Mieux payer les PME avec le concours des grands comptes : un enjeu de 50 milliards d’euros  !

OPINION. Clichés, approximations et autres généralisations vont bon train lorsqu'il s'agit de qualifier les comportements de paiement des sociétés : des PME reprochent aux grands comptes de les payer en retard, tandis que ces derniers estiment parfois que leurs fournisseurs ne respectent pas leurs normes de présentation des factures. Par Philippe Luscan, Président de Pacte PME ; François Perret, Directeur général de Pacte PME et Jacques Schramm, Administrateur de Pacte PME.
Philippe Luscan, François Perret et Jacques Schramm.
Philippe Luscan, François Perret et Jacques Schramm. (Crédits : DR)

L'image du grand compte qui chercherait à pénaliser à son profit ses sous-traitants, ou de la PME inconséquente, nous semble datée autant qu'erronée. Le 4e baromètre Altares Pacte PME pour l'année 2023 ne laisse pas place au doute : plus de trois factures sur quatre (77% exactement) sont payées à l'heure à leurs fournisseurs par les grands groupes.

Autre résultat réconfortant : alors que dans un passé pas si lointain, les grandes entreprises se montraient moins assidues lorsqu'il s'agissait de régler les factures de petit montant, moins d'une facture sur quatre inférieure à 10.000 euros est désormais payée avec retard.

Ces résultats sont à mettre sur le compte d'un grand nombre de facteurs qui, cumulés, ont fait considérablement et positivement évoluer les esprits : une législation plus draconienne depuis la Loi de modernisation économique (LME) et celle plus récente sur la facturation électronique, assortie de sanctions plus lourdes en cas d'infractions constatées par la D.G.C.C.R.F, une pédagogie plus régulière et déterminée, une organisation des systèmes de paiement améliorée dans les grandes entreprises, enfin.

Est-ce à dire que les choses sont acquises et qu'on ne peut viser encore plus haut ?

C'est tout le contraire ! Non seulement, tout relâchement de la vigilance de paiement serait coupable, car -tout mis bout à bout- nous estimons que c'est encore près de 50 milliards d'euros dont sont privés les PME françaises dans leur trésorerie en raison de pratiques trop défensives sur les délais de paiement.

Des progrès substantiels peuvent ainsi être encore accomplis dans l'hexagone (dont le retard moyen de paiement atteint encore 12 jours cette année) pour se rapprocher de nos voisins les plus avancés (Allemagne, Pays-Bas ou Suisse), dotés d'une véritable « culture payeur » aboutissant à la fois à des standards de paiement plus courts à 30 jours et à des retards n'excédant pas 7 jours en moyenne en 2023.

Comment s'y prendre pour réduire encore ces retards de paiement ?

En levant deux freins principaux. Le premier est lié aux blocages imposés aux fournisseurs dans l'amont du processus achat du donneur d'ordres. Des blocages qui l'empêchent d'émettre son bon de commande ou sa facture alors qu'il a, le plus souvent, démarré - voire terminé - son travail depuis plusieurs mois déjà. C'est la face cachée des retards de paiement les plus fréquents, avec de réels impacts en trésorerie lorsqu'on analyse les liasses fiscales des PME fournisseurs.

Autre direction à prendre en priorité : les conditions de règlement contractuelles à partir desquelles sont mesurés les retards de paiement. La plupart du temps elles sont adossées au « maximum réglementaire » de la LME, à savoir 60 jours nets ou 45 jours fin de mois. Or, dans le cadre de l'observatoire de Pacte PME, nous constatons des pratiques de paiement souvent plus volontaristes à 45 jours nets, 30 jours nets, 20 jours nets et même 5 jours nets vis-à-vis des PME pour certains champions de cette pratique avancée. Des pratiques qui pourraient être plus largement diffusées dans l'économie.

Quand on évoque le comportement de paiement des grandes entreprises, il nous appartient donc de nous délester des réflexes habituels poussant à une injuste caricature, mais aussi de démontrer le leadership dont nos entreprises sont capables, en déployant largement de bonnes pratiques connues et éprouvées.

Avec un double intérêt à aller dans cette direction. D'abord, se préparer à des normes et règlementations plus exigeantes, tout particulièrement à l'échelle européenne. Ensuite parce que dans nombre de branches professionnelles exposées à la concurrence internationale, chasser en meute est plus efficace pour gagner des marchés en France et à l'export. Pour cela la supply chain doit être forte. Ce qui n'est pas possible si la trésorerie est le maillon faible des relations donneurs d'ordre/fournisseurs. Enfin, parce que les enjeux sociétaux prennent une importance croissante.

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