Naval Group connaîtra-t-il le même sort qu'Alstom ?

Le 2 février dernier a été signé le rachat de STX, anciens chantiers navals de l'Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri. Les conséquences en matière d'emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont immenses. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques, estiment Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise.
De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise.
De gauche à droite, Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise. (Crédits : DR)

Le 2 février a été signé le rachat de STX, anciens chantiers navals de l'Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri. Les conséquences en matière d'emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont immenses. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques.

Un premier accord avait été négocié. Mais l'arrivée aux affaires d'Emmanuel Macron l'avait rendu caduc. Pourtant, d'après ce que l'on sait, les conditions du nouvel accord ne sont guère différentes du premier. Pourquoi ce revirement ? Ça sent le souffre.

La situation de conflit d'intérêts d'Alexis Kohler révélée dernièrement par Mediapart jette le doute sur cette opération. Ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron à Bercy, aujourd'hui secrétaire général de l'Élysée, Monsieur Kohler a travaillé entre temps comme directeur financier du croisiériste italo-suisse  MSC, propriété de son cousin Gianluigi Aponte. Or, MSC est un des grands clients de STX ; l'État français a assuré ses contrats qui s'élèvent à environ un milliard et demi d'euros ; MSC est aussi un client de Fincantieri. Mais il s'était également positionné pour la reprise des chantiers français.

La perplexité grandit lorsqu'on apprend en même temps le "rapprochement" de Fincantieri avec Naval Group, fleuron de l'industrie française maritime et garant de notre indépendance nationale. Sur ce processus pourtant crucial, très peu d'informations parviennent a filtrer. Auditionné par la commission d'enquête sur la politique industrielle, Bruno Le Maire a concédé que cette opération est étroitement liée à la vente de STX. Il se passe beaucoup de choses sous la table dans cette affaire.

En septembre 2017, trois groupes de travail avaient été créés pour préparer ce rapprochement. Mais l'État français, semble-t-il, ne siège que dans un seul d'entre eux. Ce n'est pas tolérable. Car le risque de voir la France se défaire une fois encore de capacités industrielles stratégiques revient à l'horizon.

L'indépendance de Naval Group, une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France

Les députés que nous sommes ont beau alerter et demander des précisions, le pouvoir ne fournit que son habituelle communication fondée sur le mythe des "coopérations gagnant-gagnant". Il oublie que nous sommes échaudés car l'histoire industrielle récente des fusions d'entreprises compte plus de fiascos que de success-story. Les éléments de langage invoquant un "Airbus maritime" ou un "mariage entre égaux" sont si ridicules qu'ils effraient.

Tout d'abord, la stratégie qui consiste, au nom de la défense européenne, à mettre en partage des savoirs-faire qui relèvent de la souveraineté est une naïveté qui finit par coûter cher. Ensuite, entre Fincantieri et Naval Group il n'y a pas d'égalité. Les compétences de l'Italien sont beaucoup plus restreintes que celles du Français. Naval Group est en effet en capacité d'agir sur l'ensemble du spectre des besoins de la marine nationale, en particulier la propulsion nucléaire. Son indépendance est une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France. Or, le rachat de STX est à peine acté que Fincantieri pose déjà des conditions pour prendre l'ascendant sur des marchés étrangers dans lesquels Naval Group est bien implanté, notamment en Amérique latine. Alors que Thalès est le fournisseur principal de l'électronique pour Naval Group, Fincantieri privilégie sa coopération avec Leonardo. Qu'en sera-t-il après ce rapprochement ? On le devine !

Retenir les leçons du scandale Alstom

Le milieu très feutré des industries de défense laisse donc filtrer un faisceau de signaux alarmé qui donnent toute raison d'être inquiets.

La France devrait retenir les leçons du scandale Alstom, un sinistre déjà imputable à Emmanuel Macron. Donner le TGV à Siemens et les éoliennes à General Electric est un scandale industriel à nos yeux. Il est temps que les pouvoirs publics se dotent d'une autre stratégie globale en faveur de l'industrie, pour sa protection et son développement. Cela plutôt que le seul intérêt financier immédiat. Il est temps que cessent la naïveté et la collusion entre dirigeants économiques étrangers et responsables politiques français. Il est temps que le gouvernement protège la souveraineté nationale. Pour cela l'opération de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group doit être abandonnée.

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Par Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France insoumise et Bastien Lachaud, député France insoumise.

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Commentaires 7
à écrit le 04/06/2018 à 22:04
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"À nous", vraiment ? Pour en rester à la seule réussite industrielle "européenne", Airbus, autre petit rappel donc : après la Caravelle, le premier satellite européen, le Concorde (avec les anglais), nous avons "choisi" l'Europe (les allemands) sur l...

à écrit le 04/06/2018 à 18:51
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il voudrait avoir le beurre et l´argent du beurre le melanchon.... rien n´empechait des groupes francais de présenter une offre... aucune société francaise ne l´a fait. donc maintenant, l´acheteur est le propriétaire, il fait ce qu´il veut. poin...

le 04/06/2018 à 21:07
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Merci de confirmer que nous avons des oligarques qui ne servent à rien ! Aucun d'eux n'a été fichu de racheter STX alors que le bon de commande est rempli pour 10 ans.

à écrit le 04/06/2018 à 18:38
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Je ne crois pas que ce soit par plaisir ou uniquement pour se faire plus de blé,que les industriels cherchent des partenaires.Si Naval Group se sentait assez costaud pour affronter la concurrence américaine,chinoise,russe ....etc,il ne chercherait pa...

à écrit le 04/06/2018 à 16:51
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Ces petits points de rappels de l'histoire immédiate sont toujours heureux dans notre société du flux permanent qui recouvre d'un oubli - aussi rapide qu'éternel - les faits réels. De la dématérialisation à la désindustrialisation, nous vivons en sus...

à écrit le 04/06/2018 à 15:24
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Et dire qu'il y a quelques années nous faisions Concorde avec nos amis Anglais...Comme en 40 nous avons baissé les bras, la chute sera dure.

à écrit le 04/06/2018 à 14:17
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"Donner le TGV à Siemens et les éoliennes à General Electric est un scandale industriel à nos yeux." C'est surtout donner le TGV a siemens qui est non seulement scandaleux mais surtout stupide de part la faiblesse criante de l’Allemagne et de son...

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