Les territoires au cœur de la réindustrialisation

OPINION. Les candidats à l'élection présidentielle ont tous à la bouche un même mot : « réindustrialisation ». Par Christophe Bouillon, Président de l'Association des Petites Villes de France, maire de Barentin (Seine-Maritime), ancien député de Seine-Maritime ; Harold Huwart, Vice-Président de l'Association des Petites Villes de France, maire de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Vice-Président du conseil régional du Centre-Val de Loire ET Laurence Porte, Vice-Présidente de l'Association des Petites Villes de France, maire de Montbard (Côte-d'Or).
(Crédits : FLAVIO LO SCALZO)

 En dépit des différences de tons, de postures, d'approches même, le constat est unanime : il faut réindustrialiser la France. Le consensus est une chose suffisamment rare et difficile dans un pays de Gaulois prétendument réfractaires que l'on pourrait facilement s'en satisfaire. Las ! Nous demandons des précisions. Car si la réindustrialisation doit être un impératif économique et donc politique, elle doit tout aussi impérativement avoir une géographie.

Quand, en octobre 2021, devant les forces productives du pays, le Président-pas-encore-candidat Emmanuel Macron présentait le plan de reconquête industrielle « France 2030 », il lui a quelque peu échappé de localiser où devaient retomber les dizaines de milliards d'investissement qu'il annonçait. Ne lui jetons pas la pierre : les autres candidats omettent tout autant de préciser leur vision de l'aménagement industriel du pays.

Nous connaissions « les entreprises sans usines », devrions-nous désormais faire avec « la réindustrialisation sans territoire » ?

Or, précisément, la réindustrialisation ne peut s'envisager sans les territoires en général, et sans les petites villes en particulier.

En effet, contrairement à l'image d'Epinal, les petites villes de France ne sont pas uniquement ces lieux qui mêlent agréablement le charme bucolique des campagnes et la proximité bien commode des grandes villes. Nos petites villes ne sont pas qu'un lieu de passage ou de refuge en période de confinement. Les petites villes sont un lieu de production.

70% des emplois industriels se situent dans des villes de moins de 20.000 habitants. Dit autrement, la base-arrière productive du pays se situe dans ces territoires. Il s'agit d'une ressource stratégique et précieuse pour la France.

Alors de deux choses l'une. D'un côté, on peut faire comme avant. Faire comme avant, c'est invoquer avec emphase les esprits de la réindustrialisation, tout en demeurant exposés aux quatre vents de la mondialisation, sans prendre en compte les enjeux environnementaux.  C'est sabrer dans les impôts de production, en considérant que cet argent est somme toute superflu pour accompagner les entreprises dans leur installation et leur développement dans nos territoires. C'est arroser le pays de milliards d'euros d'appels à projets, en espérant que les usines sortent miraculeusement de terre, comme la manne des Hébreux dans le désert.

De l'autre, on peut rompre avec une réindustrialisation décidée d'en haut. Cela suppose tout d'abord de parler de leur localisation aux principales intéressées : les entreprises. Ensuite, cela demande de s'appuyer sur les personnes qui connaissent le mieux les atouts et les savoir-faire de leur territoire : en l'occurrence les maires.  De là, on pourrait se laisser prendre à imaginer que le choix de localisation d'une entreprise ne soit pas entravé par un maquis de règles administratives, aux délais plus interminables les uns que les autres, voire même que les communes puissent plus aisément mettre à disposition leur foncier, en facilitant la reconversion des friches industrielles et commerciales.  On pourrait presque entrevoir la possibilité d'installer des centres de formation dans les petites villes, proches des centres industriels, de leurs besoins, qui permettent aux jeunes, garçons et filles, d'étudier près de l'endroit où ils travailleront.

Innover et produire sur le sol national n'est pas une chimère. C'est même une ardente obligation si on ne veut pas retomber dans les affres d'un pays incapable de produire suffisamment de masques. Vouloir un pays plus résilient, cela passe aussi par les petites villes. Et si on reparlait d'aménagement du territoire ?

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