Pourquoi il faut défendre la liberté d'innovation

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Aujourd'hui, l'innovation est devenue un mot valise dans le débat contemporain. Pour cerner plus précisément la notion, l'essayiste britannique Matt Ridley propose quelques critères. Et c'est plutôt original.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

Innovation, le mot est à la mode. Galvaudé, il devient une réponse à tout problème. Mais que signifie-t-il exactement ? Dans une étude publiée par l'Institute of Economic Affairs intitulée « How many light bulbs does it take to change the world ? » (« Combien faut-il d'ampoules électriques pour changer le monde ? »), l'essayiste britannique Matt Ridley liste quelques critères qui selon lui la définissent.

Il rappelle d'abord qu'elle est source de croissance puisqu'elle améliore la productivité, qui consiste à créer plus de richesse avec moins de travail et de ressources, libérant ainsi une partie de ces ressources et du temps économisés pour une autre activité. Il remarque ensuite que, dans les sociétés prémodernes, les institutions tendent à rejeter l'innovation car elle remet en cause la stabilité de ces sociétés fondée sur un conservatisme qui a l'avantage de rendre l'avenir plus prévisible. Cette crainte du changement a pour corollaire une vision malthusienne du monde.

Echange des marchandises mais aussi des idées

Au contraire, l'innovation trouve un terrain propice dans le développement du commerce et les échanges. Comme Matt Ridley l'expliquait déjà dans son best-seller, The Rational Optimist, lorsque les individus se rencontrent, ils n'échangent pas seulement des marchandises, mais aussi des idées et de la connaissance, qui d'une part peuvent se partager sans perte et d'autre part se combiner sous une nouvelle forme originale, plus à même de résoudre certains problèmes.

Cette circulation des idées, favorable à l'innovation, bat en brèche l'image d'Épinal du génie solitaire. Au contraire, ce sont les diverses actions menées par essais et erreurs chez les gens ordinaires qui font de l'innovation un mouvement « bottom-up ». Reprenant l'idée de Friedrich Hayek, Ridley souligne que, étant dispersées, la connaissance et l'information ne peuvent pas être l'apanage de planificateurs centralisés. Ce qui explique au passage qu'une même invention a pu être créée par divers individus sans aucun lien entre eux, comme c'est le cas pour l'ampoule à firmament. L'information existe mais dispersée.

Aussi, il n'est pas étonnant de voir des États qui se piquent d'innovation en suivant une logique « top-down » échouer à créer des champions dans un domaine (le minitel et le Concorde, en France). Pour Ridley, les États devraient plutôt se focaliser sur la réduction des obstacles à l'innovation. Microsoft, Facebook et Google ont été créés non par des firmes mais par des individus qui cherchaient d'abord à répondre à des questions qu'ils se posaient.

De même, les grandes entreprises et les bureaucraties sont des ennemis de l'innovation. Malgré leurs départements de R&D, elles protègent des rentes, à travers la propriété intellectuelle, les licences professionnelles, ou avec le soutien de l'État, souligne Ridley.

Les monopoles établis se protègent de la disruption grâce aux copyrights et autres brevets limitant l'innovation qui pourrait au moins améliorer les technologies existantes. En limitant la concurrence, cette situation débouche sur la création d'une classe de rentiers dont la richesse n'a pas été acquise par l'innovation mais par un capitalisme de connivence.

Le dévoiement du principe de précaution

Mais cette logique va bien au-delà des rentes. Ridley évoque le dévoiement du principe de précaution. Initialement focalisé sur les conséquences indésirables de l'innovation, il est devenu sous la pression d'activistes un moyen d'empêcher le développement de nouvelles technologies, même dans le cas où les études scientifiques montrent que ces dernières sont plus fiables et meilleures que celles qui existent. Par exemple, les OGM ou l'énergie nucléaire. Le problème est que ce type d'action entraîne une inaction qui peut engendrer des risques. De ce point de vue, Matt Ridley critique l'Union européenne, devenue l'exemple même de l'institution qui limite l'innovation en renforçant une régulation qui tend à étouffer la concurrence, au nom de ce principe. Pas étonnant dès lors que Ridley ait été un fervent brexiteur.

Robert Jules

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Commentaires 4
à écrit le 19/02/2020 à 11:49
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Oui il faut innover et creer des brevets technologiques : une part du travail d'un ingénieur et d'un chercheur quelque soit le domaine dans lequel il travail est un travail de creativité et d'innovation. Les start'up innove dans le numerique et crée ...

à écrit le 19/02/2020 à 11:16
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Pourquoi faut il répéter son commentaire pour être publier? Le seul intérêt de l'innovation, c'est le progrès qu'elle apporte, certain veulent en faire un but, alors que ce n'est qu'un moyen!

à écrit le 19/02/2020 à 8:43
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"Galvaudé, il devient une réponse à tout problème" En effet ce n'est devenu plus qu'un mot afin que nos politiciens et nos hommes d’affaires continuent de se raconter des histoires, de nous raconter des histoires, afin de se croire, de se vouloir...

à écrit le 18/02/2020 à 18:30
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Le seul intérêt de l'innovation, c'est le progrès qu'elle apporte, certain veulent en faire un but, alors que ce n'est qu'un moyen!

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