Raison d'être et société à mission  : il est temps de permettre aux PME et aux ETI de passer à l'action

OPINION. Deux ans après l'adoption de la loi Pacte, la barre des 200 entreprises à mission vient d'être franchie. Il est nécessaire de s'interroger sur les moyens d'action pour faire grandir la raison d'être et la société à mission. (*) Par Elise Tissier, Directrice de Bpifrance Le Lab et Raphaël Haddad, Fondateur et Directeur associé de Mots-Clés.
(Crédits : DR)

Résultat de nombreux travaux de recherche, parmi lesquels le rapport Notat-Sénard de 2018, la loi Pacte vise à redéfinir le rôle sociétal de l'entreprise. Parfois appelée « fusée à trois étages », elle a instauré 3 niveaux d'engagement. Une obligation : la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion de la société. Et deux dispositions optionnelles : la raison d'être statutaire et la qualité de société à mission.

Au 1er juillet 2021, on comptait 202 entreprises ayant opté pour la qualité de société à mission, et un ordre de grandeur analogue concernant les raisons d'être. Si l'on regarde plus en détail, on voit que 56 % des sociétés à mission sont aujourd'hui des PME ou des ETI (40% de microentreprises, et 4% de grands groupes)(*). Mais surtout : près de 15% des dirigeantes et dirigeants de PME se déclarent prêts à se lancer sur ce chantier(**).

Une question s'impose donc : comment faire pour que les dirigeantes et les dirigeants de PME et d'ETI passent davantage à l'action ? Que ces entreprises ne soient plus quelques centaines, mais des dizaines de milliers à formaliser leur contribution sociétale et à l'inscrire dans leur objet social ?

Dissiper les inquiétudes des dirigeantes et des dirigeants

Les directions de PME et d'ETI sont les principaux relais des dispositions instaurées par la loi Pacte. Pour autant, leurs inquiétudes tendent à freiner les initiatives : nouvelles contraintes réglementaires ou peur d'un engagement supplémentaire difficile à tenir durablement, crainte de coûts non maîtrisés, manque de visibilité sur les gains potentiels... Ces hésitations sont légitimes, car trop peu de pédagogie a été faite sur l'adoption d'une raison d'être.

Nous devons nous adresser aux directions prêtes à franchir le pas, mais également à celles qui restent hésitantes. Il est essentiel d'expliquer les notions de raison d'être et de société à mission, sans occulter les réserves qui demeurent et sans prétendre que ce chemin s'impose à toutes les entreprises.

Se lancer dans ces démarches revient à « s'engager dans un projet collectif qui requiert du temps, une mobilisation interne et une appropriation personnelle du sujet par le dirigeant », témoignait récemment une dirigeante de société à mission. Mais l'on aurait tort de regarder ces deux dispositifs uniquement sous le prisme de la contrainte.

Les contreparties et les gains de ces démarches sont nombreux. D'un point de vue stratégique, la raison d'être et la mission jouent le rôle de boussole pour une entreprise. Nous avons par exemple rencontré la situation de dirigeants aux points de vue divergents concernant la contribution sociétale de leur entreprise. À l'issue de leur transformation, ils y ont en fait trouvé le lieu d'un nouvel alignement stratégique.

C'est également un gage de pérennité pour une PME ou une ETI, et une dimension surveillée par les investisseurs de plus en plus sourcilleux s'agissant de la vocation des entreprises financées. Il s'agit aussi d'un argument sur le plan du recrutement. À ce sujet, le dirigeant d'un groupe familial raconte :

« Avec notre qualité de société à mission, nous attirons beaucoup plus de candidatures qu'auparavant chez ceux qui souhaitent s'investir dans des projets ayant du sens à leurs yeux. Les gains de visibilité et d'attractivité sont déjà importants à notre échelle. »

Fournir un cadre adapté à la transformation des PME et des ETI

Un autre défi consiste à partager une méthodologie qui permet aux PME et aux ETI de passer à l'action. C'est d'ailleurs notre objectif à travers le Guide pratique paru récemment : donner les clés pour cadrer la démarche, déterminer les parties prenantes concernées, recueillir leur parole... Un dirigeant ou une dirigeante connaît par cœur le projet et les aspirations de son entreprise. Mais une raison d'être et une mission s'élaborent toujours par l'intelligence collective. Cela implique donc de créer les conditions permettant d'aboutir à un consensus, qui ne soit pas mou.

Après deux ans, la qualité d'entreprise à mission peut se démocratiser. Les témoignages des directions qui l'ont adoptée l'illustrent : une fois les idées reçues dissipées et la bonne méthode identifiée, la raison d'être et la mission sont source de gains visibles pour l'entreprise.

Pour les dirigeantes et les dirigeants de PME et d'ETI, il s'agit désormais de s'appuyer sur l'expérience de ces entreprises aux histoires singulières pour franchir le pas de leur engagement statutaire. Ce chemin engage. Les entreprises en ressortent grandies et les équipes encore plus motivées.

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(*) Données issues de l'Observatoire des sociétés à mission
(**) Données Bpifrance Le Lab

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