RÉTRO 2018 | La montée d'un racisme décomplexé en Europe

A travers diverses déclarations qui ont marqué l'année 2018, analyse des discours racistes sur les réfugiés, les migrants et leur impact sociétal. Par Andrea Rea, Université Libre de Bruxelles
Matteo Salvini en 2018
Matteo Salvini en 2018 (Crédits : DR)

Le président de la N-VA, (parti nationaliste flamand), Bart De Wever, dans une carte blanche publiée le 24 janvier 2018 dans le quotidien De Morgen, estime qu'ouvrir les frontières aux migrants comme le préconise, selon lui, la gauche, mettra inévitablement la Sécurité sociale belge en péril. Le chef de file des nationalistes flamands entend alors réagir à la situation au parc Maximilien à Bruxelles, où aboutissent des migrants souhaitant rejoindre la Grande-Bretagne.

Bart de Wever associe migration et mise en péril du système social belge.

Ce lien n'est en aucun cas démontré. Mieux : les déclarations de Bart de Wever vont même à contrecourant de ce que disent les études. La Banque nationale de Belgique a conclu dans un rapport de 2016 que les étrangers contribuent à la croissance économique, ils ne représentent absolument pas un coût pour l'économie belge. Notre centre de recherche, le GERME a, lui, montré que bien sûr, les réfugiés coûtent à l'État lorsqu'ils reçoivent le revenu d'intégration sociale au moment de l'acquisition de leur statut de séjour.

En revanche, la Belgique n'a pas payé leur scolarité puisqu'ils se sont formés dans leur pays d'origine et dès qu'ils travaillent et, pour certains se lancent dans une activité d'indépendant, les réfugiés contribuent à la croissance économique du pays et à l'accroissement du budget public et de la sécurité sociale. Les étrangers ou réfugiés ne mettent donc pas en danger notre système social ; ils contribuent même à en assurer son avenir.

La rhétorique de De Wever n'est pas vraiment neuve ni limitée à la Belgique... En effet, toute société construit une hiérarchisation sociale où certains groupes sont stigmatisés, racialisés. Ces groupes changent, parfois, avec le temps mais la rhétorique reste stable : dans les années '20, les Juifs étaient qualifiés de profiteurs ; dans les années '60, ce seront les Italiens taxés de venir chez nous pour toucher la "moutouelle" ; puis, ce seront les Marocains qui, dit-on, perçoivent trop d'allocations familiales ; et aujourd'hui ce sont les Africains et les réfugiés qui sont accusés, à tort, de mettre en péril notre système social.

Dans ce processus, le groupe racialisé n'est pas simplement qualifié de différent, il est surtout infériorisé, minorisé. Les membres sont des "sous-citoyens" à qui on nie la légitimité de leur demande d'égalité de droit, de parole, d'estime. En outre, les descendants de migrants stigmatisés dans le passé reprennent souvent cette rhétorique raciste pour bien se démarquer des nouvelles figures de bouc émissaire, suivant l'adage le dernier ferme la porte.

Matteo Salvini, le 14 septembre 2018.

Matteo Salvini encourage la natalité... italienne, contre l'immigration

Avec une cinquantaine de collègues migrants ou issus de la 2e génération de migrants italiens, nous avons réagi aux propos de Matteo Salvini disant que son pays n'avait pas besoin de migrants africains mais bien que les Italiens fassent plus d'enfants. Il oublie qu'entre 1946 et 1955, l'Italie a exporté 1,5 millions de travailleurs italiens, en majorité des jeunes, vers la France, l'Allemagne, le Bénélux et la Suisse. Si l'Italie s'est développée économiquement dans les années 60, c'est également parce que l'Italie a exporté une grande partie de sa misère, comme il en est aujourd'hui pour des pays africains.

Salvini a répondu à notre carte blanche sur son compte Facebook. Les posts se sont multipliés et très vite, j'ai reçu des insultes, des disqualifications, des intimidations... plutôt que des arguments. C'est difficile aujourd'hui de soutenir une controverse argumentée ou un débat citoyen face à une rhétorique raciste où l'histoire et les faits sont oubliés, voire niés.

De Wever, Salvini, Orban, Trump ont-ils libéré la parole raciste ?

Dans les années 80, pendant une courte période, des responsables politiques locaux ont eu recours à un discours politique raciste. Aujourd'hui, ce discours politique raciste devient une partie de la communication gouvernementale dans certaines démocraties européennes. Lorsque des politiques relaient des propos racistes, ils les légitiment ; ils changent la norme de ce qui est audible et dicible ; ils libèrent en effet la parole raciste dans les assemblées, dans les cafés, dans la rue, au travail, etc. Ces discours fonctionnent comme un algorithme de la pensée où migrant égale profiteur ou délinquant. La réalité est bien sûr bien plus complexe. L'Union européenne voulait devenir une société de la connaissance, mais nous plongeons dans une société de l'ignorance, ingrédient indispensable des régimes autoritaires.

