Paris 2024 ou l'absence d'une concertation mobilisatrice

La candidature aux JO de 2024 doit être portée par le peuple, sans quoi elle a peu de chances de l'emporter. Par David Heinry, Président d'Alter&Go Concertation

Rarement le besoin d'unité nationale n'a été aussi fort. La violence des évènements qui ont marqué l'année 2015 a fait ressurgir une aspiration à des moments de communion nationale, un besoin de vivre ensemble, une fierté d'appartenir à un pays, à une histoire, à une ville meurtrie. Face à ce constat, aucun autre projet collectif ne pourrait être porteur de plus d'enthousiasme, d'optimisme, d'énergie positive que la candidature de Paris à l'organisation de Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Lancée en juin 2015, celle-ci vivra au moins jusqu'au vote des membres du Comité international olympique (CIO). Sans que pour l'heure, il faut bien l'avouer, on ne perçoive l'émergence d'une dynamique de soutien visible au cœur de la société.

 Une phase de concertation sans ambition

Il était certes complexe, ces dernières semaines, d'émerger au cœur d'une actualité lourde. Il n'empêche : la phase de concertation lancée à la mi-février par le comité de candidature Paris 2024, et qui doit s'étendre jusqu'à la fin septembre, paraît peu ambitieuse face au défi qu'elle a à relever : mobiliser les Français et même au-delà. Pourtant, à l'heure du choix entre Los Angeles, Rome, Budapest et Paris, les quatre villes en lice, la perception que les membres du CIO auront de la mobilisation des populations locale et nationale sera un élément déterminant pour ne pas dire décisif. Le choix de Londres en 2012 en a été l'illustration.

 Quelle mobilisation populaire?

On ne peut douter que Paris ait su tirer toutes les leçons de ses précédents échecs pour concevoir une offre technique de premier plan, à la logique économique exemplaire, avec une approche développement durable assumée, et associée à une stratégie de conquête reposant sur un lobbying performant. Mais les questions demeurent quant au mécanisme de mobilisation populaire. Deux éléments nouveaux sont pourtant apparus intéressants dans la démarche actuelle : l'offre de concertation via des ateliers citoyens et via la mise en ligne d'une plateforme d'expression afin d'identifier des propositions à inclure dans le projet. Ces actions sont les premiers symboles de la volonté réelle d'associer le plus grand nombre. Mais ces initiatives sont-elles suffisantes pour aller chercher le niveau d'intensité collective, de mobilisation du public, d'implication à la hauteur de l'enjeu ? Rien n'est moins sûr.

 Quelques moments clé d'une potentielle grande aventure collective ont déjà créé quelques déceptions. La campagne de crowdfunding Je rêve des Jeux, lancée à l'automne dernier, a été un échec : 700.000 euros récoltés pour un objectif de 10 millions. Des choix symboliques qui auraient pu susciter un élan participatif ont été figés, telle les conceptions du logo et du slogan de campagne La force d'un rêve, confiées à des agences de communication. Sur le plan de l'affichage de ses personnalités, Paris 2024 a choisi la sécurité, en mettant des sportifs en avant certes, tel l'emblématique Tony Estanguet, coprésident du comité de candidature, mais il serait temps que les responsables politiques, extrêmement présents, se mettent en retrait pour que les citoyens puissent, eux, s'emparer de l'évènement.

 Manque d'ampleur

De nombreux observateurs avertis pointent un projet qui paraît manquer d'ampleur, au lieu d'assumer la dimension extraordinaire de l'aventure, d'une quête de ce Graal que serait l'accueil par la France du monde entier à l'occasion de Jeux olympiques. À la mi-février, la campagne de concertation a été inaugurée par le rassemblement d'un panel d'étudiants, lycéens et jeunes athlètes, baptisé Génération 2024, appelé à imaginer et formuler les premières recommandations participatives. La symbolique est belle, mais elle ne doit pas pour autant être unique et faire oublier que ce sont bien l'ensemble des Français qui doit être associé au projet, à défaut de l'avoir été en amont de la décision de se lancer dans cette aventure.

 Un livret de 100 propositions fera la synthèse de cette consultation à l'automne. Il sera indispensable de prendre garde à ce que cela ne soit pas qu'un objet marketing sans âme ni souffle, mais qu'au contraire il mette en avant l'essentiel : l'aspiration de toutes nos grandes métropoles à se sentir en osmose avec Paris, pour organiser les plus beaux JO de l'époque moderne, pour accueillir le monde en 2024, pour que, dans 8 ans, Paris et plus généralement la France puissent enfin montrer que notre pays et sa capitale ne méritent pas l'image éculée de ville et pays « musée » que nous traînons à l'international. Paris 2024 est l'occasion rêvée de répondre, tous ensemble, à ces questions. Nous en avons la capacité.

Mais à moins de dix-huit mois de l'échéance de 2017, il n'est pas certain qu'une majorité de Français connaisse le contenu de la candidature, quand bien même 65% d'entre eux y semblent favorables selon un récent sondage BVA. Nous savons tous quelle est la relativité de ces études et sondages. Sait-on par exemple qu'il va exister dans les semaines à venir la possibilité d'organiser des réunions de concertation ?

 Une candidature de quelques uns?

Offrir l'image d'une candidature « à l'économie » va certes dans le sens de l'histoire des JO. Mais la démarche de concertation ne peut être, elle aussi, menée « à l'économie », sous peine de construire l'image d'une candidature de quelques uns qui n'auront pas su associer la population dans son ensemble. Le digital et les réseaux sociaux offrent aujourd'hui de formidables potentiels de création d'une adhésion populaire, d'une co-construction, pour que cette candidature soit la candidature de tous. La concertation se doit d'être mobilisatrice et il n'est pas ici question que d'une adjonction de moyens pour concerter. Pour y parvenir, Paris 2024 devra oser surprendre, incarner la modernité, en lançant par exemple des plateformes de contributions vidéos et non écrites, tenter, casser les codes pour donner la parole, associer, et créer l'adhésion, voire l'engagement des Français. Pour mobiliser, il va falloir que la concertation réveille le potentiel d'énergie positive que nous savons mobiliser quand la situation devient critique ou difficile.

 Si elle sait créer cette agora, en jouant sur la corde de l'émotion et de l'humain, cette candidature sera le symbole d'un projet porté par tous, de la créativité de nos concitoyens. Elle sera le projet qui aura su embarquer les foules. Paris n'est pas n'importe quelle ville au monde, la France n'importe quel pays. Faisons rêver et construisons ensemble ce rêve. Mais avec de vraies nouveautés, de profondes innovations dans la démarche pour que ce soit notre projet, à tous.

David Heinry

Président d'Alter&Go Concertation

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Commentaires 2
à écrit le 30/05/2016 à 17:14
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L'auteur semble pro JO mais douter de la fameuse "mobilisation populaire". Et si, tous simplement, les français ne voulaient pas de ces JO et que c'était pour celà qu'on ne leur avait pas demandé leur avis?

à écrit le 26/05/2016 à 23:23
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Enfin un article objectif et mesuré sur le projet Paris 2024 ! Il est certain que l'adhésion des français à la candidature de Paris sera le défi majeur pour 2017. La campagne de crowdfunding a été un échec mais a subit le choc du 13 novembre. La cr...

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