Local ou global ? Le dilemme des constructeurs de voitures de luxe occidentaux en Chine

Le marché en Chine apparaît comme l’eldorado pour les constructeurs automobiles de luxe. Mais leur réussite dépendra étroitement de la prise en compte des spécificités culturelles. Par Boris Bartikowski, Kedge Business School
(Crédits : © China Daily China Daily Infor)

Le marché chinois des voitures de luxe devrait croître de 50% au cours de la prochaine décennie. Aujourd'hui, ce sont les marques étrangères, principalement occidentales, qui dominent ce marché. l'allemand Audi, premier sur le segment du haut de gamme, écoule près de 600.000 véhicules par an en Chine. Son compatriote Porsche a vendu, lui, près de 72.000 unités dans l'empire du Milieu (contre seulement 5.000 en France, à titre de comparaison).

En 2009, le marché automobile chinois a dépassé celui des États-Unis pour devenir le premier au niveau mondial. Les constructeurs de marques de luxe comptent toutefois encore sur la Chine pour doper leurs résultats à l'avenir. Par exemple, l'allemand BMW vient d'investir 1 milliard d'euros pour construire un site de 45 000 m² à Shenyang. Objectif : augmenter sa capacité de production de 50 % pour atteindre 450.000 unités par an. Mercedes, encore une marque allemande, prévoit de son côté d'ouvrir cette année 75 concessions dans 36 villes chinoises encore dépourvues de points de vente.

Pourtant, qui peut prédire l'avenir des ces marques face à la réintroduction de modèles historiques chinois comme la berline Hongqi H7 (« Red Flag »), une nouvelle version de la limousine que conduisait Mao en 1958 ? Comment tirer son épingle du jeu ?

Deux options s'offrent aux fabricants d'automobiles de luxe en matière de stratégie de marque : d'abord, un positionnement global. Par exemple, les marques de voiture allemandes bénéficient fortement de la bonne réputation de leur pays d'origine en termes de qualité de fabrication et de fiabilité, des caractéristiques dont jouent les publicitaires à fond. Seconde option stratégique : le positionnement local. la marque va alors mettre en avant des éléments tels que la proximité des sites de production, le support de l'économie domestique, le respect de la tradition du pays, etc.

Il est généralement admis que les consommateurs attachés à la culture nationale préfèrent un positionnement local alors que les personnes plus ouvertes au monde ou cosmopolites donnent l'avantage à un positionnement global. L'étude que nous venons de réaliser à KEDGE montre que ces présupposés ne sont pas toujours vérifiés. Tout dépend en réalité de l'identité du consommateur et, dans certains cas, de son besoin de se différencier, de se sentir unique.

La Chine, un marché pas comme les autres

Dans cette étude, nous avons pu démontrer dans quelle mesure le besoin de se sentir unique modifie la relation entre l'appartenance des consommateurs à un groupe national/traditionnel versus cosmopolite. En conséquence, ce besoin va déterminer sa préférence pour un positionnement local ou global.

En Chine, un élément spécifique est à considérer : l'importance de la valeur sociale d'une personne à travers ses actions, ce qui va déterminer son image et donc sa réputation. Cette valeur sociale est souvent liée à la richesse et à la mise en avant de ressources financières, matérielles ou symboliques. Il s'agit d'un facteur supplémentaire à prendre en compte pour élaborer une stratégie de positionnement de marque de luxe. Les constructeurs automobiles n'ont pas intérêt à partir du principe que l'élévation du pouvoir d'achat s'accompagne forcément de la mondialisation des attentes sur le marché du luxe. En réaction à la standardisation, le consommateur chinois peut être amené à exprimer de plus en plus sa personnalité et à afficher ses choix liés à la tradition et à la culture traditionnelle.

Alors, quel équilibre entre positionnement global et local ? Pour le savoir, notre approche a consisté à faire réagir à de fausses publicités un panel représentatif du segment des acheteurs chinois de voitures de luxe.

Les voitures de luxe victimes de leur propre succès ?

Les résultats obtenus vont à l'encontre de ce qui est communément admis. Certes, on observe que les Chinois qui affichent leur attachement à leur culture nationale préfèrent généralement un positionnement local. Cependant, pour leurs compatriotes dont l'orientation est plus cosmopolite, la préférence pour un positionnement global ou local dépend surtout de leur besoin de se différencier.

Ces constats ont des conséquences considérables en termes de stratégie marketing pour les constructeurs automobiles de luxe : en effet, la standardisation des produits de luxe n'est pas forcément la meilleure option. Les marques ayant un fort ancrage local doivent mettre en avant à quel point leur originalité permet au consommateur de gagner le respect et l'admiration de ses pairs. Quant aux marques qui flattent le souhait du consommateur de se distinguer de la masse, elles doivent fonder leurs campagnes publicitaires sur la rareté et l'exclusivité, en renforçant l'association de leur identité avec des facteurs ethniques.

L'envie de posséder une BMW ou une Mercedes pourrait donc s'émousser au fur et à mesure que le nombre de voitures de luxe augmente sur les routes chinoises. Autrement dit, ces marques pourraient devenir les victimes de leur propre succès. On peut donc se demander si tous les investissements réalisés récemment ne sont pas à contre-cycle...

The Conversation _____

 Par Boris BartikowskiProfesseur de marketing, Kedge Business School

 La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaire 1
à écrit le 03/10/2018 à 10:51
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LE mieux étant de donner un pot de vin au parti communiste Chinois, mais pas un petit par contre hein c'est plus comme il y a trente ans !

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