Pourquoi il n'est pas (encore) trop tard pour conquérir les marchés chinois

La petite musique entendue en France sur le moindre attrait de la Chine ne correspond pas à la réalité. C'est aujourd'hui l'un des pays les plus innovants au monde. Un retour d'expérience de l'Accélérateur ETI. Par Fanny Letier, membre du comité exécutif de Bpifrance et en charge du financement des PME

Après notre voyage en Chine, on m'avait prédit un gros coup de fatigue. Jamais je ne me suis autant sentie portée par l'enthousiasme et pleine d'énergie. Avec notre promotion d'ETI sélectionnées par Bpifrance, nous avons découvert de l'intérieur les grands champions de la nouvelle économie chinoise, comme Alibaba, Baidu, Xiaomi. Nous avons rencontré des Français qui y ont réussi. Une semaine intense et riche pour ces entrepreneurs français venus chercher de nouveaux leviers de croissance et de l'inspiration pour accélérer leur trajectoire.

En France, il y a cette petite musique sur le moindre attrait de la Chine : ralentissement de la croissance, corruption, hausse des salaires, partenariats complexes, saturation du marché par les producteurs locaux... Derrière cela se cache une tout autre réalité, à savoir la transformation profonde et rapide de la Chine.

Un des pays les plus innovants

Fini l'image d'un pays low cost, la Chine est aujourd'hui l'un des pays les plus innovants au monde ayant conçu par exemple le premier satellite quantique. Terminé le focus sur l'industrie : la Chine est déjà le premier pays manufacturier au monde, mais aujourd'hui les services représentent plus de 50% du PIB et 630 millions d'internautes poussent la transformation digitale de l'économie. Dépassé le modèle des grands conglomérats publics liés au parti communiste, qui réduisent drastiquement leurs effectifs, mais place à une nouvelle génération d'entrepreneurs privés self made men qui ont bien compris le message de Deng Xiaoping : "Enrichissez-vous !" avec des success stories à faire pâlir les plus grands géants mondiaux y compris les tout puissants GAFA.

Une Chine en pleine ébullition donc, et de beaux leviers de croissance pour nos entreprises françaises si elles saisissent ce contexte porteur.

Pourquoi mettre la Chine dans son business plan ?

La Chine représente déjà 15% du PIB mondial. Elle aspire à devenir la première économie du monde entre 2020 et 2025 et progresse avec un opportunisme avisé vers cet objectif. Nul doute qu'elle y parviendra. Car si la croissance de la Chine est en recul, elle atteint encore près de 7 %, un rêve pour tout pays du vieux continent !

Le marché chinois va donc encore s'approfondir. rincipal atout : l'ampleur de sa classe moyenne. Avec 110 millions de personnes, elle vient de dépasser la classe moyenne américaine qui était la référence mondiale en matière de biens de consommation. Les démographes annoncent qu'elle aura doublé en 2022... Sans parler des zones rurales qui constituent des réserves inexploitées de consommateurs. Il n'est donc pas trop tard pour vendre des produits en Chine !

L'innovation et la digitalisation sont les valeurs cardinales de la conquête de la Chine. Le consommateur roi l'a dicté : le BtoB a laissé place au BtoBtoC. Les 630 millions d'internautes jouent un rôle clé dans la transformation digitale des business models. Les chinois ont développé l'e-commerce plus rapidement que les Américains. Les grands champions privés sont avant tout des success stories du digital. En Chine, le digital n'est pas une option. Il est le marché. Branding et marketing sont les maîtres mots. Les entreprises chinoises excellent dans cet "art de la guerre" commercial. Les Américains et les Allemands aussi. Nous avons beaucoup de marge de progrès.

Comment progresser?

Battre en brèche l'image de la France "romantique", sympathique mais peu fiable. Valoriser davantage notre innovation et affirmer le caractère différenciant de nos produits. Insister sur le caractère haut de gamme, la créativité, la robustesse et la sécurité de nos produits. Savoir aussi se rendre visible sur un marché aussi immense que la Chine. Tout cela suppose un investissement majeur dans le marketing et le branding que les PME et ETI françaises délaissent trop souvent.

Cela étant dit, nous avons des atouts immenses : la French Touch est déjà très présente dans l'imaginaire du consommateur chinois. Il n'y a pas de raison qu'elle reste l'apanage de grands groupes de luxe. Nous sommes dans le top 3 mondial de l'industrie du tourisme. Nos savoir-faire les intéressent. Nos PME et ETI familiales ont des marques imprégnées d'histoire, de territoires et s'inscrivent dans le temps long. Notre industrie est l'une des plus productives ; elle est innovante et diversifiée. Mais tout cela n'est pas suffisamment marketé.

Travaillons donc sur nos marques et notre discours commercial. Apprenons donc à démontrer l'excellence de nos produits - ne le tenons pas pour acquis. Et sachons adapter notre offre au marché local lorsqu'il le faut.

Le time-to-market, c'est-à-dire le délai de mise sur le marché, est crucial pour la Chine. Proposez une innovation trop tôt, elle sera copiée à grande échelle. Présentez-la trop tard, le marché en sera déjà inondé. On peut prendre l'avantage sur un marché si on sait profiter des opportunités et fenêtres qui se présentent.

La force du réseau

Enfin, la force du réseau s'avère l'accélérateur le plus efficace. Dans les affaires chinoises, il faut d'abord investir dans l'humain : commencer par "perdre" du temps, faire connaissance avec les interlocuteurs clés de son marché, nouer des relations personnelles. Alors des réseaux d'une immense valeur s'ouvrent à vous, et les deals se sécurisent par la force de la confiance. Or le réseau français est aussi insuffisamment exploité : la French Tech l'a bien compris, et fédère autour d'elle les startuppers français de Pékin et Shanghaï. Elle consolide la marque French Tech en Chine. La French Touch et la French Fab sont aussi là bas, mais de manière disséminée et peu visible. Jouer sur ces marques et utiliser la force de ces réseaux seraient des atouts considérables.

Sun Tsu a écrit: "c'est au moment où l'on a des certitudes que l'on perd la guerre". Les avis définitifs sur la Chine ont vécu. La Chine est en elle-même un processus de transformation. Bien sûr, il faut s'entourer de bons conseils, se renseigner sur son partenaire, protéger sa propriété intellectuelle. Mais la Chine nous offre un marché de consommateurs ultra-dynamique qu'il nous faut apprendre à comprendre et à séduire. A défaut d'y rencontrer le marché, on y trouvera des idées transposables hors de Chine. Les petites discussions mènent aux grands résultats. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. L'accélérateur ETI a planté ses graines en Chine. Fabriquons ensemble le réseau français qui conquerra le marché chinois.

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Commentaires 2
à écrit le 21/09/2016 à 18:31
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La Chine est un pays totalitaire communiste. L'ouverture est une facade pour conquerir le monde. L'Angleterre est deja pratiquement le Hong Kong de Chine en Europe. Quand la Chine ferme la porte en dix ans ou moins toute la reste de la planete sera t...

le 21/09/2016 à 22:19
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La Chine est totalitaire mais elle fait 7% par an. L'Europe est une démocratie mais elle s'approche de zéro par an.Pour trouver 6 ou 7 % par an en Europe, il faut remonter dans les années 60. Pour ceux qui ont les yeux ouverts, on voit que la cr...

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