Non à l'abandon des initiatives vertueuses pour l'emploi

OPINION. ATD QuartMonde dénonce la baisse des moyens de l'État consacrés à l'expérimentation Territoire Zéro chômeurs de longue durée, unanimement saluée à sa création, qui a permis l'embauche de 3.600 personnes. Un rassemblement est prévu le 24 octobre devant les Invalides à Paris et une pétition à été lancée. Par Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde, et membre fondateur de Territoires zéro chômeur de longue durée
Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde
Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde (Crédits : DR)

Depuis 2017, l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée l'a démontré : en agissant au niveau local, au plus près des besoins des personnes et des territoires, nous pouvons collectivement mettre fin au chômage de longue durée et rendre effectif le droit à un emploi décent. Concrètement, le projet consiste à réaffecter les coûts de la privation d'emploi (subventions, allocations...) au financement d'Entreprises à But d'Emploi (EBE) créées spécifiquement pour embaucher - sur la base du volontariat - des chômeurs de longue durée en CDI, au SMIC et à temps choisi, afin de réaliser des travaux utiles localement, mais non réalisés car jugés peu rentables par le marché.

Le président de la République a apporté son soutien à plusieurs reprises à cette expérimentation menée avec un incroyable succès : 58 territoires engagés, 64 EBE créées et plus de 3.600 personnes embauchées. Pourtant, deux décisions récentes du gouvernement mettent en danger la stabilité financière - et donc la pérennité - du projet.

La première menace est le choix de diminuer la Contribution au Développement de l'Emploi que l'État et les départements versent pour chaque emploi créé par les Entreprises à But d'Emploi. La diminution de cette contribution, qui vient de passer de 102 à 95% du SMIC, fragilise la stabilité financière des entreprises créées dans le cadre de l'expérimentation. Elle les place face à des objectifs économiques inatteignables : une Entreprise à But d'Emploi de 100 salariés devra augmenter sa productivité de 34% pour combler le déficit de 170.000 euros découlant de ce désengagement de l'État. Ce tour de vis financier paraît d'autant plus injustifié, que le coût annuel brut d'un emploi créé dans le cadre de Territoires zéro chômeur de longue durée s'élève à 24.600 euros. Un coût bien en dessous de celui des autres politiques de créations d'emplois mises en place depuis trente ans : entre 24.000 euros et 50.000 euros par emploi pour les allègements de cotisations, 180.000 euros par emploi pour le CICE, entre 40.000 euros et 160 000 euros par emploi pour les réductions et crédits d'impôt sur les emplois de services.

Le second danger vient du projet de loi de Finances 2024 qui prévoit un budget bien inférieur à ce que nécessite la poursuite de l'expérimentation. Avec une enveloppe annoncée de 69 millions d'euros alors qu'il faudrait 20% de moyens supplémentaires pour permettre aux territoires engagés dans l'expérimentation de continuer à embaucher, le gouvernement acte le gel de l'expérimentation et renie les engagements qu'il a pris en habilitant de nouveaux territoires à s'y engager. Pire, il remet en cause la nature même de l'expérimentation : l'ambition de ne laisser personne de côté, et de proposer un travail à toute personne en privation durable d'emploi qui le souhaite sur le territoire, à commencer par celles et ceux qui en sont le plus éloignés.

La force du projet Territoires zéro chômeur de longue durée, c'est d'offrir à ces personnes - qui n'en ont aucune - une perspective d'emploi. Et ça marche ! L'expérimentation a fait ses preuves, plusieurs milliers de personnes ayant pu retrouver un emploi et exercer leur dignité.

Cette mise en danger de l'expérimentation est incompréhensible à l'heure où le gouvernement défend un objectif de plein-emploi. L'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée porte justement en elle la promesse d'un plein-emploi réel qui prend en compte les personnes les plus éloignées de l'emploi, non pas en les sanctionnant toujours davantage, mais en créant et en leur proposant des emplois décents accessibles. Or, la France a besoin de créer massivement des emplois décents. Pour les 2,2 millions de chômeurs de longue durée, les 367 000 postes vacants ne suffisent pas, contrairement à ce que voudraient faire croire certains responsables politiques et économiques.

« Ce projet donne de l'espoir à celles et ceux qui n'ont plus de possibilité de retrouver un travail. Et nous sommes nombreux. Pour nous, aucun autre projet n'est [...] comparable à celui-ci : il permet que chaque personne puisse être acteur de sa vie », disait un salarié.

Il est encore temps de changer de cap et de permettre à l'expérimentation d'aller à son terme avec les moyens nécessaires au respect de son cahier des charges. Il est encore temps de lui donner toutes les chances de réussir et de ne pas briser l'espoir que des milliers de personnes exclues du monde du travail ont mis dans ce projet. Nous disons « Non au détricotage de cette expérimentation » et appelons à la mobilisation.

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Commentaires 2
à écrit le 20/10/2023 à 18:45
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Ben avec le travail forcé offert aux entreprises privées par l'argent public via chômeurs et pauvres, c'est bon maintenant ils sont servis ! Ils n'auront juste qu'à augmenter les jours de travaux les années à venir. What else ? Mieux que le moldave a...

à écrit le 20/10/2023 à 12:07
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Le champs expérimental n'entre pas malheureusement dans la doxa actuelle , seul ce qui descend des cimes est la vérité !!! hélas

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