Rénovation énergétique : ne lésinons pas sur nos objectifs... Au contraire, accélérons !

OPINION. Cette année 2023 est marquée par une accélération sans précédent des crises climatiques, énergétiques et sociales.
(Crédits : Andrey Popov - Fotolia.com)

Selon Météo-France, notre pays connaît son mois de septembre le plus chaud jamais enregistré, tout en ayant été confronté à des épisodes orageux particulièrement violents dans certains territoires. En parallèle, les prix de l'énergie continuent de flamber, et les Françaises et les Français en arrivent à un stade de plus en plus critique pour boucler les fins de mois.

Pour stopper cette spirale, qui contribue à creuser les inégalités et devient de plus en plus infernale pour nos compatriotes les plus modestes, nous avons encore le temps de réagir, mais il faut faire vite. Et à l'évidence, l'un des remèdes prioritaires réside dans une nouvelle politique de rénovation énergétique des bâtiments et d'amélioration des conditions de vie des populations.

En France, les émissions du secteur du bâtiment et du logement représentent aujourd'hui près de 20% des émissions nationales de gaz à effet de serre. Les ménages français dépensent en moyenne plus de 1.600 euros en énergie pour leur logement et plus de 3 millions d'entre eux vivent en situation de précarité énergétique : c'est dire à quel point la rénovation énergétique relève d'un chantier prioritaire pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, lutter contre le réchauffement climatique, protéger les Françaises et les Français face à l'augmentation des prix de l'énergie et, ainsi, réduire la précarité énergétique.

Dans cette optique, depuis 2015, la France a adopté de nombreuses mesures et fixé plusieurs objectifs de rénovation énergétique des bâtiments. Cependant, ils ne sont toujours pas atteints... Pire, dans la classe politique, certaines voix s'élèvent aujourd'hui pour les remettre en cause et assouplir le calendrier d'obligations en matière de location des logements les plus énergivores. Pour nous, Parlementaires des deux chambres ayant conduit des travaux sur cette politique majeure de la rénovation énergétique, c'est inadmissible. Certes, le calendrier s'accélère, mais il n'est pas « choquant », il est au contraire « nécessaire » : « c'est une question d'intérêt général », comme l'a parfaitement souligné le Conseil des Notaires en mai dernier au Sénat.

Tenir nos obligations et objectifs en matière de rénovation énergétique demeure un impératif énergétique, climatique, social et sanitaire. Nous devons les atteindre, voir même les amplifier, au regard du contexte actuel d'urgence. Nous en avons les moyens. Les solutions sont à portée de main. Il nous faut maintenant conjointement et concrètement les engager !

Le fil directeur de cette politique aujourd'hui doit être celui de l'isolation performante, de l'adaptation des logements aux évolutions climatiques et de la diminution de la consommation d'énergie. Le soutien public à la rénovation énergétique ne peut pas simplement se traduire par la décarbonation du chauffage et l'installation massive de pompes à chaleur. Décarboner oui, mais décarboner sans agir sur l'enveloppe du bâtiment constitue un non-sens ! Miser sur la seule électrification des systèmes de chauffage ne permet pas de protéger les ménages contre la précarité énergétique ; elle ne permet pas non plus d'améliorer l'efficacité énergétique ni la réduction des consommations. Face aux nouvelles hausses à venir des prix de l'électricité, les Françaises et les Français ne seront, en rien, protégés. Au contraire, l'électrification sans isolation globale accroîtra les tensions sur le réseau électrique, dans un contexte où l'équilibre production-consommation est déterminant pour répondre à nos besoins à l'horizon 2035.

La « meilleure » énergie est celle que l'on ne consomme pas. Il est donc primordial de changer de paradigme. Aujourd'hui, l'amélioration de l'efficacité des bâtiments doit être le pilier central de la politique publique en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Cette évolution doit aussi se traduire par un infléchissement des investissements publics dédiés à la rénovation. Si les 1,6 milliard d'euros supplémentaires annoncés pour 2024, constitue une mesure salutaire, il n'en reste pas moins insuffisants au regard du mur d'investissements nécessaires pour répondre à nos objectifs de 370.000 rénovations complètes par an d'ici à 2030 et 900.000 au-delà. Pour rappel, selon le rapport Mahfouz/Pisani-Ferry, à cette date, 34 milliards d'euros d'investissements publics supplémentaires sont nécessaires. Un relèvement très substantiel, rapide et dans le cadre programmatique pluriannuel, des dépenses publiques en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments s'impose donc. Y compris pour le parc social. En effet, les bailleurs sociaux ont la capacité et la volonté d'accélérer, mais cela implique un soutien fort et cohérent sur la durée de l'État, à hauteur d'un milliard et demi d'euros par an.

Le secteur du bâtiment, dont l'effort de consolidation des filières professionnelles et de matériaux en particulier biosourcés est indispensable, a un rôle clé à jouer pour nous permettre d'atteindre nos objectifs climatiques d'ici à 2050 et pour améliorer la qualité de vie des Françaises et des Français. Mais aussi, pour faire face aux nouveaux enjeux climatiques et énergétiques, comme celui, absolument primordial, de lutter contre les bouilloires énergétiques, en adaptant nos logements face à la hausse structurelle des températures. Mais aussi, d'alléger les tensions pesant sur l'approvisionnement en électricité et affecter cette ressource à d'autres secteurs stratégiques pour la neutralité carbone, tels que les transports ou l'industrie. Saisissons-en nous, en amplifiant les actions et les moyens, pour traduire en actes la massification de rénovation globale et performante des bâtiments en France !

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(*) Les signataires :

  • Julie Laernoes, députée Écologiste de Loire-Atlantique, co-rapporteure de la mission d'information relative à la rénovation énergétique des bâtiments
  • Jean-Louis Bricout, député LIOT de l'Aisne, président de la mission d'information relative à la rénovation énergétique des bâtiments
  • Guillaume Gontard, sénateur Écologiste de l'Isère, rapporteur de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique
  • Marjolaine Meynier-Millefert, députée Renaissance de l'Isère, co-rapporteur de la mission d'information relative à la rénovation énergétique des bâtiments

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Commentaires 3
à écrit le 12/10/2023 à 16:05
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S'il est logique de fixer des objectifs ambitieux il ne faut pas confondre vitesse et précipitation , à vouloir faire trop vite on rencontrera rapidement des problèmes de qualité et malfaçons avec un résultat pire que le mal .L'isolation thermique d...

à écrit le 12/10/2023 à 15:01
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Changer de voiture , isoler son logement pourquoi pas , mais trouver 50 000 euros , ce n'est pas évident. Pendant ce temps là, les allemands , chinois polluent au charbon et la France ne représente que 1 % des émissions de CO2 .

le 12/10/2023 à 15:27
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"isoler son logement pourquoi pas" ça permet au moins de faire baisser la facture annuelle d'énergie de chauffage (à voir en combien de décennies c'est amorti, selon aussi l'amélioration de la catégorie DPE) sans rien changer d'autre, le chauffage c'...

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