Rénovation énergétique des bâtiments : il est temps d'approcher la question différemment  !

OPINION. Inscrite dans le Pacte vert pour l'Europe, la rénovation énergétique des bâtiments doit s'accélérer en France : le rythme de rénovation est en effet insuffisant pour atteindre les objectifs de réduction du CO2 lié au bâtiment. Face à la baisse du budget alloué à MaPrimeRénov, dans un contexte d'inflation et de taux d'intérêts élevés, quelles perspectives s'offrent aux Français ? Pour amorcer ce virage d'ampleur, l'heure est venue pour les acteurs de ce marché de travailler différemment avec des logiques d'écosystème et d'innover. Par Dominique Trancart, Partner - Arthur D. Little
(Crédits : DR)

Un enjeu colossal pour la planète et le confort de tous se heurte à plusieurs défis. La Commission Européenne a affirmé sa volonté d'améliorer la performance énergétique de ses bâtiments avec deux objectifs temporels : la réduction d'au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, puis la neutralité carbone en 2050. En France, l'Etat a fixé, avec la planification écologique, les ordres de grandeur : un tiers de l'effort pour réduire les émissions dans l'Hexagone incombe à l'immobilier (46MtCO2).

Sur le territoire comprenant 36 millions de logements, la « vague de rénovations » à mener représente un enjeu colossal, avec des travaux à réaliser si l'on inclut seulement les 5,2 millions de passoires thermiques (près de 16 % de logements étiquetés F et G du diagnostic de performance énergétique) qui pourraient représenter un investissement jusqu'à 300 milliards d'euros (coûts de travaux de rénovation énergétique globale ou performante estimés entre 25 000 et 60 000 euros par logement).

Si les politiques publiques ont boosté la rénovation énergétique en France, avec plus de 1,5 million de logements rénovés depuis 2020, dont 176 067 rénovations globales, le marché ne semble pas en capacité de respecter les objectifs quantitatifs et qualitatifs européens. Le taux annuel de rénovation dans l'Hexagone est en effet estimé à environ 1% alors que la cible devrait être à 3% par an pour atteindre les objectifs de décarbonation.

Le développement de ce marché se heurte en réalité à cinq défis principaux : la diversité des solutions techniques, l'accompagnement des maîtres d'ouvrage, le manque de main-d'œuvre et l'accès au financement dans un contexte de finances publiques contraint (niveau de record de la dette publique et baisse récente de 1 milliard d'euros du budget alloué à MaPrimeRénov') et de taux d'intérêts élevés.

Insuffler une logique concertée pour favoriser l'innovation dans le financement

Face à cette vague de rénovation sans précédent, il faut une mobilisation de tous les acteurs de l'industrie du bâtiment et de la construction, mais aussi des énergéticiens, banques et assureurs dans une logique d'écosystème.

L'enjeu est aujourd'hui de soutenir et de faciliter le choix des particuliers, pour cela le marché doit se structurer et proposer une logique de solutions au service de ce chantier d'ampleur.

Même s'il est évident que des efforts importants seront aussi à mener en matière de formation et de simplification des offres, l'intérêt commun est de pouvoir disposer de solutions adaptées, packagées et financièrement viables pour encourager la rénovation du parc immobilier français.

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'engager, tout d'abord, le secteur bancaire et les assurances afin de renforcer les dispositifs de financement actuels, mais aussi de favoriser l'émergence de véritables porteurs d'offres avec des logiques de « Pack Réno ». Les énergéticiens peuvent aussi avoir un rôle à jouer puisque la rénovation thermique contribuera à diminuer la consommation d'énergie et renforcer notre indépendance énergétique.

Dans ce contexte, plusieurs pistes peuvent être explorées, à commencer par une approche où le financement des travaux de rénovation énergétique pourrait être exploité en tant que produit d'appel, à l'image du modèle de financement automobile, où l'achat d'un véhicule est rendu accessible via des solutions de crédit et d'assurance proposées directement par le constructeur.

Dans cette même logique, l'on pourrait envisager des offres de financement du reste à charge lors de travaux à travers des dispositifs, comme le « prêt Avance rénovation », qui permet d'emprunter une somme, puis de la rembourser avec ses intérêts lors de la mutation du logement, en supprimant les plafonds prévus.

La portabilité du coût de la rénovation énergétique en cas de vente du bien, via un prêt relais, pourrait aussi soutenir le marché et venir en soutien aux ménages modestes, souvent exclus des emprunts bancaires classiques ou déjà endettés fortement.

Encourager l'innovation dans les modalités de financement est une bonne chose, mais la coordination des différents acteurs privés est une nécessité. Le secteur de la construction et du bâtiment doit voir l'émergence de véritables chefs d'orchestre parmi les professionnels du secteur pour lui permettre de gagner en dynamisme et de surfer pleinement sur la vague de rénovation !

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Commentaire 1
à écrit le 02/04/2024 à 13:25
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Bla-bla d'intello-financier déconnecté des réalités économiques des particuliers, qui dans la très grande majorité sont déjà liés par des emprunts immo/ voiture/ conso et qui ne peuvent guère aller plus loin. Cela face à des normes et attentes de l'é...

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