Patrimoine  : que nous réserve le second quinquennat Macron  ?

OPINION. Mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, suppression de la taxe d'habitation due sur la résidence principale, augmentation du taux de la CSG, remplacement de l'ISF par l'IFI, instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus financiers ... le premier quinquennat du Président Macron a été marqué par des choix radicaux. Après les élections législatives de 2022 marquée par une majorité relative et fragile, à quoi faut-il s'attendre concernant le patrimoine des français ? Yvan Vaillant, directeur groupe de l'ingénierie patrimoniale d'Edmond de Rothschild, revient sur l'impact des dernières réformes fiscales et tente de définir le contour du cadre patrimonial des années à venir.
(Crédits : DR)

Jusqu'en 2019, la France faisait figure d'exception parmi ses homologues européens en plaçant son taux d'imposition sur le capital à 54,2%. Avec la création de la flat tax, le taux de taxation des dividendes a diminué de 40 à 30% et celui des plus-values de court terme sur portefeuille titre de 60 à 30%. Le taux étant en réalité de 34% avec la Contribution sur les Hauts Revenus (CEHR). La France s'est ainsi rapprochée de ses voisins européens  qui ont chacun une  flat tax située entre 19 et 28%. Concernant l'assurance-vie, celle-ci s'est bien tirée de cette réforme malgré la suppression des taux d'imposition dégressifs après 4 et 8 ans de détention du contrat. En effet, la capitalisation i.e l'absence de taxation des gains en l'absence de rachat opéré, reste un avantage concurrentiel par rapport au portefeuille titre.

Depuis 2018, l'ISF a été remplacé par l'IFI et a permis de rapporter deux fois plus que prévu soit 1,56 milliard d'euros en 2020 contre 4 milliards pour l'ISF. L'objectif était de réorienter les investissements en faveur des actifs mobiliers, considérant que la propriété immobilière était une rente à l'inverse de la propriété financière. Ce resserrement de l'impôt sur la fortune s'est effectué sans conditions.

L'impact des dernières réformes fiscales.

La crise Covid et l'amélioration de la conjoncture économique depuis 2017 peuvent biaiser en partie les conclusions. Les derniers travaux menés par les équipes de recherche de France Stratégie montrent qu'en pourcentage du PIB, les prélèvements sur le capital sont au même niveau en 2019 qu'en 2017 malgré les baisses de taux d'imposition engagées depuis 2018 grâce à l'accroissement des assiettes fiscales. Ainsi, les dividendes distribués ont fortement progressé en 2018 et 2019 (+9 Md) et ont rattrapé la chute enregistrée en 2013, lorsque le Président Hollande a doublé l'imposition.

Le robinet de recettes fiscales a été fermé et s'est rouvert sous le quinquennat Macron. Concernant l'IFI, l'observation des données macroéconomiques ne permet pas de conclure sur une réorientation de l'épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises. En revanche les départs de France de familles fortunées se sont clairement stoppés.

L'assouplissement de l'exit tax en 2019 a été un signe fort pour attirer les investisseurs étrangers. Combinée à la baisse de l'Impôt sur les sociétés, au recentrage sur l'IFI et à la flat tax, ceci est devenu un non sujet. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que l'impact serait de 0,2 pt de PIB en plus par an à l'issue du premier quinquennat.

A quels changements faut-il s'attendre ?

L'un des grands acquis du premier quinquennat, c'est la stabilité des dispositifs fiscaux durant cinq ans et cette stabilité pourrait donc s'étendre à 10 ans en l'absence de dissolution de l'assemblée et de statu quo. Les premières mesures prises ont été axées sur le pouvoir d'achat (suppression de la redevance audiovisuelle, heures supplémentaires, déblocage de l'épargne salariale). Afin de tenir compte de l'inflation, le barème de l'impôt sur le revenu va être revalorisé de 5,4% pour calculer l'impôt au titre des revenus perçus en 2022, ce qui est du jamais vu (vs 1,4% l'an dernier).

Sur la transmission d'entreprise, le dispositif Dutreil s'est fortement assoupli et cela devrait perdurer. Emmanuel Macron proposait d'augmenter l'abattement pour les successions de 100.000 à 150.000 euros en ligne directe et de créer un abattement de 100.000 euros pour les successions en ligne indirecte, ou d'intégrer les enfants de familles recomposées. Sur ce domaine des transmissions, le parti Les Républicains pourrait prendre part au vote.

Le besoin de rupture en matière de transition écologique : quid du fléchage de l'épargne ?

On parle de la taxation des superprofits des entreprises bénéficiant de la hausse des prix de l'énergie, mais on peut aussi se poser la question de la pertinence de la fiscalité écologique à destination des particuliers. On a vu les limites de la fiscalité punitive. Sur l'aspect incitatif, des crédits et réductions d'impôts existent en faveur de la transition écologique (isolation thermique, chauffage, pompes à chaleur, charges pour véhicules électriques). Ces dispositifs sont hélas très complexes, ils sont limités à la résidence principale et plafonnés en fonction des ressources du ménage.

Les tentatives précédentes d'orienter l'épargne vers les investissements durables dont la loi Pacte étaient trop timides et peu limpides pour l'épargnant. Sur ce sujet, les différents groupes parlementaires peuvent se retrouver également.

L'investissement non côté dans l'économie durable et les infrastructures via le private equity est une piste. Il pourrait s'ouvrir à un plus large public via de nouvelles enveloppes, via l'assurance-vie ou en simplifiant les conditions pour en faire des fonds dits « fiscaux », afin d'accompagner la transition écologique avec l'épargne.

Un cadre européen plus contraignant

L'Europe créé régulièrement des directives contraignantes. La directive DAC 6 oblige les contribuables et leurs conseillers à déclarer certains montages fiscaux européens à leur administration fiscale. Un projet de directive, nommé ATAD 3, aura pour vocation de lutter contre les « sociétés écrans » fictives. Cette approche européenne harmonisée risque d'entrainer une relocalisation de sièges sociaux et de holdings dans les pays d'origine dès cette année. Par ailleurs un impôt mondial minimal sur les sociétés de 15% devrait voir le jour dans les mois à venir. On va revenir à plus de réalisme et de cohérence économique.

Enfin, si la stabilité est fort probable, il est inutile d'attendre une situation plus complexe en cas d'élections anticipées dans les cinq ans. Il faut donc préparer la transmission ou la cession de son patrimoine avec des dispositifs connus, donner et profiter des abattements existants qui ne vont pas se réduire, distribuer des dividendes en flat tax. C'est le moment d'agir !

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