Comment s'articulent immigration et racisme

Le groupe racisé n'est pas nécessairement celui qui migre ; les Aborigènes d'Australie ou les Indiens des Etats-Unis en sont de bons exemples. Nos sociétés sont hiérarchisées : à un moment donné, un groupe dominant contribue à stigmatiser une partie de la population et à lui nier des droits. Le groupe racisé est construit à partir de deux dimensions principales : la première est identitaire renvoyant aux traits ethniques et culturels ; la deuxième fait référence au statut d'infériorité dans la hiérarchie socio-économique.

Ainsi, un Polonais employé à la Commission européenne sera qualifié d'expat' tandis qu'un Polonais qui travaille dans la construction, sera appelé migrant... Là aussi, ce n'est guère neuf : les pauvres n'ont pas la même manière de vivre et de mourir écrivait déjà Balzac, contribuant de la sorte à la racisation de la pauvreté.

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Retrouvez ici l'intégrale des articles de la rétrospective 2018 des enseignants-chercheurs de l'ULB.

The Conversation _________

Par Andrea ReaProfesseur de sociologie, Université Libre de Bruxelles

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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Commentaires 14
à écrit le 01/01/2019 à 2:04
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Le racisme ne peut pas exister puisque les races n'existent pas.

le 07/01/2019 à 10:12
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Approfondissons cette réflexion: "Islamophobie ou prolophobie ?" https://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/BREVILLE/52625 Difficile en effet de séparer le racisme de la peur du pauvre qui viendrait manger notre pain quotidien. Mais déjà ré-ha...

à écrit le 31/12/2018 à 18:25
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Le problème fondamental est la surpopulation. Ajoutons en cela toutes les vicissitudes, les dérives politiques, économiques, financières, la mégalomanie des dirigeants, celle des "élites", du personnel politique et on obtient une immigration qui est ...

à écrit le 31/12/2018 à 18:16
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Le nez sur le mot " immigration", le prof disserte - confortablement installé - en donneur de leçon pour la cause humanitaire. Les immigrationnistes ne se posent aucune question sur les causes de cette immigration ni sur leurs conséquences. Ils amalg...

à écrit le 31/12/2018 à 9:54
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Un pays qui compte 6 millions de chômeurs et agité de mouvements de rue devrait ne pas signer le Pacte de Marrakech

à écrit le 30/12/2018 à 15:35
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Mercis gracie à Matteo salbini pour La Défense de l Italie viva italia 👍

à écrit le 30/12/2018 à 10:20
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Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’eloge flatteur. Quand on préempte les postes à l’université et que l’on interdit l’accés aux postes de toutes personnes qui ne sont pas « de gauche immigrationiste », l’appuie d’études scientifiques et la ...

à écrit le 29/12/2018 à 17:31
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Ce n'est pas nouveau et de toute manière depuis les débuts de l’humanité quasiment toutes les populations ont migré, souvent par la force des choses. Alors pourquoi ces crispations ? C'est devenu un argument politique, souvent à défaut d’autres idée...

à écrit le 29/12/2018 à 15:44
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Trop d étranges en france en europe stop l'Espagne fait venirs d es étranges un danger pour l Europe

à écrit le 29/12/2018 à 13:00
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Dans cet article abjecte, l'auteure : - efface sciemment les différences culturelles fondamentales entre nous, peuples autochtones des Nations européennes et les immigrés extra-européens, - fait disparaître le caractère illégal de l'immigrat...

le 29/12/2018 à 16:17
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Les peuples européens souffrent et une très grande partie de leurs populations est marginalisée économiquement sans espoir d'une embellie. Il faut admettre les principes qu'il est mensonger de promettre prospérité et emploi aux peuples européens en c...

le 30/12/2018 à 21:04
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+1000. C'est très vrai, les noirs ont maintenant des esclaves blancs. On en voit partout travaillant dans les champs se faisant fouetter s'ils n'avance pas. C'est ça qui a déclenché d'ailleurs la révolte des gilets jaunes.

à écrit le 29/12/2018 à 12:24
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"L'Ordre du jour" https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ordre_du_jour_(r%C3%A9cit) Ils nous ont vendu le plus beau rêve, le rêve européen de peuples libres et unis pour que l'on se réveille dans le pire des cauchemars.

à écrit le 29/12/2018 à 9:35
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ce n'est qu'un sentiment mais peut-être que les peuples d'Europe ont l'impression d'une invasion de personnes qui n'ont pas les mêmes moeurs qu'eux?? trop peut-être est-ce trop?

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