Relever ensemble les défis de la mobilité électrique : il est urgent de ne pas attendre

OPINION. À un mois de l'ouverture de la COP28 à Dubaï, François Gemenne, célèbre politologue et co-auteur du rapport du GIEC, revient sur les défis cruciaux de la mobilité électrique* et ses impacts directs sur le climat.
(Crédits : DR)

« 1 million de voitures électriques produites en France d'ici 2027 », tel est l'objectif affiché par le Président de la République le 25 septembre lors de l'annonce des « grandes lignes » de la planification écologique. Si cet objectif semble (très) ambitieux, il n'en demeure pas moins un bel objectif susceptible d'impulser une transformation durable du parc automobile français avec des effets concrets en termes de décarbonation : sur l'ensemble de sa durée de vie en France, le véhicule électrique émet 3 à 4 fois moins de CO2 que son équivalent thermique.

Au regard de sa maturité technologique et de sa disponibilité, le choix de l'électrique s'impose dès lors comme une évidence de la transition bas carbone des mobilités routières - responsables de près de 95% des émissions de gaz à effet de serre des transports en France - pour réussir l'objectif annoncé de baisser de 29% les émissions des transports d'ici 2030. En effet, davantage de sobriété et de transfert modal vers le train ne suffiront pas, car, même si les cibles de report modal étaient atteintes, la part de la route resterait proche de 75% à cette échéance et les trafics ont vocation à augmenter, quels que soient les scénarios de décarbonation envisagés.

La révolution de la mobilité électrique doit désormais prendre toute la lumière qu'elle mérite (sans pour autant exclure d'autres technologies comme l'hydrogène à plus long terme). L'électrification des mobilités individuelles peut d'ailleurs se targuer d'être déjà bien engagée, profitant d'un environnement réglementaire et fiscal favorable - l'Union européenne a même récemment adopté un règlement prévoyant la fin de la vente des véhicules légers à moteur thermique neufs d'ici 2035. Les ventes de voitures électriques ont ainsi explosé au niveau mondial et plus d'une voiture vendue sur deux en 2030 pourrait être électrique.

La France n'est pas en reste

Certes, le développement du marché des véhicules électriques a démarré relativement lentement dans les années 2010, mais, depuis 2020, la tendance gagne du terrain grâce notamment à des mécanismes de soutien et des subventions : en 2022, sur 2,5 millions de véhicules achetés, 11,7% des véhicules étaient électriques, en forte augmentation par rapport à l'année 2021 (+3,4 points de pourcentage). La marge de progression reste toutefois importante : avec moins de 1,5% de véhicules électriques en circulation, l'objectif de 15% fixé par le gouvernement d'ici 2030 ne restera qu'un doux rêve si la France ne se donne pas les moyens de ses ambitions.

D'autant plus que l'augmentation des ventes ne saurait masquer certaines zones d'ombres persistantes : la concurrence féroce de l'industrie automobile chinoise, le besoin d'innovation pour le transport de marchandises, le maillage inégal du territoire en bornes de recharge électrique ultra-rapides, la capacité à alimenter les installations de recharge en énergie décarbonée et produite localement, le prix encore élevé des véhicules électriques pour les catégories modestes souvent très dépendantes de la voiture, la gestion des ressources naturelles et l'accès aux métaux rares... les défis ne manquent pas et l'ampleur de la tâche n'est pas à sous-estimer.

Planifier le « paradigme électrique »

Pour lui donner de la « cohérence », il est dès lors urgent de planifier le « paradigme électrique », et ce dans toutes ses dimensions : industrielle, technologique, sociale, énergétique et géopolitique. Et chacun des acteurs aura un rôle à jouer : les usagers qui devront modifier leurs comportements de mobilité (75% des actifs utilisent leur voiture chaque jour pour se rendre à leur lieu de travail), l'industrie automobile qui devra suivre le rythme effréné des constructeurs chinois et s'engager pleinement dans l'électrique, les pouvoirs publics « facilitateurs » de la transition prêts à soutenir financièrement la filière dans son ensemble, les gestionnaires d'infrastructures garants d'un réseau dense de bornes, mais aussi catalyseurs d'innovation (autoroutes électriques pour les camions)...

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(*) Réalisée avec des experts, cette série spéciale « mobilité électrique » est l'occasion d'explorer l'ensemble de ces dimensions et de dessiner les contours d'une stratégie ambitieuse visant à éclairer l'action publique, en phase avec la célèbre formule de Winston Churchill « mieux vaut prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne par la gorge ».

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Commentaires 2
à écrit le 26/10/2023 à 11:00
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Bref, ne vous faites pas d'illusion, nous reviendrons à la traction animale ! ,-)

à écrit le 26/10/2023 à 9:20
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Jancovici dit que le GIEC est composé de 3 groupes dont un composé seulement d'économistes et non de scientifiques, posant la question de son utilité... Que font les principaux responsables de la destruction de la planète dans l’observation et les co...

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