qu'il en coûte. Il n'est pas fait du même bois que son ancêtre. La torpeur est le maitre mot, pas de place pour l'angoisse.

« Le souci est le prix qu'il faut payer pour sortir du stade mollusque », Vladimir Jankélévitch.

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Commentaire 1
à écrit le 28/02/2024 à 11:23
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Tout ces gens tellement inutiles qui nous pompent tellement de fric.

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