Présidentielle 2017 : les ruineuses incohérences du programme de Marine Le Pen

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les ruineuses incohérences du programme de Marine Le Pen

 On peut dénoncer la dangerosité du programme du front national, au nom des valeurs, et tout ce que la thématique de la préférence nationale véhicule de tendancieux. On peut aussi considérer que le programme du Front n'est qu'un pur habillage. Que sous ses allures souvent acceptables, le plus souvent flou et incantatoire, il ne doit pas faire oublier que le populisme a souvent emprunté le chemin de la légalité et de la respectabilité pour parvenir à ses fins. Prendre argument de l'Histoire, ou plutôt des risques de bégaiement de l'Histoire, pour mettre en alerte sur des intentions cachées.

Taillé pour séduire tous les perdants de la mondialisation

Essayons pourtant de nous en tenir au programme, pour ce qu'il est, sans extrapolation. Les 144 engagements présidentiels de Marine Le Pen. Un programme qui lui aussi, à sa manière, pourrait se revendiquer et de droite et de gauche. Taillé pour séduire tout ce que la France compte de perdants de la mondialisation. Avec une forte dimension sociale, en direction  des retraités, des ouvriers, des classes moyennes, combiné à un fort interventionnisme d'État et un protectionnisme « qui se revendique intelligent » sans autre précision.

On peut prendre une à une les mesures de ce programme, pour en extraire les plus clivantes. Avec en n°1 le « retour des quatre souverainetés : monétaire, législative, budgétaire et territoriale » et notamment la sortie de l'euro. En n°2 : le retour à 60 ans de l'âge de la retraite. En n°3 la taxe sur le travail des étrangers. En n°4, une contribution sociale sur les importations de 3%.

Le vrai danger n'est pas dans ses propositions économiques, prises une par une

Chacune de ces quatre options peut être rationalisée et il serait malhonnête de prétendre que la science économique les disqualifie sans  réserve.

Oui, la zone euro est dysfonctionnelle, et peut faire hésiter entre l'option de l'Europe et de la non-Europe. Et il se trouve des économistes de tout bord aujourd'hui pour porter, à voix haute ou à voix basse, ce positionnement.

Certes, la retraite à 60 ans est a priori problématique, d'autant que les récentes réformes de rallongement parviennent au mieux à assurer un équilibre financier à long terme, au prix, il faut le dire, d'une dégradation forte du pouvoir d'achat des retraites. Mais si les tenants de la fin du travail ont raison, réduire alors la durée d'activité peut faire sens, autant que le revenu universel, à condition d'en préciser les modalités de financement. Là encore, on aurait tort d'en faire un débat interdit.

Sur la question de taxer le travail étranger, oublions à nouveau la dimension éthique.  On peut tenter de rationaliser la chose. Taxation n'est pas interdiction. Et l'on peut toujours évoquer la nécessité de rentabiliser nos investissements dans l'éducation.

Quant au fait d'instaurer une taxe sur les importations, on sait là aussi qu'elle heurte le consensus expert, nos engagements internationaux, etc. Mais avouons aussi que le mur des certitudes est bien ébranlé par une mondialisation bien moins heureuse que ne le promettaient ses promoteurs.

Mais dans sa cohérence : c'est une machine à faire des chèques

Le vrai danger du programme n'est donc pas dans ses propositions. Il l'est dans sa construction, dans sa cohérence d'ensemble. Le programme est une machine à faire des chèques, en direction de tout ce que la société peut compter de perdant. Pourquoi pas. Il propose dans le même temps de rompre avec les engagements internationaux, notamment européens. Réduisant la sortie de l'euro en une sorte de thérapie miracle qui restaure les marges de manœuvre discrétionnaires des États, leur redonnant  en instantané les moyens de restaurer l'État-providence.

Et c'est bien là l'un des très gros écueils du programme du Front National. Car s'il peut être légitime de vouloir désengager la France d'une Europe dysfonctionnelle au nom de son intérêt à long terme, comme toute réforme de structure lourde, elle a un coût. Et même s'il s'agit de vouloir s'extraire d'une rigueur programmée, non choisie, cette option appelle à son tour une rigueur drastique si elle veut se donner des chances de réussite à terme.

Le dérapage du programme du FN est celui de l'incohérence temporelle

Nul ne peut prétendre qu'elle enrichit l'État et le citoyen par un coup de baguette magique. C'est un leurre. Tout au contraire, elle exige une rigueur technique redoutable. Et une politique de soutien de l'offre et des institutions financières extrêmement coûteuse. Térésa May, dans le cas britannique, ne s'y trompe pas. Elle gage la réussite du Brexit sur une politique fiscale, industrielle et d'investissement exigeante, et prépare les citoyens britanniques à un appauvrissement transitoire.

Le risque de dérapage économique du programme du FN est d'abord là : l'incohérence temporelle de son programme. Et son échec programmé aura pour seul résultat de réassurer les tenants d'une Europe rigoriste et les fossoyeurs de la protection sociale.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 21
à écrit le 29/03/2017 à 18:12
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Incohérences des candidats? toujours joli sur le papier. progression de la dette publique français sous : Sarkozy : 120 milliards / an. Hollande: 92 milliards / an. à l'arrêté dec 2016. Hamon, Macron, Mélanchon, Le Pen, Fillon. à voir. l'économie e...

