Réforme du scrutin municipal : ce qui vaut pour Paris vaut aussi pour les 1200 intercommunalités du pays

OPINION. Des députés Renaissance de Paris, emmenés par Benjamin Haddad, travaillent à l'élaboration d'une proposition de loi visant à modifier la loi PLM. Deux scrutins différents seraient organisés le même jour : l'un visant à désigner les conseillers de Paris, au sein d'une circonscription unique ; l'autre visant à désigner les conseillers d'arrondissement, où la sectorisation actuelle serait conservée. Par Bernard Dolez, professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
(Crédits : DR)

La loi PLM votée à la veille des municipales de 1983 prévoit un mode de scrutin spécifique pour les trois plus grandes villes de France : Paris, Lyon et Marseille sont actuellement divisées en secteurs, qui constituent autant de circonscriptions où sont désignés les conseillers municipaux. Le même bulletin de vote sert à désigner les conseillers de secteur.

Les promoteurs du projet avancent deux arguments : permettre aux habitants d'élire « directement » leur maire et éviter que les arrondissements d'opposition soient « ignorés ». Ces deux arguments prêtent à sourire. Si les maires de Paris, Lyon et Marseille sont, comme ceux de toutes les autres communes françaises, élus lors de la première réunion du conseil municipal, les campagnes locales sont suffisamment centrées sur les prétendants à la mairie pour que nul n'ignore qui sera maire en fonction des résultats du scrutin. Et chacun sait que, dans les autres villes du pays, l'élection dans une circonscription unique n'empêche pas toujours la majorité municipale de privilégier les quartiers - et les habitants - qui lui sont favorables.

La question est ailleurs

Tout scrutin majoritaire qui ne se déroule pas dans une circonscription unique engendre le risque que la distribution des sièges ne soit pas conforme à la répartition globale des voix. Les élections américaines de 2000 en sont l'illustration la plus célèbre : Al Gore avait remporté le vote « populaire » sans parvenir à être majoritaire au sein du collègue électoral, ce qui avait permis l'élection de George W. Bush.

En France, le mode de scrutin municipal comporte une forte composante majoritaire, puisque la liste qui l'emporte se voit attribuer la moitié des sièges en jeu et qu'elle participe aussi à la répartition proportionnelle de l'autre moitié des sièges. En pratique, elle est ainsi assurée d'enlever au moins ¾ des sièges. La distorsion entre le « vote populaire » et le « vote des États », n'est pas propre aux États-Unis. Elle peut aussi être observée à Paris, Lyon ou Marseille. En 2001, la gauche est devenue majoritaire au conseil de Paris tout en ayant réuni moins de 50 % des suffrages exprimés au second tour du scrutin.

Comment l'expliquer ?

La répartition spatiale des suffrages joue un rôle crucial dans le résultat final du scrutin. À Paris, les suffrages de la droite - et de Renaissance - se concentrent dans les beaux quartiers, où son hégémonie électorale ne lui est quasiment d'aucun profit.  Y dépasser largement la barre des 50 % n'a qu'une faible incidence sur la répartition totale des sièges. Les suffrages de la gauche, mieux répartis géographiquement, lui permettent d'être majoritaire dans davantage de secteurs clés.

La fin de la sectorisation de la capitale augmenterait les chances de Renaissance et de la droite de conquérir la mairie de Paris. Le projet des députés Renaissance a donc clairement un objectif électoral. Doit-il pour autant être immédiatement condamné ? Au-delà des enjeux politiques propres à la capitale, la proposition mériterait d'être étudiée pour les 1.200 intercommunalités du pays qui souffrent d'un réel déficit démocratique. Aujourd'hui, les conseillers intercommunaux sont certes, en principe, élus au suffrage universel direct à l'occasion des élections municipales. Mais l'usage d'une seule urne et d'un seul bulletin de vote, avec la technique dite du « fléchage », aboutit à dissoudre le scrutin communautaire dans le scrutin municipal. Pendant la campagne électorale, les enjeux intercommunaux sont occultés. Le président de l'intercommunalité est souvent élu au terme de transactions dont les enjeux échappent aux citoyens. Au terme de son mandat, il n'a aucun compte à rendre aux électeurs.

Le 4 octobre dernier, le président de la République estimait à l'occasion du 65e anniversaire de la Constitution que « toute notre architecture territoriale est à repenser (...). Cette décentralisation inachevée (...) produit aussi de la perte de repères pour nos concitoyens. Qui est responsable de quoi ? Quand et comment sont désignés lesdits responsables ? Quel impôt concourt à quel service public ? Une grande majorité de Français ne connaissent plus les réponses à ces questions simples. »

Deux urnes pour deux scrutins. À Paris, Lyon et Marseille, pourquoi pas ? Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas étendre la réforme à nos 1.200 intercommunalités ? Chiche, monsieur le Président ?

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Commentaire 1
à écrit le 19/10/2023 à 12:02
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La question de la représentativité électorale est intéressante théoriquement. Mais depuis Condorcet, on sait que cette question n'a pas de solution. Pour les collectivités, le problème me semble être ailleurs. Nous avons affaire non pas à un manque m...

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