à écrit le 29/03/2017 à 18:06
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je connais très bien le fonctionnement des comptes de campagne de Marine et des ses aides... l'association jeanne et autres, ... je sais aussi que son programme est taillé pour ne pas etre appliqué; on a depuis des décennies parlé du président mais e...

à écrit le 29/03/2017 à 10:29
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Ah si c'était Macron qui prêchait ça, Gattaz ne dirait pas la même chose! Le dérapage, l'incohérence, c'est Macron. Face au risque du chaos macronique, il est indispensable de voter massivement Le Pen dès le premier tour.

le 29/03/2017 à 18:10
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je ne suis pas tout a fait d'accord en fait je vais voter Fillon au premier tour (je voulais voter Marine) hélas notre fillon fille un mauvais coton...et on ne sait pas éliminer Macron...qui est le vrai danger pour tout et pour tous... car en plus i...

à écrit le 28/03/2017 à 14:25
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Programme economique du FN : - incoherence - inconstance - zone d'instabilité -manque de clarté et crise systèmique ? -coût exhorbitant ( estimé à 180.000.000.000 €) que le FN fasse le chèque à la Banque de France Oui Madame Le Pen doit revoir ...

le 29/03/2017 à 18:14
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je me permet de souligner que pour faire cela elle devrait avoir une majorité à l'assemblee et elle ne sera jamais élue.....le vieux cri et le secours au reflexe républlicain meme fillon dira de voter macron contre Marine..on oublie que la loi est fa...

à écrit le 28/03/2017 à 13:31
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Les gens ne votent pas le pen pour son programme, ils votent le pen pour contester.

à écrit le 28/03/2017 à 11:33
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Presque la moitié des candidats veulent sortir du système européen actuel...il doit bien y avoir une raison...les disqualifier avec mépris au nom d une pseudo cohérence se heurte à une réalité celle du chômage de la non croissance des concurrences f...

le 28/03/2017 à 16:47
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Les Français paient un max d'impots car ils ne veulent pas remettre en cause leur modèle social, l'aménagement de leur territoire, la présence rurale, une armée relativement forte, une démographie gallopante etc... Bref, les problèmes de la France n...

à écrit le 28/03/2017 à 11:11
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Pourquoi parler de personnes qui n’accéderont jamais à la Présidence..?? Notez, heureusement. Car cela signifierait que nous avons oublié une période qui remonte juste à 70 ans.

à écrit le 28/03/2017 à 10:05
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Encore une façon de chercher à influencer de manière négative l'opinion publique sur le clan à abattre dans la campagne présidentielle ! Noyés dans ce flot d'arguments d'un pessimiste combatif dirigé contre une candidate réprouvant l'Europe d'aujour...

le 28/03/2017 à 11:10
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L'histoire de la France comme de l'Europe est faîte d'avancées et de reculs depuis au moins les mérovingiens mais çà finit toujours dans le sens de l'avancée. De Gaulle a été l'un des principaux soutiens aux bases de l'Europe, au rapprochement avec l...

le 28/03/2017 à 13:59
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De Gaulle a vécu en Grande Bretagne pendant la guerre et a compris que le système européen (français et allemand) était plus intéressant. Il a privilégié le système européen à condition d'harmoniser les fiscalités entre les deux pays. La création d'u...

le 28/03/2017 à 16:52
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Vous vous trompez. Le monde a changé. "Avant" la France était une des puissances dominante du continent européen, qui dominait et possédait l'esssentiel du monde. Aujourd'hui, la France est une puissance européenne dans un monde ouvert qui es...

à écrit le 28/03/2017 à 9:15
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Le problème des incohérences ne risquent pas d'être visible chez les autres candidats pour la simple raison qu'ils comptent rester dans cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles et dans l'euro ce qui "noie complétement le poisson" et non don...

à écrit le 28/03/2017 à 8:58
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Suite 2. à condition d'appliquer le financement des charges sociales par une fiscalité énergétique. Si on ne le fait pas, alors il faudrait quitter l'UE et faire comme la GB, ce qui impliquerait de nombreux changements dans notre système social.

à écrit le 28/03/2017 à 8:32
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Suite. Pour en revenir au cas du FN, sa solution de quitter l'union européenne n'est pas la bonne solution. Il serait préférable de privilégier l'union avec l'Allemagne sur le plan économique et surtout fiscal. Ce qui implique de prévoir le financeme...

à écrit le 28/03/2017 à 8:27
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Pour sortir de l'Europe première condition être élue,deuxième condition avoir une majorité au parlement, troisième condition avoir l'aval du peuple avec un référendum c'est pas gagné à mon avis....

à écrit le 28/03/2017 à 8:11
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Je pense que le débat devrait porter sur la nécessité de répartir les prélèvements sociaux sur la production (charges sociales des entreprises) et sur la consommation (TVA sociale et CSG), et surtout sur la consommation d'énergie. Macron et Hamon son...

à écrit le 28/03/2017 à 6:40
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L’Union européenne a déjà fait beaucoup en la matière et les candidat-e-s à la présidentielle devraient s’en souvenir. Qu’on le veuille ou non, les normes environnementales et sanitaires sont plus protectrices en Europe que nulle part ailleurs. L’eau...

le 29/03/2017 à 1:09
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"Au contraire, le gouvernement va devoir rebâtir tout ce que l’Union européenne avait construit de règlements protecteurs de la santé et de l’environnement." Hein? Mais ils reprendront juste ce qui existe déjà... Ils n'ont rien à faire... C'est total...

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